La mission Olivennes rend son rapport. Le texte n'est pas disponible, mais plusieurs sources en font la synthèse. De ce que l'on peut voir, la continuité est grande avec les angles prcédents d'analyse du sujet des téléchargements : accroissement des possibilité de répression sur les acteurs présumés de téléchargement, voeux pieux sur les conditions du développement des offres légales.
Guillaume Champeau revient dessus, sur ratiatum, en relayant la position de l'UFC. Je reste assez ahuri de voir à quel point, plusieurs années après les débats sur la loi DADVSI, on en reste finalement exactement au même point, en ne proposant manifestement que des solutions de "lutte contre", et aucun engagement effectif pour développer une offre légale positive ou penser un nouvel équilibre des acteurs de la création, dans le cadre du numérique. On peut se poser des questions, dans un Etat de droit, sur la mise en place d'une autorité indépendante chargée de ficher et sanctionner des auteurs d'actes présumés. Je laisserai sur ce point la parole à mes amis juristes, mais y vois quelques contradictions de principe avec des engagements internationaux et constitutionnels.
La liste des "riens de l'UFC" est ahurissante. J'attendrai de voir de mes propres yeux le rapport pour vérifer que, oui, une mission s'attachant au lourd sujet des téléchargements n'a pu qu'émettre du vide sur ces sujets :
- Presque rien sur les DRM. Une simple recommandation sans mesure concrète et des promesses qui n'engagent que ceux qui les reçoivent, alors que démonstration est faite que ces verrous détruisent l'utilité, c'est-à-dire la valeur économique du fichier et de l'oeuvre.
- Rien sur les prix de gros et de détail de la musique en ligne alors qu'un oligopole exerce manifestement une position dominante et inflige des prix excessifs.
- Rien sur les accords d'exclusivité (Warner/Orange) destinés à se multiplier dans l'avenir qui cloisonnent l'offre culturelle et incitent aux échanges non contrôlés.
- Rien sur l'amélioration de l'exploitation et donc de la diffusion des catalogues sur internet.
- Rien sur la qualité des fichiers et donc la qualité sonore des oeuvres vendues.
- Rien sur l'augmentation légitime de la part du prix effectivement reversé aux créateurs.
Bref, rapport extrèmement partial (comment peut-on remettre un rapport impartial quand on fait présider la commission à une partie prenante, quelles que soient ses qualités par ailleurs ?), et qui semble surtout très partiel, pas vraiment à la mesure du problème, d'un enjeu qui devrait être, plus que celui d'une petite réflexion sur la protection d'un système en place, celle d'une ouverture à l'invention de nouveaux modes de (co)création, de diffusion. Adapter la nouvelle chaine de valeur de la musique plutôt que tenter d'en préserver une ancienne et menacée, de toute façon.
Par ailleurs, quelque chose d'autre me chagrine. Un nouveau processus législatif devrait commencer. Travers bien français : encore une nouvelle loi. Aucune évaluation de la précédente. On a eu de longs débats sur DADVSI, et on n'a aucune bille précise sur l'application de la loi, ses effets, ses conséquences, ses impacts. On se contente de réunir quelques sages et parties prenantes autour de tables, et on imagine de nouvelles contraintes dispositions.
DADVSI 2 ? J'ai l'impression que tout mène au même type de dialogue de sourds, entre des "ayants-droits" arc-boutés sur la répression et le contrôle, et des "internautes" ne comprenant pas qu'on ne parle pas des vrais sujets d'avenir, de leurs usages effectifs. L'impression que l'histoire se répète, que c'est la même vague qui revient, mais cette fois encore plus grande, encore plus folle, encore plus cristalisée, enkystée, bloquée, entre deux mondes qui ne se comprennent plus.
L'industrie du disque est déjà morte. Le boss de Warner Music l'a reconnu dans ce qui ressemble à un testament adressé aux opérateurs téléphoniques. On ne part pas en guerre contre ses clients, c'est ce que les artistes ont bien compris pour leur part. Il quittent le navire.
