Après des billets en surface dans l'instantanéité, voici quelques réflexions sur ce congrès de l'UDF, et sur la stratégie du centre.
Evidemment, il est difficile de saisir véritablement l'état d'esprit des adhérents, qui se cachent souvent derrière un discours de facade "tous derrière François". Ceci-dti, avec l'approche "blog", les interlocuteurs se confient peut-être plus volontiers, ayant l'impression de parler sans arrière pensée à une personne de plain-pied.
On sent de réelles différences entre d'un coté les jeunes et la base, qui soutient volontiers la stratégie d'indépendance de Bayrou et de l'autre beaucoup de cadres et d'élus, qui ont une crainte réelle, qui, s'ils n'expriment pas toujours un doute, expriment au moins un risque. J'ai souvent rencontré l'expression "quitte ou double".
On peut d'ailleurs sans doute expliquer l'abstention importante au vote par le refus de faire un pari imposé, auquel ils ont du mal à croire. Ce refus de l'affirmation de soi provient évidemment plus de ceux qui doivent composer, localement, avec des alliances historiques à droite, que ce soit avec l'UMP, mais aussi avec le MPF, parfois. Il est surtout le fait de cette frange chrétienne-démocrate de l'UDF, un peu traditionnelle, qui existe toujours.
Néanmoins, j'ai été surpris de découvrir pas mal de gens que je ne pensais pas trouver là. De spersonnes clairement issues de la gauche, proches de la CFDT ou de la CFTC. Encore très largement minoritaires. L'intervention de Christophe Quarez était bien la seule à appeler à gauche, tandis que beaucoup d'interventions se sont appelées à rappeler les grandes pages de l'histoire de l'UDF, et comment elle a servi à être la "conscience centriste et humaniste" de la droite.
Le discours d'indépendance est plus vécu comme un souci de résistance à l'obsession du parti unique à droite. Son prolongement naturel, qui nécessiterait, pour réussir, l'ouverture claire aux sociaux-démocrates ed centre-gauche, voire aux radicaux, ne me semble vraiment pas largement acceptée.
Dès lors, un doute se fait sur la stratégie de l'UDF, dans l'état de l'échiquier politique actuel. Le constat politique et la vision me semblent justes (nécessité d'une proposition sociale-démocrate centrée sur une raponse aux grands enjeux de notre société, et absence de cette proposition par la gauche), mais le succès me semble nécessairement passer par un élargissement du territoire, en allant chercher à gauche le prolongement naturel de ce nouveau positionnement.
Grossièrement,n il s'agit de transformer la culture chrétienne démocrate, un peu traditionnelle, de l'UDF, en une véritable culture sociale-démocrate, ouverte à la gauche. Et là, je sens comme une petite résistance. Entre les vieux élus, amis et alliés de toujours de l'UMP, les jeunes qui disent "oh, il n'y a pas tellement de différence, c'est surtout une question d'équilibre", on sent que les chances de succès sont malgré tout fragiles.
Et le succès passe aussi par une justesse dans le discours qui soutienne bien la promesse de Bayrou, de faire une politique différente, d'être juste, cohérent, implacable, et de proposer autant que de critiquer. Or, autant on peut adhérer facilement aux critiques de Bayrou au gouvernement, autant nombre de ses prises de position restent vraiment démagogiques, excessives, ou déplacées. Et il refuse lui aussi souvent de voir les problèmes où ils sont.
Personnellement, j'ai une très grande admiration pour Bourlanges, que je sais influent auprès de Bayrou. Je reste néanmoins atterré par pas mal de ses prises de parole, à Françooooiiiisss, par son verbe mauvais, par son manque de justesse dans la critique de la gauche (trop proche de la critique que mène la droite).
La stratégie du centre est sans doute la plus dure. Il faut taper sur tout le monde en proposant un prisme supérieur. Bayrou est vraiment sur un fil. Comment lui faire confiance ?
