Nous vivons décidément une époque formidable. Ainsi donc, après une bataille en rangs serrés sur le CPE, voilà une nouvelle vague : Jean Lassalle qui fait sa grève de la fin pour éviter qu'une boite n'ouvre un nouvel établissement à quelques kilomètres de chez lui (mais pas dans sa circonscription).
Je ne comprends toujours pas l'action de ce député. Grève de la faim pendant des semaines, témoignages émouvants. Tout ça pour éviter qu'une entreprise ne se développe en ouvrant un autre site à Lacq, qui, des dires mêmes du patron (PS) de la communauté de communes, n'avait aucun caractère stratégique (il s'agissait de six emplois créés ?). Le seul sujet semble être celui de la sécurité de ce nouvel établissement, qui n'était pas très bien garantie dans la vallée du Don Quichotte du Béarn. Le Monde s'interroge.
On frôle le surréalisme dans cette histoire, qui ne fait que soulever des questions. Le chantage émotionnel du député fait qu'elles surfgissent après, comme si l'on n'avait pas osé, pendant sa grève, l'attaquer sur le fond.
Etait-ce important que d'empêcher cette entreprise japonaise de réaliser un tel investissement dans le site de Lacq ? Est-ce que ça valait une telle dramatisation, un surf sur les peurs de la délocalisation et de l'entreprise multinationale et de l'ultra-libéralisme ? La vallée que défend le député Lassalle, mettant ainsi en avant plus ses mandats de maire et de vice-président du conseil général que de député (et posant par là encore une fois la question du cumul et de la compréhension du rôle des différents mandats), en ressortira-t-elle réellement bénéficiaire ?
Qui paiera les conditions exceptionnelles faites à l'entreprise japonaise (réponse : nous tous) ? Quelle sera la sécurité du nouvel établissement, dans une zone non-Seveso ? Va-t-on voir un sénateur-maire-conseiller régional nous faire hara-kiri quand les boucheries Dugenou auront choisi d'ouvrir un nouvel établissement dans la région voisine ?
Personne ne sort grandi de cette lamentable histoire. Lassalle a tout de Don Quichotte : la stature frèle et fragile de ses derniers jours de grève de la faim, l'air résigné et triste, le jusqu'au-boutisme, mais aussi le choix des mauvais combats, avec les mauvaises armes, en délaissant les vrais terrains de bataille.
Son action n'a servi qu'à décrédibiliser l'action démocratique, renforcer le sentiment que, décidément, pour sauver les emplois, ma bonne dame, il faut bien aller dans des situations extrèmes et mettre sa vie en danger. Face à de telles évidences, le travail de long terme, pour développer des compétences et attirer sans contraindre par le chantage, voilà qui ne paye pas autant. Pourtant, quelle entreprise, demain, va avoir envie d'investir dans la vallée d'Aspe ?
Plus sur le sujet : la fable de Jules, ou les interrogations de David Abiker.
Je reprends ta dernière phrase...
Pourtant, quelle entreprise, demain, va avoir envie d'investir en France ?
Rédigé par : Jean-Hubert | 18 avril 2006 à 16:32
Jean-Hubert : ne dramatisons pas et ne généralisons pas. La France est une destination d'investissement très importante.
Rédigé par : versac | 18 avril 2006 à 17:20
Assez d'accord. Le role d'un depute n'est pas de se livrer a ce genre de dramatisation. Faut il rappeler qu'un depute est l'elu de la Nation entiere et n'est en aucun cas le depositaire des interets particuliers de sa circonscription d'election? Cette histoire, malgre l'heroisme de son protagoniste, est assez misarable. Ton titre est extremement bien choisi. On imagine tout a fait Jean Lassalle dans la salle des pas perdus du Palais Bourbon, coiffe du bol a raser de son barbier.
Rédigé par : Philippe | 18 avril 2006 à 17:30
Bon tout va bien maintenant : Lasalle à mangé.
Rédigé par : Hugues | 18 avril 2006 à 17:41
Heu, j'ai eu un problème de préposition mais elle bonne quand même, non ?
Rédigé par : Hugues | 18 avril 2006 à 17:43
"Pourtant, quelle entreprise, demain, va avoir envie d'investir dans la vallée d'Aspe ?"
Quiconque veut ouvrir une exploitation classée Seveso en ne créant que 6 emplois tout en limitant quand même franchement le plafon des indemnités à verser en cas de catastrophe ?
J'ai bien quelques idées d'activités en vogue (incinérateurs, recyclage de déchets nucléaires à très longue durée de vie) qui n'en demandent même pas tant.
