Evolution du discours économique de Nicolas Sarkozy cet après-midi. Pas dans le style, toujours le même, toujours aussi insupportables, mais dans les thèmes abordés par rapport à ceux de sa campagne. Evolution, pas rupture. Il dit au début de son discours n'avoir pas changé. C'est vrai sur le style. Mais il a fait évoluer relativement nettement les sujets abordés et ouvert de nouveaux champs de réforme non évoqués pendant la campagne.
Au delà des symboles (le retour en central du thème de la rupture), on sent que le discours s'infléchit, face à la nécessité de rassurer un patronat relativement sceptique face aux premières mesures et à une politique assimilée (sans dout eà juste titre, sur les premières mesures) à une banale relance de droite (par baisse de la fiscalité, sans esprit de réforme profonde).
Dans son discours initial sur la rupture, je note d'ailleurs, au milieu de dénonciations un peu imaginaires, la dénonciation de ces élites qui pensent que les Français sont rétifs au changement, alors qu'ils n'osent même pas le proposer. Thématique de discussion habituelle avec d'autres blogueurs, plutôt de gauche, d'ailleurs.
Nicolas Sarkozy a donc remis au goût du jour des thèmes qui avaient disparu pendant son année de campagne. La réforme de l'Etat, qu'il n'avait quasimet pas abordée, est revenue en force. Avec des mesures salutaires, d'ailleurs, des défis symboliques, comme la fusion de la DGI et de la DGCP. Et surtout la promesse d'une grande revue, intégrale, de toutes les politiques publiques. Un discours offensif sur les dépenses inutiles (la "suppression de tous les organismes inutiles" : je demande le bilan dans cinq ans !). Un discours de lutte pour l'efficacité de l'Etat, en somme, qui avait un peu disparu de l'expression du candidat pendant la campagne.
Sarkozy annonce également l'évolution des mesures pour l'emploi, plutôt absentes des premiers mois. Au premier plan, la fusion des réseaux de l'ANPE et de l'UNEDIC, qui doit être décidée avant la fin de l'année, ainsi que la mise en place (même si c'est annoncé sous le simple principe de sa volonté, ce qui pourrait signifier que c'est annexe) d'une amélioration de l'indemnisation des chômeurs, avec la contrepartie de sanctions en cas de refus d'offres successives ; politique prévisible, mais encore peu fixée. Point positif, l'association des partenaires sociaux au delà de la simple indemnisation.
Etonnement : il ne parle pas du contrat unique. Mais il annonce une possibilité de séparation à l'amiable entre l'employeur et l'employé. Il va falloir arriver à en définir les termes sans augmenter encore le sujet de l'incertitude juridique des contrats, frein majeur à l'emploi.
Enfin, troisième élément d'inflexion, une charge en règle contre les excès de l'administration, dans un ton qui a ravi les présents, confrontés à l'absurdité administrative.
Pour le reste, rien que de très classique. Discours sur l'Europe et le libre échange habituel, en trois temps. Dans un premier temps, on affirme son goût pour le libre échange, l'ouverture. Puis on se lamente des autres pays qui ne respectent pas les règles du jeu. On dit qu'on veut bien l'ouverture, mais qu'il faudra que les autres respectent les règles aussi. Il ne manque que la conclusion : comme les pays du Sud ne voudront pas appliquer des exigences que nous leur demandons (environnementales, sociales...), la conclusion devrait être de sortir du libre échange. C'est juste resté à un niveau implicite. mais ça sous-tend beaucoup de la réflexion de Nicolas Sarkozy sur les relations internationales (si eux trichent, pourquoi continuer à appliquer les règles ?).
Grande absence de sujet d'égalité et de justice sociale. Discours de droite. Appel à la responsabilité des patrons. Tonalité plus libérale, plus centrée sur la réforme de l'Etat, sur les errements de l'administration, complètement adaptée aux patrons.