Je vis une expérience depuis quelques années : je suis conseiller municipal d'opposition dans une ville UDF, tendance Bayrou. Et, pour tout dire, il est parfois compliqué de s'opposer... Tout tient du ventre mou, jamais de vrais refus à mes propositions et parfois certaines sont récupérées (comme les toits végétalisés pour l'aménagement du nouveau marché). Entendu en réunion de CCAS par le président délégué (UDF) : "moi, quand j'ai des sans papiers en face de moi, j'ai avant tout des être humains, je leur donne donc de quoi manger". Pas sûr qu'on entende cela dans toutes les villes de gauche...
Mais jamais je n'oublie que la base sociale de cette majorité est, elle, bien à droite ; cette contradiction pésera bien un jour... ne serait-ce qu'aux prochaines législatives. Combien de députés UDF s'ils s'opposent à la fois à la gauche et à l'UMP ?
Rédigé par : franck | 30 janvier 2006 à 08:34
Bonjour ! Je suis un adhérent de l'UDF "tout frais" en train d'étudier les moeurs de ce parti - et ses propositions ; ça fait deux mois que "j'écoute" (au siège, en section, dans la presse). Fascinant de constater que ton analyse semble être tout à fait pertinente (les jeunes qui soutiennent la nouvelle ligne, les vieux qui attendent)- à telle point que les dirigeants de l'UDF seraient bien inspirés de la lire : je m'en vais envoyer un mail de ce pas à Françooooiiiisss [:) comme tu dis], donc.
Tu dis que ses critiques de la gauche sont "démagogiques, excessives ou déplacées". J'aimerais bien que tu précises ta pensée, histoire qu'on puisse en discuter. Pour ma part, en écoutant le bonhomme (au delà de ce que la presse reprend) je trouve que ces critiques sont justes mais peut être confusément expliquées. Enfin...
Quant à une alliance avec la gauche : clairement, c'est ce dont FB a envie - entre raison parce que sans ça l'UDF aura du mal (...). MAIS... comment peut-on envisager de construire une alliance avec (ou de se rapprocher d') une nébuleuse dont on ne distingue pas les contours. Qui est qui, et qui pense quoi au PS. Hum... Au moins l'UDF est définie maintenant "Le parti libre". J'aime assez...
Rédigé par : Account Deleted | 30 janvier 2006 à 10:44
Au Royaume Uni, on compte 3 principaux partis: le Labour (traditionnellement de gauche - ses élus sont inscrits avec le PS francais au parlement européen), les Conservateurs (droite) et les Libéraux Démocrates (centre).
Les libdems (62 députés) ont fait leur derniere campagne électorale sur le slogan "The Real Opposition". J'ai souvent considéré ce parti dans l'aile de centre gauche, un truc qui correspondrait a Rocard ou Kouchner au PS. Ses propositions sont plus sociales que le parti travailliste (il était le seul a proposer d'augmenter les impots pour le financement des services publics).
A la différence de l'UDF, qui est son pendant francais (selon son affiliation au parlement européen en tout cas), c'est un allié traditionnel du Labour (il gouverne avec le parti travailliste en Ecosse) bien qu'il se veule indépendant (il faut dire qu'avec les theses anti immigration-anti impot et hyper conservatrices des Tories - limite tendance de Villiers - jusqu'a recemment, pas trop le choix). Les libdems sont d'ailleurs maintenant percus comme plus a gauche que le Labour dans l'opinion anglaise.
Je me suis souvent demandé pourquoi le centre s'alliait historiquement avec la droite en France, alors qu'il était beaucoup plus indépendant outre-Manche. Il semble que la stratégie actuelle de l'UDF se rapproche de son homologue anglais.
Ormis les couleurs (ils ont tous les deux optés pour le orange ! ;-), le parti francais a maintenant une volonté d'émancipation. Et quand je vois que la droite de la gauche aimerait bien se rapprocher du centre, je me dis qu'on est peut etre aux portes d'un renversement du parti, tendance anglaise... la stratégie sera avalisée en 2007 (personnellement j'adhere :-)!