Le rapport Olivennes est une blague ou un prétexte. Le nouveau modèle de l'industrie musicale en France, c'est le gouvernement qui va (à priori) nous le pondre, en allant augmenter de 50% la captation sur les radios ou en mettant des radars automatiques sur le réseau (25% des français se déclarent hors-la-loi sur le téléchargement, un bien beau marché, non ?)
Quand à une DADVSI 2, je n'ose même pas penser dans quelle impasse on va sombrer.
Non, le plus grave c'est le message que l'on va entendre ce matin, adressé à la France numérique et à l'économie qui va avec. Derrière le téléchargement, il y a un choix de société, il y a aussi la place de la France dans l'économie moderne. Là, j'ai peur.
Rédigé par : Alexis Mons | 23 novembre 2007 à 11:45
C'est affligeant.
Déjà au niveau misical, les arguments des auteurs s'effondrent : les exemples de groupes comme Radiohead ou d'Arcade Fire prouvent que les téléchargement n'empêchent pas les artistes de vivre de leur passion et de gagner en notoriété.
Ceux des ayants-droits : cela relève des droits de succession... Est-ce légitime de payer plus pendant 25 ans des oeuvres pour permettre aux héritiers des créateurs de vivre grassement?
Quant aux maisons de disques, elles veulent profiter de l'ancien et du nouveau modèle.
Le consommateur sera doublement perdant.L'économie également si ce rapport concerne les brevets sur les logociels.
Rédigé par : pas perdus | 23 novembre 2007 à 12:01
Une petite erreur me semble-t-il: comment peut-on remettre un rapport impartial quand on fait présider la commission à une partie prenante
Rédigé par : Norikazu | 23 novembre 2007 à 13:10
Norizaku : corrigé, merci !
Alexis : en fait, je pense que la bataille se gagne en amont, dans le cadrage du débat. Les industriels de la musique ont réussi à imposer l'idée que le principal enjeu, dans cette affaire, était la lutte contre les téléchargements. Dès lors, c'est devenu le cadre imposé de toute réflexion, voire sa limite.
Comme si, en France, on ne pensait la politique des transports que sous l'angle de la vitesse excessive sur atoroute (pour filer la métaphore des radars), quand il s'agit de réinventer les modes de déplacements, face à un jeu de contraintes supplémentaires. Et le tout, en confiant une mission sur "les transports" au patron d'une entreprise automobile.
pas perdus : pour l'instant, on est clairement sur le sujet de la musique et des films, dans une vision qui se détache d'ailleurs de la simple création (onenne semble parler que des auteurs en contrat avec des producteurs :toute mention d'un tiers qui n'entrerait pas dans le schéma actuel de l'industrie de l'entertainment semble proscrite : on nie une forme de réalité).
Rédigé par : versac | 23 novembre 2007 à 13:22
Le rapport + le résumé de 2 pages sont dispo sur lemonde.fr
Il n'a pas été signé par l'UFC.
Rédigé par : Txlt | 23 novembre 2007 à 13:28
on va se marrer avec les supensions de l'internet dans les offres tripleplay (entre autres joyeusetés)... ça promet quelques contentieux... c'est con il y aura moins de tribunaux
Rédigé par : marc | 23 novembre 2007 à 13:40
Je suis surtout stupéfait de l'inconscience économique des parties engagées. Montrer au grand jour un projet, proposé par des "commerçants", que les internautes vont rejeter à une grande majorité, juste avant noël, c'est quand même prendre le risque de se tirer une balle dans le pied alors que l'on est déjà pas en très bonne santé ! Je ne pense pas pas que cet exercice contribut à redresser les courbes de ventes de CD et DVD pour les fêtes de fin d'années.