Laurence Parisot a souligné son émotion devant la venue du président, cette reconnaissance dans le discours de la place de l'entreprise. Le changement est ressenti, ici, et la véritable rupture est sans doute là, dans cette standing ovation fournie par les adhérents du MEDEF au président. Enfin un président qui tient u ndiscours de soutien à l'entreprise, sans ambages, sans faux semblants. Enfin un président qui leur dit ce qu'ils aiment entendre, avec une sincérité ressentie.
Les présents font preuve d'un optimisme général, d'une confiance qui semble réelle. Sans illusions toutefois. Si la volonté de réforme semble claire, on entendait après le discours quelques railleries également, sur le côté magique, simplement fondé sur la volonté du prince, de certaines déclarations. Les entrepreneurs semblent vouloir accorder leur confiance. Ils semblaient un peu sceptiques, sont rassurés par le discours, le ton, par des projets. Il n'y a plus qu'à tenir les promesses... Et à dépasser le stade de la dénonciation habile des blocages...
Sur le fond, je me réjouis aussi d'un positionnement qui comprenne le point de vue de l'entreprise, et le valorise. La rupture est là, effectivement. Le plus exemplaire est d'ailleurs sans doute le petit passage qui parle de l'admnistration qui reprendd'une main ce que le législateur avait voté, sur les administrations fiscales qui contredisent les choix politiques. Ce discours est souvent juste,même si teinté d'un peu de démagogie, déplaçant dans le politique la vertu fantastique qu'on voyait auparavant dans l'administration. Un tel discours pourrait presque être tenu par une gauche moderne également, qui cesserait de voir dans l'action de l'Etat un gage d'impartialité et de justice et se mette également à lui demander des comptes.
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Petite chose amusante notée :
"Ce qu'on fait les socialistes britanniques il y a dix ans, je veux bien qu'on le fasse". Si c'est vraiment le cas, je voudrais bien le voir mettre en oeuvre l'augmentation de la dépense publique, la décentralisation radicale, des retours de régulation, des augmentations de service minimum, décidées par Tony Blair. Le délire français sur le Blairisme est tel qu'il arrive à faire croire que l'ancien premier ministre britannique aurait mené à l'époque une politique similaire à la sienne... La provocation, fondée sur les erreurs de compréhension des Français, a des limites...
Bah zut, presque trois heures que c'est posté, et personne ne vous a encore accusé d'antisarkozysme primaire. Les vraies valeurs se perdent, moi j'dis.
Rédigé par : GM | 30 août 2007 à 20:44
"Il va falloir arriver à en définir les termes sans augmenter encore le sujet de l'incertitude juridique des contrats, frein majeur à l'emploi."
Alors je me lance : qu'est-ce qui vous autorise à dire ça ? Des preuves, je veux dire, des preuves chiffrées ? Non, parce que franchement, c'est du fantasme tout pur ! J'ai fait une recherche d'ampleur sur les prud'hommes, et franchement, les entreprises n'en ont absolument pas peur... J'arrête là, mais vraiment, ces clichés me fatiguent.
Rédigé par : Laurent | 30 août 2007 à 22:26
Gm :)
Laurent : hum. Rien de statistique, j'avoue, mais le problème de l'insécurité juridique des contrats est un vraiu problème.
Rédigé par : versac | 30 août 2007 à 23:10
Versac ,votre commentaire est excellent parce que ,pour une fois ,nuancé .
Plus encore que les contrats ,l'insécurité générale ,c.à.d ,juridique et fiscale des entreprises est dramatique .Impossible d'établir des prévisionnels fiables et nécessité ,même pour des T.P.I ,d'avoir recours à des services juridiques et comptables couteux .
Rédigé par : Minerve | 30 août 2007 à 23:31
merci pour cet excellent papier! moins convaincu par ta conclusion il me semble que Blair a commencé par une politique clairement libérale avant de virer à gauche (relativement).
Rédigé par : pierre chappaz | 31 août 2007 à 00:58
Sur le volet "social", il a quand même insisté sur le pouvoir d'achat. Sur le ton de "mes bons amis patrons, faites un effort pour votre secrétaire".