PS: le parti conservateur, apres 10 ans d'échecs, ayant enfin compris que les élections se gagnent au centre, cherche actuellement a récupérer les voix des Libdems... cf mon article : http://vonric.blogexpat.com/blog/coup-de-coeur/2005/12/19/premier-ministre
Rédigé par : vonric | 30 janvier 2006 à 10:50
Pierre : pour les critiques de la gauche, c'est en général simpliste sur le thème "les 35h c'est mal". Pour recruter à sa gauche, il va falloir être un peu plus fin que ça, et ne pas se concentrer sur une critique de la gauche dans les mêmes termes que l'UMP. Le risque, en tapant sur les autres, est de s'enfoncer soi-même.
vonric : argh, c'est énervant, je prévoyais un prochain billet de comparaison entre UDF et libdems. Très juste analyse. La principale différence étant que les libdems viennent de la gauche, et que, sur certains sujets, ils doublent le labour sur sa gauche, justement, ce que j'imagine difficilement faire l'UDF.
Rédigé par : versac | 30 janvier 2006 à 11:12
Faire alliance avec le PS. Pourquoi pas, si Bayrou y tient. Mais avec qui, au PS ? Strauss-Kahn, notamment, est occupé à se montrer plus gauchiste que Fabius. Pourront-ils faire le grand écart ? Et Bayrou pourra-t-il faire une alliance qui garde un minimum de cohérence ?
Rédigé par : koz | 30 janvier 2006 à 12:05
C'est marrant, je suis également un jeune adhérent du "Parti Libre" et j'ai posé la question lors d'une réunion, naïvement: "Et si on s'alliait avec les Kouchner, DSK, Rocard..."
Bin, je n'ai pas encore soulevé d'enthousiasme, les gens étaient plutôt génés. Du temps, c'est ce qu'il faut à l'UDF et à Versac.
Rédigé par : Pierre | 30 janvier 2006 à 14:34
Versac> désolé ;-)
J'ai beaucoup suivit la progression des libdems ces dernieres années, avec le point d'orgue des élections de 2005 (ils m'ont décu, on pouvait s'attendre a 90 députés ; ils n'en ont eu que 62 - le mode de scrutin en est il est vrai en partie la cause).
Je pense sincerement qu'ils ont loupé leur chance de frapper un grand coup. Le Labour était tres contesté (les Anglais ne croient plus Blair depuis des années) et les Conservateurs a coté de la plaque.
Mais maintenant, on assiste malheureusement pour les Libdems a un renversement. Apres 10 ans a faire les mauvais choix, les Tories on élu David Cameron, un jeune conservateur, avec des idées centristes. Il s'est empressé d'ailleurs de récupérer une partie du programme des libdems et d'appeler leurs supporters a se rallier a lui (voir mon article dont je mets le lien précédemment).
A coté de cela on voit les Libdems empetrés dans une crise de leadership. Kennedy a démissionné, Oaten (un des challengers) s'est retiré de la course apres la révélation de tendances homosexuelles, Simon Hughes a lui aussi révélé une expérience gay... bref autant dire qu'ils font les choux gras de la presse tabloid anglaise... mais pas du tout en leur faveur !
Ah, la politique se joue a pas grand chose...
Rédigé par : vonric | 30 janvier 2006 à 14:38
Versac> "sur certains sujets, ils doublent le labour sur sa gauche, justement, ce que j'imagine difficilement faire l'UDF."
J'avais oublié ca. N'oublie pas que ce n'est que depuis Tony Blair et le New Labour en 97 que le Labour est plutot tendance centre droit... d'ou les Libdems se situent plus a gauche.
Auparavant ces derniers étaient plus a droite que le Labour mais s'alliaient tout de meme avec lui. C'est peut etre le chemin de l'UDF ? (revons un peu ;-)
Rédigé par : vonric | 30 janvier 2006 à 14:48