[Add 12/01/06 : sans doute sous l'effet de ma gastro-entérite (finie), ce billet s'est retrouvé totalement halluciné. Il fallait bien entendu ne pas lire TVA mais cotisations sociales. Je modifie le billet en ce sens. Emmenuel revient dessus avec son habituelle et élégante nonchalance]
Voilà donc Chirac qui propose d'asseoir le calcul des cotisations sociales sur l'ensemble de la valeur ajoutée produite par les entreprises, et non plus uniquement sur le simple fruit du travail, en élargissant son assiette. Alexandre, d'econoclaste, revient sur le sujet brillamment, en nous rappelant quelques principes de base, avec des thèmes Delaiguiens habituels en fond.
Actuellement, le mode de financement de la protection sociale se fait sous la forme d'une taxe sur le travail (les cotisations sociales employeur et salarié). Ces taxes renchérissent l'emploi, ce qui réduit la demande de travail des entreprises; cela pénalise tout particulièrement les personnes peu qualifiées dont la productivité potentielle est inférieure au niveau actuel du coût du travail cotisations sociales comprises. D'où l'idée, en maintenant le niveau global des cotisations sociales, d'asseoir celles-ci partiellement sur la valeur ajoutée des entreprises, en créant un nouveau prélèvement et en réduisant les charges sociales.
On voit tout de suite que certains secteurs d'activité vont bénéficier de cette mesure - les secteurs à faible valeur ajoutée par travailleur - d'autres vont en pâtir - les secteurs à forte valeur ajoutée par travailleur.
Sur la fin, il en rajoute dans le noir et le sombre, pour jeter un peu tout ça aux oubliettes de l'histoire, en prétextant le jeu à somme nulle, et en tablant sur l'habitude française de faire tellement d'exceptions que la réforme en deviendrait inutile (ce qui n'est pas faux, mais ne parle pas du fond du sujet). Globalement, en dehors de ces effets secondaires, j'aurais tendance à pencher pour sa vision des choses, qui est que le mythe de la cotisation "sur le capital" (vs "sur le travail")pollue trop ce débat pour le rendre normalement compréhensible. Mais Alexandre me semble passer un peu vite sur d'autres motivations, notamment favorisant la localisation des emplois, du projet.
J'ai envie de me faire un avis circonstancié et lisant d'autres points de vue aussi riches que celui-ci, mais diversifiés (même si je suis d'accord avec la remarque liminaire d'Alexandre sur le traitement médiatique des questions techniques). Quelqu'un a-t-il d'autres lectures à me conseiller ?
Je te communique celle que j'ai transmise à Alexandre: ce sujet a été creusé il y a une dizaine d'années par un économiste suisse, Yves Flückiger (directeur du département d'économie politique de la faculté des SES de l'Uni de Genève). Selon mon souvenir il est arrivé à une sorte de typologie fine des modes de financement (impôt, CSG, assurance etc.) en fonction de l'objet (retraite, maladie, chômage etc.).
http://www.socialinfo.ch/cgi-bin/dicoposso/show.cfm?id=352
Rédigé par : François Brutsch | 10 janvier 2006 à 10:16
Merci à Versac pour ses scrupules bienvenus, j'avais dans un premier temps avalé l'argumentation d'éconoclaste tout crue ! Merci à F. Brutsch, pour la référence, très utile. Pour nuancer le point de vue éconoclaste, on peut dire qu'à court terme les efftes sont incertains, mais qu'à long terme, si l'on en croit M. Fluckiger, la part du travail dans le revenu national diminuant, il faut trouver impérativement d'autres sources de financement.
Rédigé par : Edgar | 10 janvier 2006 à 10:26
ajouter un argumentaire convaincant d'henri guaino dans les échos : mieux vaudrait accroître la TVA que de créer une nouvelle taxe sur la VA. au moins on taxe également les importantions...
Rédigé par : Edgar | 10 janvier 2006 à 12:22
Effectivement la TVA "sociale" n'est rien d'autre qu'une hausse de la TVA, par exemple pour l'amener aux niveaux suédois et danois (25%). Ce qui a le grand avantage de la simplicité.
Il s'agit bel et bien de faire payer moins le travail et plus le capital, et c'est parfaitement logique dans un pays de plus en plus rentier (comme tous les anciens pays riches).
La France est l'un des pays de l'Europe des 15 où la protection sociale repose le plus sur le coût du travail (avec Be, NL, De, Esp).