Blair a pu augmenter les dépenses publiques parce qu'il arrivait après une période de baisses. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'effectivement il la réduirait aujourd'hui dans le contexte français. Mais il ne serait pas élu, les Britanniques élisent assez pragmatiquement leur gauche et leur droite aux moments respectifs où ils en ont besoin.
Au total, au-delà des incohérences habituelles (pas un mot sur le financement) et du style détestable, la tonalité générale du discours est celle de ce qui devrait être, normalement, le discours de la gauche; non au "capitalisme financier", défense de la concurrence et de la petite entreprise, d'une croissance qui profite à tous. C'est le discours des gauches espagnole, britannique, allemande. C'est ce qui est bien ennuyeux pour le PS. Je ne sais pas si vous avez entendu Manuel Valls le soir, il était bien embêté. En filigrane, on comprend "je dis grosso modo la même chose, mais moi je le ferai". Si des gars comme lui ou l'avocat interviewé plus haut arrivent à imposer cette ligne (ce dont hélas je doute fort), je ne serai pas bien difficile à convaincre.
En revanche je ne comprends pas bien cette façon de taxer d'idéologique des choix qui ne sont qu'idiots.
Rédigé par : Fachocentriste | 31 août 2007 à 16:54
Les discours comme les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.
Devant un auditoire CGT, N Sarkozy nous ressortirait Blum, Jaures et les acquis sociaux...
Plus ça va plus je suis frappé par l'impréparation de N Sarkozy à exercer le pouvoir; autant sa campagne avait été d'un professionnalisme total autant ses premiers mois à l'Elysée donnent l'impression d'un amateurisme inquiétant. N Sarkozy voulait le pouvoir, absolument, mais finalement son exercice ne le passionne pas. Ce qui l'intéresse ce sont les flons-flons qui vont avec: être présent tous les jours aux 20h, appeler George ou Angela au téléphone et ne pas être mis en attente, serrer la main de Poutine...Une illustration: la mise en place de la Commission Attali, vaste rigolade, car ça doit être la 15eme du genre...comme si le diagnostic sur les problèmes de la France et les remèdes qui vont avec (de gauche ou de droite) ne sont pas connus et que N Sarkozy n'avait pas eu 5 ans sous la présidence de J Chirac pour y réfléchir. On rappellera par exemple le rapport Camdessus commandé par .. N Sarkozy, Ministre des Finances. voir http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000498/0000.pdf
Cdt,
PS beau hold-up - initié par EA Seilliere - sur le mot entrepreneur que celui réalisé par le MEDEF. La grande majorité des présents à Jouy en Josas étaient des chefs d'entreprises, mais managers, ce qui est déjà très bien mais pas tout à fait pareil. Plus généralement je m'interroge toujours sur la représentativité du MEDEF par rapport au monde de l'entreprise (on pourrait faire la remarque symétrique pour les syndicats)
Rédigé par : Observateur | 02 septembre 2007 à 11:32
bonjour,
je me trompe peut etre... mais n'est ce pas a l'occasion de ce discours que Sarkozy a annoncé sa volonté de depenaliser le droit des affaires?
si oui, qu'est ce que ca vous a inspiré?
Rédigé par : Gasper | 03 septembre 2007 à 15:20
@ Pierre Chapaz : Pourquoi opposer "libéral" et "à gauche"??? Blair, grâce notamment à des théoriciens comme Anthony Giddens, a mis en place un modèle "social-libéral" qui est à mes yeux celui de l'avenir de la gauche en Europe. La droite est par nature plus protectionniste, étatiste et conservatrice donc 'anti-libéral' que ce que devrait être la gauche, à la manière dont les britanniques nous l'ont montré. Certes la France a beaucoup de retard. Mais les lignes bougent en ce moment, il suffisait d'entendre ce vieux renard de Hollande à La Rochelle hier...
Rédigé par : Tonton | 03 septembre 2007 à 15:57
@ Tonton. Oui, en quelques jours Hollande est devenu libéral. Bel exercice de survie. Mais quelle pantalonade...
Rédigé par : Charles' | 09 septembre 2007 à 12:09