Rédigé par : Gus | 18 avril 2006 à 17:53
Faire grève de la faim est aussi repréhensible, sur le plan de la morale chrétienne, que de mettre fin à ses jours, non? En tout cas, c'est un chantage d'une violence rare (dépassé quand même par ces employés licenciés qui menacaient de jeter des produits toxiques dans une rivière) et une forme de terrorisme curieux puisqu'il est tourné contre soi-même. Si c'est l'arme du faible au fort, ça en dit long effectivement sur l'efficacité des politiques à peser, normalement, sur le cours des choses.
Rédigé par : nicolas | 18 avril 2006 à 18:46
Point de vue partage, la question sous-jacente est celle de l'amenagement du territoire.
pour un autre point de vue, voir:
Le député Martyr, nouvelle façon de faire de la politique, sur
http://enguerrand.over-blog.org/
Rédigé par : Enguerrand | 18 avril 2006 à 18:51
Don Quichotte pourrait te faire un procès. Moi-même, je regrette d'avoir pu oser le comparer au M.Smith de Capra.
Sous la phraséologie du temps (sauvons l'emploi et la vallée...), M.Lassalle mène le combat ordinaire du député "bonne soupe" qui ramène les prébendes et les emplois au pays. Le faire avec les armes de Gandhi est ignoble et insultant pour tous ceux qui font ou qui ont fait une grève de la faim sérieuse.
Le choix du calendrier à quelques mois de l'ouverture de son compte de campagne pour 2007 est indécent et me ferait presque penser au pire...
On dit partout que les législatives n'existent plus sous le quinquenat, qu'elles sont tenues par la présidentielle. Cela laissera du temps disponible pour rendre la monnaie de sa pièce à notre preneur d'otages.
Rédigé par : Joseph Tura | 18 avril 2006 à 18:58
Mallarmé disait: "Le monde est fait pour aboutir à un Livre". Cette grève de la faim était faite pour aboutir à la photo de Sarkozy au côté du patron de Toyal. Tout comme la mort d'un enfant a servi au même Sarkozy à prononcer le mot "karcher".
Rédigé par : Eric | 18 avril 2006 à 20:45
J'ai été assez étonné par les déclarations de Bayrou qui parle de "magnifique victoire". Elles sont malheureusement confirmées sur le site de l'EUDF comme je le remarquai hier. Drôle de manière pour Bayrou de faire entre sa "différence"...
Rédigé par : Gilles Klein | 18 avril 2006 à 23:32
l'interview du président de Toyal( qui me semble a priori de bonne foi) nous apprend que cette pseudo "action politique"(d'autres apellent ça du chantage) serait parti d'un "malentendu".Alors M. Lasalle, "héros populaire" ou "preneur d'otages"?
http://www.lefigaro.fr/eco-entreprises/20060419.FIG000000133_imasu_toyal_a_ete_victime_d_un_procede_deloyal.html
Rédigé par : jep | 19 avril 2006 à 08:48
Et pendant ce temps de l'autre coté de la manche, Peugeot ferme une usine employant 2300 personnes en Angleterre, sous ce pretexte passe-partout: Peugeot trouve les couts de production trop élevés pour justifier de continuer à investir dans la région ! Je n'ai pas d'information sur la cible de cette délocalisation, mais je doute que ce soit la vallée d'Accous.
Rédigé par : | 19 avril 2006 à 09:21
ça Versac,c'est du réalisme de gauche.Je veux bien entendre ce genre de développements autour du thème "cela ne sert à rien de...".Il n'empêche:je retiens l'acte de bravoure,d'héroisme et la beauté même de cette homme téméraire,issu de surcroit d'une formation politique peu portée sur les questions sociales.J'ai trouvé son combat réaliste,pas du tout insensé,et je t'ivite à revoir son interview privée à la Chaine parlementaire,autour environ du 20 ème jour.Emouvant...
Rédigé par : GlogLog | 19 avril 2006 à 09:31
J'ai trouvé l'article de David Abiker tout simplement "réac".Je trouve qu'il prend des positions "réac" sur pleins de sujets.Bernard Accoyer aurait presque pu écrire ce qu'il a écrit sur Jean Lassalle...
Rédigé par : GlobLog | 19 avril 2006 à 09:39
Beaucoup d'erreurs dans le billet de versac ...
Difficile de dire que M. Lassalle "met plus en avant ses mandats de maire [d'un petit village] et de VP du Conseil général" quand il a mené sa grève de la fin entièrement à l'Assemblée nationale - ni de sa mairie, ni de Pau.