Ce qui me pousse d'ailleurs à penser que ce rapport n'est qu'un leurre servant à mettre en place des mesures destinées, au bout du compte, à de tous autres objectifs. Demander à contrôler les échanges et brider les techniques de communication libre pour lutter contre le piratage, c'est s'ouvrir la possibilité ultérieure d'utiliser ces outils à d'autres fins ... marketing et très rémunératrices celles-là. Néanmoins, ce serait, une fois de plus, la preuve de leur arrogance déplacée. Penser que la communauté numérique, une des plus prolifique en terme de capacité de réaction technique, va se laisser enfermer dans un carcan technoligique liberticide, c'est vraiment un péché d'orgueil.
Bref, un nouveau coup d'épée dans l'eau de la part de ce lobby qui a totalement oublié l'objectif initial de toute entreprise digne de ce nom : chercher à satisfaire ses clients !
PS : je serais curieux de connaitre l'avis d'un juriste sur la possibilité donnée à une autorité indépendante de priver un citoyen de son accès au réseau téléphonique (offre triple play oblige, plus d'internet, c'est plus de téléphone ...) suite à un contentieux n'ayant pas un rapport direct avec le dit téléphone ou son utilisation !
Rédigé par : Olivier | 23 novembre 2007 à 13:46
Juridiquement, on sait déjà que c'est pire qu'un plat de spaghetti pour retrouver ses petits.
Sinon, oui, Olivier, cette industrie est en guerre contre ses clients et risque de le ressentir en monnaie sonnante et trébuchante, mais j'ai envie de dire que c'est déjà le cas.
@ Versac : à l'époque de la DADVSI, j'avais moi-même pointé qu'au fond de l'affaire, il y avait l'absence de représentativité et la dispersion du camp numérique versus le lobbying organisé des gars d'en face.
Nous avions découvert à cette occasion que si le net est un tas de gens en réseaux qui sont amis pour la vie, la vrie vie, ce n'est pas l'Ile aux Enfants. Accessoirement, heureusement qu'il ya UFC Que Choisir !
Rédigé par : Alexis Mons | 23 novembre 2007 à 14:31
Est ce possible que les bloggeurs influents s'organisent sur ce coup là ?
ce n'est pas moi avec mon blog à deux balles qui vait pouvoir bouger les foules
Rédigé par : marc | 23 novembre 2007 à 15:04
désolé de ne pas être diapason. Je ne suis pas en faveur d'une répression tous azimuts mais je reste choqué par l'ignorance de certains. Comment sont financés les films, fictions ou documentaires (bons aou mauvais) ? Par les investissements obligatoire d'une filière : les chaînes de TV (demain les opérateurs de VOD) financent la production de ces oeuvres. C'est unique au monde. Cela fait partie de "l'exception culturelle". Cela n'a rien à voir avec la musique.
Quand un film français est piraté, c'est un argument de plus pour les chaînes de TV qui l'ont financé par obligation de critiquer les dites obligations... Et ne pas sanctionner les pirates, c'est ainsi laisser le système mourir à terme.
Quand vous n'aurez que SPIDERMAN, Hulk et les Bronzés 3 à télécharger, chers amis, et bien, on en reparlera.
cordialement
Rédigé par : Juan | 23 novembre 2007 à 15:16
Le problème n'est pas le financement, c'est le mode de financement.
Le modèle économique de l'industrie culturel est mort, il n'a pas évolué. Pendant ce temps, les artistes, de plus en plus nombreux se sont pris en main pour en inventer un autre. Cf RadioHead, il y a déjà dix ans, Prince, plus proche de nous l'ascension des Artic Monkeys. Cf des Jamendo et autres plateformes légales à modèle alternatif.
Le monde a changé, la culture se vend et se finance autrement, qu'une industrie ne veuille pas l'entendre, tant pis pour elle, mais elle n'a pas à entraîner toute la culture dans sa chute.
Rédigé par : Alexis Mons | 23 novembre 2007 à 15:20
Juan : l'ignorance ? Pas sûr. des tonnes de nouvelles plate-formes mettent en oeuvre de nouvelles solutions pour faire émerger des créateurs et artistes, leur permettre de créer.
