Eh bien, ma chérie, des voeux à la presse, tu vois, c'est un événement que fait un homme politique de premier plan (ou celui qui se considère comme tel, comme par exemple Michèle Alliot-Marie, qui est en l'occurrence une femme politique, a fait des voeux à la presse) pour faire parler de lui dans les media au lendemain des fêtes.
Tout le monde est content des voeux. Cela fait de l'actualité simple à couvrir pour les journalistes parisiens, ça permet de se retrouver entre collègues pour discuter le bout de gras, parler business et se souhaiter plein de bonnes choses pour la nouvelle année. Pour les hommes politiques, tu vois, ça permet de faire passer un positionnement, de se révéler sur un créneau inattendu, sans, qu'en fait, il n'y ait de réel événement. C'est très pratique : pas besoin de faire un projet de loi, d'avoir un accident, une manifestation, une grève ou des voitures qui brûlent pour passer dans les media. l'avantage, c'est qu'on peut préparer la chose avec sérénité pendant les vacances de Noël.
Le truc, c'est que c'est réservé aux éléphants, tu vois, aux ministres, au président, et aux gros gens qui dirigent des partis politiques (l'idéal étant évidemment d'être les deux, éléphant et ministre).
Mais alors, comment ça se passe, papa ?
Eh bien c'est assez simple (mais coûteux). Il faut d'abord réserver une salle. Si tu es ministre, tu peux faire ça dans ton ministère. Si tu es président de parti, tu peux faire ça au siège de ton parti. Si tu es ministre, mais aussi président de parti, il est plus simple de faire ça à coté du siège de ton parti, pour montrer que tu fais ça surtout en tant que président du parti, mais pas complètement non plus, vu que ton ministère n'est pas loin non plus.
Ensuite, tu invites tout le gratin de la presse nationale multi-média : les télés, les radios, les journaux, et même des blogueurs (là, tu innoves, c'est bien) ! Tout le monde est content de se retrouver et ne veut pas rater ce grand pice-fesses. La presse installe des gros camions avec des antennes, pendant que des clowns font les marioles avec des kärchers à bulles de savons, en incendiant des voitures en plastique, entouré d'un solide cordon de CRS (pas moins de six cars de CRS tout autour, grand embouteillage vers Miromesnil).
A l'entrée, les visiteurs sont accueillis par de charmantes attachées de presse, qui ont évidemment un traitement de faveur pour les VIP (patron de presse, patron tout court, ou cadre dirigeant de parti, pas patron de blogs, quand même). Si tu n'es pas VIP, tu montes les étages, après avoir passé les portiques sous l'oeil circonspect des vigiles du département de sécurité du parti, qui n'ont pas l'air commode, laisse moi te le dire, avec leurs carrures de lutteurs turcs et leurs moustaches.
Tu montes dans la salle, où a été préparée une tribune avec un fond bleu, et les deux drapeaux de l'Union Européenne et de la République Française. Le drapeau en satin de l'Union Européenne n'est pas très bien repassé, d'ailleurs, mais ça devrait bien passer sur les caméras. Ensuite, à l'intérieur de la salle, tout le monde s'installe. C'est très rigolo, car tu peux voir plein de stars de la télé. Elles appartiennent à deux catégories (de tristes sires diraient une seule, les vilains) : les politiques, et la presse. Et encore, au sein de chaque catégorie, il y en a de tous types.
Il y a les journalistes qui bossent :
Et puis ceux qui sont là pour être là...
Ceux qui sont là pour être là sont souvent installés dans des loges, sur le coté, un peu comme à Roland Garros, alors que ceux qui sont là pour travailler se postent au centre, dans l'orchestre, et ont tout un tas de matériel pour faire leur boulot. Certains brouillent les pistes, puisque ce sont des VIP qui sont là pour travailler, comme Christine Clerc, par exemple, qui a bûché pendant tout le discours et posé une question. Et puis il y a aussi des stars qui ne sont pas de la télé, qui sont les jorunalistes des trois grands quotidiens nationaux.
Au milieu de ces stars, il y a des gentils gars bizarres qui s'interviewent nombrilement entre eux.
