Longue interview de François Bayrou par Nicolas Voisin sur le politic-show, sous forme de discussion continue, bien foutue, avec (pas trop de) gros plans serrés sur les yeux et quelques pianotis de claviers qui s'insèrent dans le dialogue.
Pas grand chose à dire du format et du ton, sympathiques. Le temps long, découpé en chapitres, est intéressant, et Nicolas Voisin est à l'aise, a bien préparé la chose. Pour qui suit Bayrou d'un peu près, évidemment, on ne découvre pas forcément grand chose, le tout étant concentré sur l'homme. Les parties sur "l'homme" et son combat sont d'ailleurs sans doute un peu longues, par rapport à celles de la fin (pas encore toutes en ligne) sur le projet de François Bayrou. Pour le néophyte, évidemment, c'est plutôt sympathique : on découvre autre chose qu'un Bayrou en plateau télé, il est à l'aise, dans son bureau de bois clair entouré de livres. Il a le temps de développer, de montrer son sens de la contradiction, de développer sa personne, dans un mode qui lui convient bien, loin des formats de lateaux télé ou de podcasts engoncés dans des sièges durs du ministère de l'intérieur. Un homme profond, et de cela
Le problème, pour mon cas personnel, c'est que, je me répète, dès qu'on en vient à aborder le fond, ce qui n'est pas du registre des valeurs, du positionnement, ou de la crise de la démocratie, mais plus du diagnostic ou des mesures concrètes, je trouve ça souvent un peu fade et convenu, peu innovant ou éclairé par de la compétence, surtout sur les sujets économiques.
Ses propositions d'urgence sur l'emploi sont un bon exemple : une réflexion sur la TVA sociale, qui figure déjà dans les programmes des autres candidats dominants, et est un bon exemple de fausse bonne idée, les "deux emplois sans charges", qui ne résolvent rien (c'est du choc, du symbolique, ça crée de nouveaux effets de seuil et ne s'attaque pas aux racines du problème). Le fait d'éluder la question (habile, Nicolas !) du coût d'une telle mesure est d'ailleurs un joyeux tour de passe-passe : si le coût global n'est pas forcément majeur (s'il s'agit effectivement de transferts de l'Assedic vers le déséquilibre des comptes sociaux), il s'agit bien de transferts à supporter. Le retour sur l'indice des prix trompeur, apanage de tous les candidats dominants également, est d'une facilité déconcertante. Les propositions sur le pouvoir d'achat se concentrent là encore sur de la baisse de charges (sur les heures sup, comme l'UMP), ce qui n'est pas idiot, mais d'une originalité pas franchement subjuguante.
Sur la dette, l'inscription dans la constitution de l'interdiction du déficit de fonctionnement n'est pas forcément idiote, mais ne me semble pas prioritaire. On peut regretter que le thème de la "réforme de l'Etat" n'ait pas été creusé. Il suppose de faire des choix, des arbitrages, et c'est un sujet sur lequel on peut attendre autre chose que du voeu pieux, qui, en la matière n'est pas suffisant.
C'est une confirmation : j'aime bien l'homme. Je le trouve léger dès qu'on creuse au delà de ses dadas. Est-il un bon porte-parole de la variété de sujets et de compétences qui animent l'UDF ?
[billet écrit dans l'attente des derniers extraits]
Je ne saurais être totalement objectif, étant membre des Verts... Ceci étant dit, je suis d'accord avec toi : Bayrou fait montre de courage lorsqu'il s'oppose à l'UMP, à Sarkozy, lorsqu'il fustige l'état des finances publiques, sans jamais verser dans le populisme. Cependant, il pêche du côté des propositions. Il y a loin entre l'UDF fantasmée, qui pourrait ressembler aux partis libéraux-centristes du reste de l'Europe (les Verts de Belgique et les libéraux ont fait alliance il n'y a pas si longtemps...) et l'UDF réelle, guère différente de l'UMP sur le fond politique, et parfois bien plus à droite, voir la campagne de Santini aux régionales en IDF comparée à la campagne Copé...