* Il y a un rapport (pro-TVA sociale mais nuancé) des sénateurs Arthuis et Marini, mobilisant des simulations réalisés par des organismes officiels : http://www.senat.fr/rap/r04-052/r04-05231.html#toc229
* L'autre option (cotisation des entreprises sur leur VA) correspond à l'IRAP italien, créé en 1998. Elle a été promue en France par l'extrême gauche et attac, puis par l'aile gauche du PS, puis par la motion de synthèse du PS, et est apparemment celle privilégiée par J. Chirac.
Il y a eu plusieurs discussions, avec des arguments de bon niveau (un peu dispersés dans les fils) sur les forums de l'UDF depuis 2003-2004. (p.ex. là http://forums.udf.org/viewtopic.php?t=5591 et là http://forums.udf.org/viewtopic.php?t=3809)
La position officielle UDF est une refonte complète du système, qui nécessitera de mobiliser plusieurs modes de taxation dont la TVA sociale.
Rédigé par : FrédéricLN | 10 janvier 2006 à 16:29
Quelques petites précisions :
- mon post porte sur les cotisations sociales accises sur la VA des entreprises (au lieu des salaires bruts); la TVA sociale est une question différente.
- j'ai bien reçu la référence de F. Brutsch, je n'ai pas encore commencé à lire, mais j'ai quelques doutes. déjà, il n'est pas vrai que la part du travail (différente d'ailleurs de la part des salaires) diminue ou soit vouée à diminuer dans le RN.
- je voudrais rappeler aussi que ce qui enrichit dans le commerce international, ce sont les importations, pas les exportations. L'argument strategic trader "taxons les importations en maintenant la compétitivité des entreprises" c'est une aberration complète. C'est ce qui plait tant à Arthuis, qui fantasme depuis des années sur les délocalisations sans se rendre compte qu'elles sont une bonne chose pour l'économie française. (oui, je sais, ce n'est pas très intuitif, mais c'est pourtant la réalité).
- dans l'absolu, changer le mode de financement de la protection sociale peut-être une bonne chose, pour des questions d'équité principalement. Mais en termes d'effet sur l'emploi, ce genre de mesure a surtout pour conséquence de déplacer l'emploi d'un secteur d'activité à un autre, sans grandes conséquences sur le niveau de l'emploi total.
- Il faut bien payer la protection sociale de toute façon; pour cela, la seule chose que l'on puisse taxer, c'est le travail et la consommation, parce que ce sont des choses qui ont tendance à rester sur le territoire national. A partir de cela, tous les modes de financement ont peu ou prou le même effet global.
Rédigé par : alexandre delaigue | 10 janvier 2006 à 19:08
Plutôt qu'à des mouvements de main d'oeuvre, je craindrais plutôt le tarissement des ressources de la protection sociale. Si je veux jouer avec ma valeur ajoutée, il me suffit de créer une filiale au Luxembourg ou en Belgique qui me surfacturera mes achats et sous-paiera mes produits. Résultat : sans rien changer à mon appareil de production ni à ma zone de chalandise, j'organise l'évasion de ma valeur ajoutée. Autre aspect du problème : les secteurs à faible valeur ajoutée sont a priori les plus concurrentiels. Tout avantage qui peut leur être concédé (baisse du coût de la main d'oeuvre) est automatiquement transféré à leurs clients, dont les secteurs à haute valeur ajoutée.
Bref, la CVA est une usine à gaz avec des fuites. Quant à la TVA sociale, difficile de croire qu'elle ne causera pas une augmentation des prix des produits et services de première nécessité.
C'est tout de même bizarre que ce débat surgisse juste au moment où il va bien falloir parler d'augmenter les salaires ?
Rédigé par : Jean Ploi | 10 janvier 2006 à 19:46
Je trouve l'article d'Alexandre plutôt convaincant. Il est vrai que j'étais à priori peu favorable à cette mesure
D'abord le fait qu'elle vienne de Chirac donne en soi une forte raison de penser qu'elle a toute chance d'être une mauvaise idée, notre président pratiquant avec brio l'art de la maladresse, en particulier dans le domaine de l'économie: un président qui nous a fait le coup de la cagnotte (voir ce qu'en dit le rapport Pébereau!) et qui a placé volontairement deux élections (en 97 et en 05)au moment le plus bas du cycle économique, est à priori à prendre à contrepied sur le plan économique.
Ensuite, la proposition tient comme souvent en France de la croyance dans le coup de baguette magique qui va régler le probléme facilement (le "ya qu'à" de la "sagesse" populaire est dans ce domaine à regarder avec beaucoup de prudence!). Comme le dit Alexandre, le coût de la transition risque d'être élevé dans un pays à faible mobilité.