Et d'autres qui travaillent sérieusement.
De l'autre coté (littéralement : du coté opposé aux loges des patrons de presse), il y a les politiques. C'est un peu pareil, sauf qu'ils sont tous là "pour être là", et éventuellement lâcher un bon mot repris plus tard dans les media. Il y a une sacrée bande de potes !
Chacun y va d'ailleurs de son style, avant, pendant, et après la messe. Il y a ceux qui chahutent, ceux qui regardent le plafond en pensant à autre chose, ceux qui restent debout pendant tout le discours (tiens, pourquoi ces deux-là, juste ?), celui qui surveille ceux qui se tiennent debout, etc... C'est un petit spectacle en soi, pas vraiment captivant, mais assez rigolo quand on décroche un peu du discours.
(et puis il ya avait notre présidente de 2017, n'oublions pas)
Note qu'à coté des poilitiques, il y a les amis, aussi, toujours fidèles...
Bref, c'est un peu comme la messe. L'analogie n'est pas dénuée de fondement. Tout le monde discute, puis arrive le grand prêtre. Alors, tout le monde se tait, des enfants de choeur distribuent des feuilles avec le texte de son sermon, et puis il dit la chose, et tout le monde écoute et lit religieusement la parole. Quand il arrive en bas d'une feuille, on entend dans toute la salle, comme à la messe, ce bruit des pages qui tournent.
Certains pensent en regardant le plafond, des garnements bavardent, d'autres s'emploient avec leur téléphone portable, des vieilles dames sont fatiguées, et il y a toujours un bedeau avec un peu d'embonpoint qui s'inquiète parce que le patron fait trop long ou n'articule pas assez.
Sauf qu'à la fin de cette messe-là, il y a des questions.
Les questions se partagent en trois catégories :
- les questions relativement pertinentes, qui viennent critiquer, relever des contradictions, demander des précisions, sur tel ou tel point du programme, sans non plus aller trop loin ; en général, la réponse est rapide et bien préparée ;
- les questions "people et com" qui insistent sur les termes racaille, kärcher, Cecilia, ; ici, la réponse est longue, insistante, compassionnelle, pour tourner le journaliste qui insiste sur ces sujet en ridicule ; avec elles viennent les questions Chirac-Villepin, sur les rivalités du pouvoir et les interprétations cachées de ce qui a été dit ou pas sur ce thème ;
- les questions n'importe quoi, comme celle d'une personne qui proposait de revenir au septennat, auxquelles il n'est pas répondu ;
Pendant les questions, une odeur de petits fours monte, insiste, pour signifier à tout le monde que le temps va venir de la fin de la messe. Alors le maître de cérémonie met un terme à tout ça par quelques couplets sur la France, et tout le monde se relève, s'étire d'être resté aussi longtemps dans les sièges de Gaveau, enfile son manteau, trois petits fours, discute le bout de gras devant, derrière ou à coté des caméras, et rentre dans son bureau faire son papier.
Alors, le lendemain, ça donne plein de couvertures sur ton nom, tes idées, ton programme. On te décortique dans la presse. On souligne même les mots que tu n'as pas dits. On note ton contre-pied sur les thèmes chers au président, on souligne ta différence avec Dominique ton rival, ton bilan, des projets, tes propositions. Bref, on fait de l'UBM à mort sur ta personne.
De quoi bien démarrer l'année.
(bientôt, du fond)
Voilà au moins l'intérêt du blog : le hors champ ! le hors champ ! Les voeux comms si vous y étiez ! C'est vrai que ca change.
(désolé d'être finalement booké ce midi au fait...)
Rédigé par : Guillermo | 13 janvier 2006 à 12:06
Très sympa ce compte-rendu :o)
Rédigé par : pikipoki | 13 janvier 2006 à 12:28
Tiens, il semblerait que l'information donnée par Le Monde hier de la démission de Sarkozy soit corrobrée par un article de Libé.
"Décidé à rester au gouvernement jusqu'au début de l'année prochaine"
http://www.liberation.fr/page.php?Article=351016
Rédigé par : pikipoki | 13 janvier 2006 à 12:36
Nicolas, tu as raté ta vocation, tu aurai du faire journaliste ou encore mieux, conteur!
