Lundi matin. Onze heures. Je reviens chez moi, de LCI, où j'ai joué au blogueur de service à coté de Roland Cayrol et Pierre-Luc Ségillon, personnalités installées, qui m'ont un peu regardé d'un drôle d'oeil. Le courrier sous la main, j'allume l'ordinateur, relève les mails. On avait dit 11h30, on avait eu du mal à caler le rendez-vous, il est en retard. Tant mieux, je peux traiter quelques e-mails de la matinée, je suis dans le salon, il fait toujours ce temps d'été.
Je suis fatigué. Hier, il y avait cette drôle de soirée électorale, je suis rentré trop tard, alors que j'étais épuisé par une longue semaine. Le sommeil me manque. Il fait beau, pourtant, le balcon est débordant de fleurs, malgré mon arrosage irrégulier de la semaine précédente. Mal de tête, deux ibuprofènes.
Téléphone, ce n'est pas lui. L'AFP, cette histoire de résultats et d'internet qui anime tous les media depuis des jours. Je réponds. On sonne, le voilà. Je l'imaginais plus âgé, ce Lionel. Je finis ma conversation pendant qu'il inspecte les lieux à la recherche de la lumière, d'une mise en scène, raccroche, m'excuse, et on peut y aller.
Il me place sur le balcon, devant le mobile en coquillages que nous avons construit il y a longtemps, et qui vit au gré du vent qui circule. Il sort un beau Leica et un Rolleiflex magnifique. Je pense, et lui en fais part, au Rollei de mon grand père, qui a soixante-dix ans, et traine au fond d'un placard. Lui-même se bat avec un appareil pas jeune, insérant une boucle de fil de fer pour faire tourner la machine, rafistolant le cache. Je pose sans savoir comment, il laisse aller au début, mais rapidement me guide.
Défaire la machoire, la laisser tomber, cesser ce sourire gêné de la pose, détendre les muscles du visage. Il essaie de capter mon regard. Je ne sais pas quoi faire de ces yeux, leur donenr la belle intensité séduisante, je me laisse donc porter. J'ai du mal à faire le point, trop d'heures passées devant l'écran me devraient de nouvelels séances d'orthoptiste. Il finit une pellicule, entame la deuxième. Chope la lumière avec le M6 et shoote avec le Rollei. A chaque tour de bobine, j'ai mal pour ses mains qui prennent en plein le fil de fer.
Finalement, je fixe mon regard sur son épaule, mes yeux se troublent un instant, il me dit, "c'est bien, gardez ce regard". J'en suis incapable.
On passe de l'autre coté du balcon. Il y a le transat, cadeau de mon départ du boulot précédent, il y a un an (un an ?), qui l'attire. Sur ses injonctions, je m'y place. Le soleil tape fort, je ne peux ouvrir les yeux, il me dispose, reprend la manière dont la veste tombe, me prie de serrer les jambes, dans une position que je ne vois pas, qui me semble un peu ridicule. Il shoote un peu, attend que le soleil daigne passer derrière les nuages, un instant, que je puisse ouvrir les yeux, les lever au ciel. Pendant un temps long, les yeux fermés, je le sens qui laisse une main entre le soleil et mes yeux, pour faire de l'ombre. J'attends, j'ai chaud. Il se recule. "Ouvrez les yeux", je les lève. Ca ne va pas. On recommence. "C'est bon". Je ne sais pas si c'est vraiment bon ou si, finalement, il n'a pas aimé la deuxième et espère que la première sera bonne.
Je suis taiseux. Ne le presse pas de demandes sur la séance, sur les photos. Je me suis laissé faire, n'ai pas exigé ceci ou cela, demandé mon profil ou cette mise en scène. J'avais regardé ce qu'il faisait auparavant sur internet et m'étais émeveillé de ces photos prises sur le vif. Je n'aurais pas eu l'impudence de lui dire mes avis et mes souhaits, je n'en avais pas. Pour la première fois, ce n'était pas une photo d'illustration, un truc vaguement mis en scène pour figurer "le blogueur", mais un photographe qui cherche à attraper un visage, une expression, pour faire un portrait.
Il a du y avoir tirage, réunions, choix sur les planches contact. des personnes se sont penchées sur le cliché qui accompagnerait les mots, on a du commenter ma gueule en coulisses. Rire de cette photo ratée ou je grimace, de celle ou je ferme les yeux. Des personnes se sont demandées laquelle correspond le mieux. Je n'en ai rien sû. C'était pour mercredi, jeudi, lundi, vendredi finalement. Tout à l'heure, elle parait, avec le portrait. Je me demande à quoi elle va ressembler, cette photo...
[faudrait que j'en demande un tirage, ça serait chic]
[Désolé pour l'ego trip, mais c'est pas tous les jours]
ouahou ! même Loic Le Meur n'avait pas réussi à faire un ego-post (ou post sur l'égo) aussi long...Félicitations ! Je vois que la Blogosphère s'uniformisme...
Rédigé par : Laurent | 27 avril 2007 à 14:03
Et pour annoncer où cette photo va être publiée, il faut maintenant que tu attendes que quelqu'un le demande dans les commentaires ? ;-)
Rédigé par : Allon bon | 27 avril 2007 à 14:06
C'est publié dans "Le Monde" de ce vendredi. Je n'ai vu que la version sur le net, donc je ne peux pas en apprécier la qualité. En revanche, le papier est parfait. Félicitations, Nicolas !