Ensuite parce qu'il s'agit une fois de plus d'essayer de défendre les emplois menacés au lieu de se battre pour en créer. Ce petit jeu explique pourquoi les entrants ont tant de mal à trouver un emploi, réservé à ceux qui sont déjà dans le système
Enfin, il s'agit une fois de plus d'essayer de ne pas mettre en oeuvre les mesures qui ont fait leur preuve chez nos voisins mais qui semblent fortement nous déranger:
faire une politique budgétaire contracyclique, cad avec des excédents en période de croissance
Favoriser l'offre en laissant réellement travailler ensemble recherche universités entreprises comme le propose le rapport Blanc
Réformer l'Etat et les structures admnistratives et territortiales pour les rendre plus efficaces et moins coûteuses
Revoir le droit du travail pour faciliter la mobilité, la formation, la création des emplois de demain au lieu de se battre pour garder les emplois d'hier
Rédigé par : verel | 10 janvier 2006 à 21:19
Alexandre : je dois être fatigué. Quelques restes du réveillon, ou peut-être ce début de gastro... J'ai lu TVA dans tout ton article. Ou bien un champgnon hallucinogène ?
Je corrige cet article.
Rédigé par : versac | 10 janvier 2006 à 22:24
@"la TVA sociale est une question différente"
Justement Alexandre, il me semble que econoclaste n'a point encore abordé cette question?
C'est également un sujet qui m'interresse.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | 11 janvier 2006 à 14:47
Cette question est complexe :
- le rapport Malinvaud dit plusieurs choses, mais essentiellement qu'il vaut mieux taxer les ménages, non mobiles, que les entreprises, mobiles. Le même principe dit qu'il vaut mieux taxer fortement les produits indispensable (l'eau, le loyer,...) ce qui est inique socialement mais efficace économiquement. D'un pt de vue purement économique c'est incontestable, mais du pt de vue social on peut trouver des raisons de dévier par rapport à cette ligne, et ce même si on pense qu'il y a un arbitrage entre équité et efficacité
- si on veut aller dans le sens de ce que veut Chirac, le point essentiel est de taxer les importations. Autant le dire clairement : c'est "mal" si c'est pour un but protectionniste, mais c'est tt à fait justifiable s'il s'agit de gérer une ouverture progressive des marchés. Economiquement il y a des couts de transitions (sociaux notamment élevés) qui justifient tt à fait ca. Dans l'idéal il vaut mieux le faire quand on part de droits de douane élevés : ce qui dit en résumé Chirac c'est qu'on est allé trop vite, que des secteurs souffrent et qu'il veut ralentir le mouvement. Il le dit même moins finanement que çà.
Seul pb : c'est au niveau européen que çà se situe.. Pour répondre à ta question : quel article aborde ce genre d'approche. Malheureusement aucun...
Rédigé par : V | 11 janvier 2006 à 22:43
Je suis pour ma part favorable à un transfert des cotisations vers une TVA Sociale...
Ce n'est pas pour moi une "baguette magique" contre le chômage (je pense comme Verel que ce n'est pas en défendant l'emploi dans les secteurs les moins compétitifs qu'on y arrivera). Pas plus d'ailleurs qu'une arme offensive dans la concurrence mondiale (les taux de change corrigeront l'évolution des prix à l'import et à l'export).
Mais je pense que c'est un bon moyen de préserver nos systèmes de protection sociale :
- D'abord parce que je pense fondamentalement que ce n'est pas au marché de définir l'exigence de redistribution sociale au sein d'une société nationale. C'est pourtant ce qui se passe en intégrant le coût de cette redistribution aux coûts de production. La mise en concurrence des sytèmes sociaux conduit inévitablement au dumping social.
- Ensuite parce que l'assiette des cotisations sur la masse salariale est l'héritage d'un temps révolu où l'on considérait le chomâge - au même titre que la maladie - comme un risque proportionnel à l'évolution de la population active. En période de chômage de masse, cela produit un cercle vicieux : plus on a de chomeurs, et moins on a d'argent pour financer les prestations...
La TVA Sociale répond à mon sens à ces deux difficultés.
- Cela supprime la concurrence des systèmes sociaux, puisque le coût qui pesait sur la consommation des seuls pays nationaux est transféré sur la consommaton de l'ensemble des produits consommés. En taxant ce qui n'est pas exportable (la consommation), l'on permet ainsi à chaque pays de définir son niveau de protection sociale.
- Cela casse le cercle vicieux du financement du chômage, puisque l'évolution de celui-ci n'a plus d'impact sur les ressources disponibles pour le financer.
Pour aller plus loin : http://etmaintenant.over-blog.com/article-1522908.html
Rédigé par : Frederic Piriou | 16 janvier 2006 à 16:18