Difficile de dire "qu'il ne s'agissait que de 6 emplois" puisque M. Lassalle a répondu à maintes reprises que ce qui était en jeu, c'était la délocalisation de l'ensemble de l'usine à la suite de ces 6 emplois - voir les échanges de courrier sur son site : il y a de quoi penser que c'était bien l'intention de Toyal Europe (ce sont ces lectures qui m'ont décidé, certes tardivement, à rejoindre le comité de soutien à J.L.).
Difficile de dire que "le seul sujet semble être la sécurité de ce nouvel établissement" quand la question de la sécurité apparaît dans le débat seulement maintenant, APRES les 39 jours de grève de la faim et plus d'un an de discussions, courriers, etc.
Le sujet qui était débattu jusqu'à maintenant était celui de la pollution potentielle. Le procédé utilisé à Accous et celui qui aurait été utilisé à Lacq sont très toxiques. Accous n'est pas classé Seveso numéro machin. Cependant le site d'Accous n'est pas soumis à des contraintes environnementales particulières, il y a très peu de transports de produits, etc. Enfin l'investissement à Accous n'était pas aberrant puisqu'il avait déjà été envisagé par Toyal elle-même. La seule crainte (légitime) de l'entreprise était un surcoût éventuel d'investissement environnemental à Accous par rapport à Lacq (par exemple pour obtenir le classement). L'accord signé suite à la grève de la faim prévoit que c'est la puissance publique qui assumera ce surcoût. Opération blanche donc pour Toyal.
Enfin, il est de bon ton de se moquer de la crainte d'une "délocalisation" à seulement 60 km. Or c'est justement cette modeste distance qui fait le sujet. S'il s'agissait d'une délocalisation dans un pays à bas salaires, il pourrait y avoir l'argument environnemental. Si c'était une usine avec des flux logistiques important, il pourrait y avoir un argument de centralité. Si c'était une délocalisation vers une autre usine du groupe, il pourrait y avoir un vague argument d'économie de structure, d'échelle. Rien de tout cela. La seul argument pour cette création était - selon M. Lassalle - l'insistance de Total pour trouver des emplois sur le bassin de Lacq à reconvertir. On déshabillait Pierre (ou on projetait, selon lui, de le faire) pour habiller Paul.
M. Lassalle ne dénonçait pas une décision d'entreprise logique et conforme aux règles du marché libre, mais, selon lui, une déformation de la logique d'entreprise par le poids des grands monopoles et de la collusion entre eux et le pouvoir d'Etat (voir l'échange de lettres avec la préfecture).
Ces remarques laissent bien entendu ouvertes la discussion sur le bien-fondé de l'action de M. Lassalle, sur les intentions réelles passées et futures du groupe Toyal, etc. Discussion dans laquelle les habitants de la circonscription de M. Lassalle ont eux-mêmes des opinions divergentes.
Je continue cependant à soutenir le sens donné par M. Lassalle à son action - quitte à ce que ce sens soit donquichottesque : refuser que la vie d'une vallée soit le seul jouet d'intérêts totalement indépendants de ce qui s'y fait ; exiger que le bon sens entrepreneurial soit pris en compte, que les décisions soient conformes à ce qui se passe en vrai sur place ...
Rédigé par : FrédéricLN | 19 avril 2006 à 10:49
Le titre est très bien choisi, ma foi.
Attendrissant sur la forme mais incompréhensible sur le fond.
Rédigé par : DavidLeMarrec | 19 avril 2006 à 13:18
Sur le patron de la communauté de communes, évoqué par versac : tu mentionnes celui de Lacq (comm. de comm. destinataire de l'investissement envisagé) ; pour info, voici le commentaire du patron (PS également) de la communauté de communes de la vallée d'Aspe, René Rose, in La Croix, 18 avril :
"Un tel accord, ça vaut de l'or ! Il signifie tout simplement la vie de notre territoire".
et plus loin
"Devant l'impuissance du politique face au monde économique, Jean Lassalle n'avait peut-être pas d'autre solution".
Rédigé par : FrédéricLN | 20 avril 2006 à 07:51
Durant sa grève de la faim il n'y avait pas grand chose à dire. C'était son combat relayé par beaucoup, combat d'un symptome celui de la défiance.
M. Lassalle voulait un engagement ferme autre qu'oral.
C'était son combat, et Bayrou a déclaré qu'il s'agissait d'une grande victoire, je ne crois pas personnellement que c'en fut une de victoire que d'arracher un compromis ainsi.
Mais c'était le choix de Jean Lassalle que de s'engager ainsi en mettant comme mise sa vie. Laissons passer un peu de temps encore pour en tirer un bilan.
Rédigé par : Yann Riché | 21 avril 2006 à 18:04