Je suis globalement d'accord avec cette tribune de Rocard dans le Monde : De l'Europe, du socialisme et de la dignité (même si son passage sur les méchants libéraux, et sa vision de l'évolution du capitalisme sont un peu caricaturés).
Je retiens surtout la 7ème remarque, en fin d'article :
7. - Dans son siècle d'histoire, le Parti socialiste a connu quelques cas d'affrontement irréductible entre des positions inconciliables entre la politique majoritaire et les convictions minoritaires :
- refus de se constituer en Parti communiste (1918-1919),
- refus de la non-intervention en Espagne (1936),
- volonté d'imposer l'Union de la gauche contre Guy Mollet (1947-1968),
- refus des guerres coloniales (1956-1962),
- opposition aux orientations économiques du Programme commun et du candidat Mitterrand (1976-1981).
Dans tous ces cas, les positions des minoritaires de chaque époque étaient cohérentes, réalistes, et parfaitement traduisibles en actes gouvernementaux. Ce n'est pas le cas cette fois-ci, et c'est une tragique grande première. Il n'y a pas de perspective d'une amélioration de la Constitution à la suite d'une crise. Il n'y a pas de perspective d'une amélioration de la situation des travailleurs de France en cas de chaos européen. Il faut même craindre le contraire. Nous sommes en pleine hypocrisie.
J'aime bien quand Michel Rocard prend des risques comme ça, en rappelant les débats sanglants de la gauche (dont un qui lui a tenu à coeur). Et surtout qu'il place Fabius dans sa petitesse historique.
Espérons que l'intervention de Fabius ne restera pas dans l'histoire (et donc, que les militants du PS diront oui massivement au traité constitutionnel).
"Pour moi l'essentiel, c'est à dire la priorité, c'est la question de l'emploi et des délocalisations. C'est çà qui en Europe est la question prioritaire. [interruption de Ruth Elkrief...] Et en regardant de très près ce traité, je ne trouve pas dans ce traité ce qui permettrait de changer de politique en matière d'emploi et de lutter contre les délocalisations. Et à partir du moment où je ne trouve pas cela dans le traité, en l'état évidemment je ne peux pas approuver ce traité et ma pente naturelle, celle de Laurent FABIUS, qui sera discutée au sein du parti socialiste avec beaucoup d'autres, mais ma pente naturelle est donc de voter contre."L. Fabius, RTL, 13 septembre. Yes man, comme on dit dans les milieux autorisés.
Rien à voir mais,
l'anniversaire de Christie,
c'est quand exactement ??
MERCI&youpi.
Rédigé par : Caramel | 21 septembre 2004 à 21:11
le 4 novembre, chut
Rédigé par : versac | 21 septembre 2004 à 23:46
L'amicale des anciens de la mairie de Conflans-Sainte-Honorine sont très heureux de vous décerner, M. Versac, le Rocard d'Or, trophée qui récompense le meilleur texte d'un jour.
Rédigé par : skoteinos | 22 septembre 2004 à 14:35
Question 1 : Rocard est-il toujours socialiste?
Question 2 : L'idéal européen de Jaurès était-il vraiment le même que celui de Delors?
Question 3 : Les militants PS vont-ils voter massivement oui?
J'ai ma petite idée sur les deux premières mais comme je ne veux pas être trop long ce soir, je me contenterai de donner ma vision de la réponse à la troisième.
Concernant la position de certains militants et dirigeants socialistes, qui pourraient par ailleurs devenir majoritaires, je pense que la principale motivation de ces derniers (je parle des militants, hors considération tactique pour 2007 donc hors Fabius) est justement de dire aujourd'hui:
"STOP! on nous a fait avaler des couleuvres, que dis-je, des boas, depuis des années, autour de cette construction européenne, en nous disant (souvent en nous culpabilisant, et la tribune de Rocard utilise au fond ce même ressort), allons-y, on infléchira la tendance libérale (indéniable, sauf malhonnêteté intellectuelle) de l'intérieur, ce traité n'est qu'une étape (c'est d'ailleurs toujours le discours de DSK et des autres europhiles socialistes), on fera mieux la prochaine fois. Et depuis des années, rien. Toujours les mêmes politiques. Donc, cette fois-ci, on dit STOP.
Il est malgré tout rare que l'on ait l'occasion de s'exprimer sur ce sujet directement. Les référendums ont été plus que rares. Ainsi, il me semble que l'argument selon lequel, puisque vous avez "accepté" la construction européenne depuis disons, 20 ans (avant on en était resté à des traités relativement circonscrits quant à leur portée générale), vous devez continuer, est sans valeur. Il est parfois utile de reconnaître ses erreurs et de vouloir les corriger. Surtout quant on se réclame socialiste et que des erreurs, voire des trahisons, on en a accumulé quelques unes depuis 20 ans!"
Voilà, je pense, l'état d'esprit actuel de nombres de militants et sympathisants socialistes, et qui pourrait conduire à un positionnement majoritaire pour le non en cas de référendum interne au PS.