Rédigé par : Franck, naturellement.org | 01 novembre 2006 à 17:04
Ce qui est génant avec bayrou, c'est qu'il est devenu un catch-all candidate qui ne loupe aucune idée populiste, au point de faire le grand écart entre des choses contradictoires. Sa progression ces temps-ci tient surtout à son originalité par rapport aux deux caboches vides qui encombrent le débat.
Rédigé par : alexandre delaigue | 01 novembre 2006 à 17:33
Versac tout est désormais en ligne sur AgoraVox. Personnellement, j'ai été étonné par une chose: qu'il soit resté plus de 3 heures pour répondre aux questions sans fin de Nicolas Voisin...
Alors qu'en début d'entretien, il avait dit qu'il ne voulait pas aller au délà d'une heure car il sortait d'une longue journée de débats publics au sein de l'UDF sur l'environnement. Et je trouvais ça déjà pas mal.
Or, il a pris la peine de répondre dans les détails à chaque point évoqué un samedi soir en restant jusqu'à environ 22 heures. Un journaliste du Monde a assisté également à l'interview avec nous et lui-même n'en revenait pas du temps qu'il nous accordait.
C'est pour ça que je ne suis pas très d'accord avec toi quand tu dis qu'il reste un peu trop en surface... Tu voulais qu'on reste jusqu'à l'aube...? ;-) Et Dieu merci, que Nico était arrivé à la fin de ses cassettes, sinon il serait reparti encore avec un floppée de questions... :-)
Rédigé par : Carlo Revelli | 01 novembre 2006 à 17:43
Carlo : je ne dis pas qu'il est resté en surface, l'équilibre entre les parties "l'homme" et "programme" est juste un peu trop en faveur de la première à mon goût. Ca ne m'étonne pas trop de Bayrou qu'il se soit pris au jeu de cet échange, si on regarde de quelle manière il a réagi après la République des blogs, par exemple. Je pense que le fait d'avoir du temps est assez rafraichissant...
Alexandre : dur dur, quand même.
Franck : il y a plusieurs UDF, qui se tiraillent actuellement. Je vois au sein de l'UDF de vrais membres d'ADLE, qui renforcent la promesse de l'UDF parti libre, qui joue un jeu d'alliances de manière constructive, et quelques reliquats de culture de droite, surtout localement, où les cadres savent que les élections se gagnent avec l'UMP.
Les lignes bougent, quand même. L'UDF a beaucoup évolué. On ne pourrai pas en dire autant du PS, par exemple.
Rédigé par : versac | 01 novembre 2006 à 19:13
"Les propositions sur le pouvoir d'achat se concentrent là encore sur de la baisse de charges (sur les heures sup, comme l'UMP), ce qui n'est pas idiot, mais d'une originalité pas franchement subjuguante."
je dirais plus ça des 35h par exemples, toujours au programme du PS, défendues par Fabius depuis le millieux des années 70's et figurant à la 23iéme proposition de 1981.
http://www.roi-president.com/bio/bio-fait-110+propositions+du+candidat+mitterrand.html
Mesure que par contre, je n'ésiterais pas à qualifier d'idiote.
Rédigé par : L'ami du laissez-faire | 02 novembre 2006 à 00:29
J'ai vu aevc plaisir les (longs) entretien de bayrou.
je partage l'avis de versac : l'homme est interressant, attachant, d'une très grande culture (cela change)posé et calme.
en ce qui concerne l'aspect programmatqie (je suis en faveur de DSK dont j'ai lu la plus part des écrits) il est tout aussi flou que les autres candidats qui sont eux aussi sur le terrain des valeurs, parfois des approches de proposition mais rarement dans le programme et des mesures.
j'ai souvent entendu dire Bayrou que ce temps n'était pas venu et souligner le pillage des idées dont il convenait de se méfier.