Rédigé par : Franck, naturellement.org | 27 avril 2007 à 14:31
J'aime ce style, entre Marguerite Duras et les mémoires d'Élodie Gossuin. Avec un zeste d'anglais qui "shoote" pour ne pas négliger le waibe two zero.
Est-ce que le miroir de Versac a un blog ? on aimerait tous avoir son avis.
Rédigé par : martin | 27 avril 2007 à 14:35
parait qu'Hillary Clinton a demandé l'intégralité des shoots, il parait qu'elle t'en veux.
Rédigé par : politiful people | 27 avril 2007 à 14:47
Où est le lien ? ;)
En tout cas félicitations mister.
Rédigé par : Fubiz | 27 avril 2007 à 15:37
Bienvenue au club... Mais ça ne vaut pas la photo à Las Vegas ;-)
http://www.eurotrib.com/files/3/060619_JaP_in_Le_Monde.jpg
Rédigé par : Jérôme | 27 avril 2007 à 16:04
C'est là (la blogeoisie parisienne) :
www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-901596,0.html
Bref pas de quoi se la pêter !
Rédigé par : Anne | 27 avril 2007 à 16:05
pas du tout Anne, il s'agit d'un autre article qui n'est pas en ligne et que l'on trouve dans le Monde d'aujourd'hui ; enfin, de demain.. et vous verrez, une pleine page avec grande photo dans le Monde, je trouve qu'on a le droit de s'en réjouir et de ne pas être blasé.
Rédigé par : Christie | 27 avril 2007 à 16:15
correctif : ça y est il est en ligne http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-902801,0.html
et pour l'instant la photo choisie sur le site ce n'est pas la bonne..
Rédigé par : Christie | 27 avril 2007 à 16:19
Ben chapeau monsieur ! Content pour toi !
Et, tu n'as pas à t'excuser, ça me parait parfaitement légitime d'être fier, content voire ému.
(Bon, ceci-dit je constate que versac continue sa sournoise politique de colonisation de MA vie quotidienne : il pravient à se nicher dans MA revue préférée, dans MON émission du dimanche après-midi, dans MA radio du matin et ce soir en rentrant dans MA boite aux lettres. Mais, bon sang de bon soir, jusqu'où s'arrêtera-t-il ?)
Rédigé par : aymeric | 27 avril 2007 à 16:29
@ tous:
Vous pouvez regarder la photo sur la version électronique du journal, page 19, version en PDF disponible sur le site.
Rédigé par : Polydamas | 27 avril 2007 à 16:31
aymeric : dis-moi où je pourrais faire encore une incursion, je prendrais ça comme un défi !
Anne : non, je ne parlais pas de la blogeoisie parisienne, article dont je ne partage ni le fond ni le titre, mais du portrait d'aujourd'hui (et la photo n'est pas la bonne)...
Jérôme : tu as ouvert le bal, et la photo à Vegas, c'est quand même autre chose que mon balcon !
Aux autres : l'accusation d'egoblogging ne me touche pas. Je ne relaie jamais mes reprises presse et passage télé, mais là, je savoure juste un petit moment sympathique.
Rédigé par : versac | 27 avril 2007 à 16:35
Bravo. C'est entièrement mérité, cher Versac et je ne vois pas pourquoi on ferait la fine bouche, à figurer dans Le Monde !
Rédigé par : sandrine | 27 avril 2007 à 19:02
Le Monde a beau ne plus tout à fait être l'arbitre des élégances qu'il fut jadis, un papier comme ça, c'est une consécration, et une légitimisation pour les autres, en plus. Bravo.
Rédigé par : Denys | 27 avril 2007 à 19:16
L'auteur de l'article a des ambitions proustiennes ou s'agit-il d'un écho ?
Rédigé par : jules (de diner's room) | 27 avril 2007 à 19:24
longtemps je me suis dit qu'il méritait un portait qui lui ressemble, souvent je suis rentrée dans la déception; il manquait ce je ne sais quoi d'humain parce que nous vivions dans le virtuel!
mais le réel l'a dépassé, je ne connais pas ses ambitions, mais j'affirme qu'il a su tissé des liens sur cette toile avec des gens de sensibilités différentes; en cela il est très fort.
Rédigé par : maria | 27 avril 2007 à 20:58
Néanmoins intéressant, pas que pour l'égo du considéré, cela prouve une fois de plus que la blogosphère (qui par définition n'a pas de leader) n'est que difficilement comprise par les médias dit "traditionnels"... Rien de grave docteur. Et ce n'est pas plus mal que la volonté de compréhension des médias tombe sur Versac... Gare à la suite cependant.
Rédigé par : Ron S | 27 avril 2007 à 21:03
Bravo, un portrait dans le Monde... !
En effet, il y a de quoi etre fier...
et le post est si joliment ecrit...
Rédigé par : camsago | 27 avril 2007 à 23:22
Versac, tu nous dis que la photo publiée dans le Monde n'est pas la bonne ? Ben alors, mets la en ligne sur ton blog, la bonne !!
Rédigé par : sictransit | 28 avril 2007 à 10:52