Rédigé par : Krysztoff | 22 septembre 2004 à 22:19
J'ai tiqué sur le même aspect de cet article, est-ce que Rocard adopte la stratégie Fabius de la surenchère à gauche (mais au moins sans se déjuger sur le fond, lui)?
Rédigé par : Francois Brutsch | 22 septembre 2004 à 23:42
Réponse à Krysztoff :
- Rocard est-il toujours socialiste ? Je pense que oui, qu'il l'a toujours été, et qu'il a le mérite d'une grande fidélité à ses convictions, qui ne sont pas faciles à assumer dans un PS contradictoire, qui n'a pas fait sa mue. Il y a deux conceptions classiques du socialisme. Nul besoin de refaire ici le débat de la deuxième gauche. Mais il faut constater que le PS 'a pas fait le choix entre ces deux tendances, et paye ce prix lors d'un débat comme celui d'aujourd'hui. Je me range bien évidemment du coté de Rocard sur ce plan, ne croyant plus, et n'ayant jamais cru, à la nationalisation des moyens de production. Je gage que nous ne serons pas d'accord sur ce point.
- L'idéal européen de Jaurès vs celui de Delors ? Est-ce la bonne question ? Jaurès était dans un monde où les pays européens s'entretuaient et se vouaient des haines féroces. Le projet européen a permis de créer une zone de stabilité et de confiance inouïe dans le monde. Depuis Jaurès, beaucoup de choses ont changé, par ailleurs. Nul doute que le socialisme peut s'adapter à l'évolution du monde.
- Sur la troisème question : bien malin celui qui peut dire l'issue de ce débat.
Ceci dit, je ne suis pas du tout d'accord avec toi, Krysztoff, et j'aimerais comprendre concrètement l'atrenative que tu proposes, pour voir si elle est effectivement réalisable.
Le projet européen est "libéral". Ouh le vilain mot. Depuis ses débuts, ce projet est en effet libéral, car il est fondé sur l'individualisme démocratique. L'économie de marché est une règle à laquelle se sont rangés, démocratiquement, tous les Etats européens.
Ce projet est par ailleurs le premier à introduire de lourdes précautions pour défendre le "modèle social européen", ce qui est tout sauf une dérive purement libérale, tu le concèderas. L'article 3 sur les objectifs de l'Union rappelle qu'elle a pour objectif "une économie sociale de marché". Si tu n'es pas social démocrate, si tu rêves d'une Europe communiste, arrêtons-là les débats.
Par ailleurs, les points les plus critiqués sont ceux du chapitre 3 sur les politiques de l'union. Je tiens à rappeler que ce sont les politiques de gauche actuellement opposés à la constitution, Fabius le premier, qui ont tenu à inscrire ces éléments d'objectifs politiques dans la constitution, au motif de la sanctuarisation de certaines politiques-clefs.
Enfin, il ne s'agit en aucun cas de dire oui parce que le contraire serait simplement le reniement des actes passés. L'Europe est une bonne chose, elle va progresser avec ce texte, nous permettre d'avancer. Ce que tu dis de l'Europe est grave. C'est grâce à elle que nous n'avons pas déjà été rangés au rang de petite puissance sans influence, et que nous maintenons encore un peu de prospérité. Le "toujours les mêmes politiques", c'est un discours de Le Pen ou de Besancenot. Je le refuse totalement, il est faux et supide. L'Europe n'est pas un vilain projet libéral, il faut arrêter ces idioties. La Pac, libérale ? Les subventions régionales, libérales ?
Rédigé par : versac | 23 septembre 2004 à 10:23
Pour ma part, j'ai trouvé le gruau du début fort indigeste, effectivement. Cela sent le rance, le discours de "Le PS n'a rien renié de ses origines de gauche, hein, le capitalisme, c'est vraiment pas bien (mais je ne dis pas revenons à l'économie dirigée et au plan quinquéneal, hein, attention, ni abolissions la propriété privée, houlala non ça non plus surtout pas), le libéralisme est le mal incarné, bla bla bla, tout ça. Bon, les figures imposées, c'est terminé, je peux parler de mon sujet ?"
Ca m'a gâché l'impression de l'article.
Pour le reste, je ne me sens guère concerné, n'étant pas socialiste, donc les débats internes au PS ne relèvent pas de ma compétence. J'espère qu'il n'aura pas la folie de voter non pour d'aussi mauvaises raisons.
ALors pour répondre à Kryzstoff, sur le combat Jaurès Delors. Je pense qu'au contraire, ces deux hommes se rejoignent.
versac a mille fois raisons de rappeler dans quel contexte le premier a vécu.
Il est mort en 1914. Il était un adversaire farouche à la guerre qui s'annonçait, et la suite lui a donné raison. Jaurès aurait préféré une Europe où les peuples vivent en paix, où les tranches les plus pauvres de la population (je récuse le terme de classes) ne sont pas menacées de famine ou d'épidémie.