Je te trouve donc un peu dur sur cet aspect, d'autant que sa proposition : 2 emplois sans charges me parait particulièrement pertinente (propostion que Rocard avait déja fait en octobre 1985)
De même, je crois qu'une élection présidentielle ne doit pas et ne peut pas etre une sorte de concours d'imagination. Ce n'est pas parce que la TVA sociale est soutenue par d'autre que le fait que bayrou y adhère n'est pas un axe économique fort, qu'elle est une partie de la réponse à apporter à la crise de comptes de la sécurités sociale.
par contre, versac a raison de souligner la mise de coté du couts des mesures, en particlier sur les deux emplois sans charges.
Mais j'aimerais savoir pourquoi estime tu de manière si nette que la réduction (partielle et circonscrite, certes), des charges qui pèse sur le travail n'a aucun impact.
a question de l'indice des prix, c'est sans doute facile, mais est-faux ? sous pretexte que nous savons, nous, déjà ces choses là, faut-il s'interdire de les dire quand même ?
Quant à la dette, l'inscription dans la constituion est nécessaire symbolique et insuffisante. en la matière, je crois que seule l'alliance de la relance de la croissance (hause des recettes de l'état, bien inférieurs à nos voisisn européens comparables) et la restructuration de l'état (mille fois raisons versac sur ce point) apporteront des réponses efficaces.
La dette est typiquement un sujet où l'analyse politique de bayrou est juste : c'est une affaire qui dépasse les clivages, il faut une action continue, concerté. cela en tout cas, il est le seul à le dire
Rédigé par : antoine | 02 novembre 2006 à 11:52
Pourquoi le registre affirmé des valeurs ne serait-il pas une question "de fond" ?
Vous passez à la trappe, par exemple, les positions radicales de Bayrou concernant les médias -- l'interdiction de participer à une groupe de médias quand on fait des affaires avec l'Etat.
Même Besancenot n'énonce pas ça aussi clairement !
La question de la TVA dite 'sociale' est très complexe. C'est une peu un miroir aux alouettes d'après moi mais la question de modifier l'assiette des charges sociales doit être débattue.
Rédigé par : Pierre Schweitzer | 02 novembre 2006 à 20:33
versac tu oublie une chose a mon avis essentiel François Bayrou n'a pas dit que donner deux emploi en plus allait regler le problème en france!
si tu regarde a nouveau l'interview il dit clairement que c'est pour pallier a l'urgence et a mon avis si c'est appliqué ce sera surtout un symbole fort pour chomeur et patrons sur la suite des évènements.
Rédigé par : Account Deleted | 03 novembre 2006 à 05:37
Sur les 2 emplois sans charge, premier souci: la non différentiation sur l’échelle des entreprises concernées (Total & L'Oréal seront donc inclus).
J’ajouterais ensuite un fait: au moins 1M des entreprises sans salariés ou avec 1 salarié le sont car il n’y a pas de besoin supplémentaire (ex: café dans un petit village, coiffeuse à domicile, PME qui vend un service lié à l’expertise de son dirigeant).
L'analyse de Bayrou "2 M de TPE, 2 M d'emplois" est donc à la fois simpliste et fausse.
Rédigé par : Fabien-Pierre NICOLAS | 02 mars 2007 à 11:33
«L'analyse de Bayrou "2 M de TPE, 2 M d'emplois" est donc à la fois simpliste et fausse.»
C'est d'ailleurs pour ça que Bayrou ne l'a jamais faite. Il estime que ça peut faire gagner 80 000 à 100 000 emplois la première année.
D'autre part je vois pas le soucis de «la non différentiation sur l’échelle des entreprises concernées (Total & L'Oréal seront donc inclus)» Offrir deux emplois sans charge à Total, c'est anecdotique ça équivaut à une aide 10-20 000 Eur, soit rien pour eux. Ça ne les aidera pas. Alors que pour un petit commerçant, un arisant ou une start up, c'est un coup de pouce énorme pour augmenter sa taille sans greffer ses fragiles finances.
Donc l'aide n'est pas du tout la même, il y a donc une «différenciation» de facto sans pour autant avoir de complication dans la définition de la mesure : 2 emplois de moins de 5000Eur sans charge par entreprise, un point c'est tout.
Rédigé par : Cyril Q. | 06 mars 2007 à 16:27