Bravo
mais pas tout à fait d'accord avec le petit commentaire final qui pourrait faire croire que tout cela n'a rien à voir avec le fond!
Mais c'est vrai que tu étais sur les jeux plus que sur les enjeux!
Rédigé par : verel | 13 janvier 2006 à 12:47
Pikipoki : je persiste. Nicolas Sarkozy a répondu à une quesiton sur ce sujet, et a clairement indiqué que la décision de rester/pas rester serait prise après le vote des militants UMP (ou des primaires larges, hypothèse qu'il n'a pas exclu), qui constitue en soi un jalon.
Ce genre de phrase ne constitue pas une information.
Rédigé par : versac | 13 janvier 2006 à 12:54
Faux ! Vous ignorez donc le rituel des voeux _locaux_ ? Ceux des maires, des syndicats d'agglomération, des groupes d'opposition municipaux, des fédérations de partis politiques, des motions minoritaires des sections locales de partis politiques ... Là l'ambiance, c'est plutôt assiette en carton, verre en plastique, jus d'orange et chips. Mais le rituel est tout aussi sérieusement accompli.
Rédigé par : GroM | 13 janvier 2006 à 13:03
GroM: on y trouve même parfois des bloggeurs parlant de 2008 (le véritable enjeu pour ces français qui habitent au delà de la grande couronne)
Rédigé par : Gussoiskaia | 13 janvier 2006 à 13:35
@Versac
En effet. En fait la phrase de Libé porte un peu à confusion, mais elle n'est pas contradictoire avec la réponse de Sarkozy que tu rapportes, puisque s'il attend le vote UMP pour prendre sa décision c'est bien qu'il décide de rester au gouvernement jusque là.
Rédigé par : pikipoki | 13 janvier 2006 à 14:07
En effet, vite, du fond !
Les blogueurs présents ont pour l'instant consacré l'essentiel de leur énergie à décrire l'ambiance de l'événement, analyse l'innovation dans le fait d'inviter des blogueurs ou interroger les ambitions de Sarkozy. Mais du fond, on n'en trouve à ma connaissance que chez Charles N.
A la différence du média traditionnel le blogueur est effectivement parfaitement libre de son contenu, mais si j'ai bien compris les médias ont donné un parçu assez partiel du discours de Sarkozy. Il y aurait donc une opportunité pour apporter une vraie valeur ajoutée, analytique, sur le discours de Sarkozy (plutôt que de produire le billet le plus rapide pour dire "j'y étais").
Bref, à titre personnel, je compte sur Koz et toi...
Rédigé par : Adam Kesher | 13 janvier 2006 à 14:46
Nicolas, tu fais très bien la petite souris décortiquant le tout paris, elle en a de la chance ta fille!
Sur le débat fond / ambiance, ça me semble un faux débat. L'originalité du blog, c'est sa liberté, de ton comme de fond.
Et ici, ta liberté de ton confine à la liberté de fond. Cette approche en apparence légère est, au fond, très pertinente, totalement liée au fond, comme le dit verel.
Rédigé par : Jean-Christophe | 13 janvier 2006 à 15:48
Sur le style :Un petit Nicolas (l'auteur du texte, pas l'autre) qui aurait fait HEC !
"Une vraie valeur ajoutée, analytique, sur le discours de Sarkozy" : Je ne suis pas un anti sarkosyste primaire mais franchement il ne faut pas trop déconner où plutôt trop en demander à Sarko et à Versac par la même occasion! Il s'agit ne l'oublions pas de voeux à la presse !!!!
Rédigé par : Tlön | 13 janvier 2006 à 15:51
Pas mieux... je colle juste une petite vidéo demain matin vers 7h30... Mais joli compte rendu... et merci pour la photo... D'ailleurs si tu peux m'adresser celle où je suis avec dupont et dupont... ;-)
Rédigé par : mry | 13 janvier 2006 à 23:47
PETIT PAPA CHIRAC SUR :
http://petitpapachirac.blogspot.com/
Rédigé par : SERGE LAVIE | 10 juin 2006 à 01:00