Penser le système en "aide-exception culturelle-obligation de financement des chaines" contre "USA-Hulk-fin des financements", c'est pour le moins paradoxal et ignorant également.
Les Etats-Unis financent peut-être Hulk et Spiderman, mais ont aussi un bon cinéma d'auteur. Et les téléchargements sont sans doute plus encore une menace pour les gros studios que pour les aides obligatoires, plus indirectement menacées.
Et encore, c'est toujours le même sujet. Le problème n'est pas financement en soi, mais la question de la disparition ou de l'éclatement de certains maillons d'une chaine, qui, elle, n'est pas vouée à disparaitre, mais qui est juste en train de se réinventer.
Rédigé par : versac | 23 novembre 2007 à 16:00
Je viens de lire le résultats des courses. Et ben des intentions irréalistes et irréalisables (il y a tellement de "si" que c'en est ridicule). En tous les cas, c'est parti pour la DADVSI 2. Ça va être n'importe quoi.
Rédigé par : Alexis Mons | 23 novembre 2007 à 18:07
C'est quand même un peu paradoxal, voire de mauvais foi, les arguments que je lis ici:
1) ce serait "liberticide": mais toute liberté, même celle du net, doit être un peu encadrée. Ma liberté me permet de voler ou de tuer, mais justement la société fait en sorte d'encadrer cette liberté par des dispositifs de surveillance à mon profit aussi et de prévention...
2) "faites tous come Radiohead": bien sûr, pour eux ce n'est que de la pub, ils sont archi-connus, mais les 3/4 qui galèrent, eux auraient le droit de se faire piller ? En fait vos arguments revieent à encourager les "gros"/riches pour enfoncer encore plus les "petits". C'est pas hyper libérale (au mauvais sens du terme) votre conception, plutôt que "libertaire" ? Mumm ?
3) l'autorité qu va êtremise en place permet justement de ne plus "pénaliser" les affaires, ce qui est énorme, et en plus elle est indépendante des producteurs (du m^^eme type que la CNIL) ave de heuts commis de l'etat impartiaux: mince alors que demande le peuple .
Tout ceci me trouble: les partisans du tout téléchargement gratuit sont foncièrement autistes et ne pensent qu'à LEURS intérêts, or ce n'est pas ainsi que fonctionne une société "civilisée". Tiens, ma boulangère a un max de pains en vitrine: je vais lui en taper un gratos puisque c'est la "liberté de mouvement", voilà à quoi se résument les arguments que je lis ici: un peu faibles pour tout dire...
Rédigé par : pilou666 | 24 novembre 2007 à 16:56
Je ne crois pas qu'on dise que tout est gratuit, on dit qu'il y a d'autres business model qui permettent aux artistes de vivre de leur art, et qui ne sont pas forcément en contradiction avec le P2P. Aujourd'hui, les majors du disque essaient de sauver leur peau, alors qu'elles s'en foutent plein les poches depuis des années, en vendant des CD à prix d'or sur des catalogues amortis depuis des lustres. Et plutot que d'évoluer, les seules choses qu'elles proposent, c'est la répression (là, je résume, mais on n'est pas loin). C'est un peu comme si La Redoute essayait d'interdire le e-commerce, parce qu'elle perd des parts de marché en vente pas correspondance. On trouverait ça ridicule et suicidaire.
A lire sur le sujet, l'excellent livre "L'Age de Peer", tout y est remarquablement écrit.
Rédigé par : Nico | 24 novembre 2007 à 22:37
@alexis
je ne pense que tu puisses dire que les partisans du tout téléchargement gratuit justement ne payent rien.rien n'est gratuit parceque tout simplement tu payes ton accès internet à un FAI.ce qui se joue là c'est le transfert de valeurs monétaires d'un element vers un autre cad des maisons de disques vers les FAI.arrêtons d'être cynique personne n'a internet aujourd'hui à ce prix là pour envoyer un mail ou créer un blog pour flatter son égo
Rédigé par : jerome | 27 novembre 2007 à 13:22