Et c'est ce rêve que Delors a contribué à réaliser, en sacrifiant toute ambition nationale à une carrière européenne fort peu rémunératrice politiquement.
Se retourner contre cette réalisation au motif qu'elle ne contraint pas l'Europe à s'aligner sur le rêve du PS français, ce serait au contraire trahir ce rêve par un caprice relevant du même désir d'hégémonie qui a mis l'Europe là où elle en était en 1914.
Le matérialisme historique a fait perdre à la gauche ses capacités à tirer les leçons de l'histoire, parfois.
Rédigé par : Eolas | 23 septembre 2004 à 13:12
Versac:
Deux ou trois clarifications s'imposent!
1)Non, je ne veux pas la re-nationalisation des moyens de production. Mais je ne veux pas non plus de la monopolisation privée de ces mêmes moyens de production (or, et les exemples concrets font légion, c'est bien la tendance ultime du capitalisme financier globalisé actuel).
En quelques mots, quel est mon idéal? Bien évidemment, il n'est nullement question de revenir sur l'économie de marché pour tous les biens de consommation que je qualifierai de "futiles" (habillement, équipement du logement, voiture, divertissement, alimentation...). Elle a fait les preuves de sa supériorité pour répondre aux désirs (et non aux besoins) des consommateurs (on peut cependant philosopher à l'envi sur cette société de consommation où l'avoir prédomine sur l'être, pour reprendre une formule éculée, où le marchand tend à conquérir toute activité humaine). Cependant, il existe d'une part des besoins "vitaux" du citoyen dont j'attends qu'on me convainque que l'économie de marché soit plus performante à satisfaire que ce que nous nommons en France les services publics (au passage, pour certains biens ou services, la théorie économique montre justement le contraire). D'autre part, un Etat, donc une communauté de citoyens, peut, pour des raisons d'égalité d'accès, d'aménagement du territoire, de choix politiques, souhaiter que ces services echappent à la logique économique de stricte rentabilité. Quels sont-ils? L'accès à l'énergie électrique par exemple, la Poste encore, l'accès à l'eau, l'accès aux soins, l'accèsau logement dans une certaine mesure, ou bien l'accès à des moyens de communication (le téléphone bien sûr mais pourquoi pas demain Internet haut débit)... Cette liste n'est pas exhaustive d'une part et non figée d'autre part.
Or, que constate t-on avec l'idéologie libérale qui sous-tend l'ensemble de la politique de la Commission Européenne entre autres? Que ces services publics sont menacés, déjà pour certains désincarnés. Je réfute totalement l'argument, qui ne résiste pas à l'épreuve des faits, de la non-responsabilité de la Commission dans ce démantèlement. La logique économique est connue et vérifiée : libéralisation, changement de statut, ouverture du capital, privatisation partielle puis totale (cf l'exemple de FT, aujourd'hui La Poste, demain EDF). Et je pense que c'est une trahison d'une part de l'idéal socialiste, et d'autre part de la philosophoe républicaine du bien public, que de ne pas s'être opposé à cette évolution.
2) Non je ne suis pas un "vilain" communiste (car si tel était le cas, tu comprends bien que je ne continuerai pas à te lire avec intérêt et à débattre avec toi). Pas plus que tu n'es un "vilain" libéral je suppose. Pas plus d'ailleurs que l'idéee libérale ou l'idéal communiste (et non son dévoiement stalinien, castriste ou maoiste) ne sont a priori "vilains", cad moralement condammables. Par contre, je suis un horrible républicain citoyen (un chevènementiste s'il faut incarner le courant!). Peux-tu concevoir de débattre avec cette espèce en voie de disparition?
3) Oui, il existe des alternatives entre le communiste et le social-démocrate tendance DSK, à gauche du moins (cf. plus haut).
Ceci étant dit, juste un mot sur Jaurès: c'est bien Rocard dans son texte qui s'inscrit dans cet héritage et donc la question de savoir si Jaurès aurait souscrit à ce développement de l'idée européenne est posée non par moi mais bien par cette filiation revendiquée par Rocard, ce que je questionne.
Enfin, je suis bien conscient que ce que je dis sur l'Europe est grave. Mais les faits sont là. L'idée européenne, quoi que les médias essaient de nous convaincre du contraire, est en recul constant (pour preuve le désintérêt pour les élections européennes comme je le notais dans un commentaire à une de tes précédents notes). La construction européenne, et en particulier le fonctionnement de la Commission d'une part, du Conseil des Ministres d'autre part, nous éloigne d'un idéal démocratique et nous rapproche d'une expertocratie "totalitaire" (cf. discours de Mendès-France en 1957). Je crains que l'Europe politique, que toi et moi appelons de nos voeux, seul moyen de peser dans le monde futur, ne s'éloigne de plus en plus. Selon moi, seule une crise salvatrice peut réorienter la construction européenne dans la voie suivante: d'une part un marché unique, une Europe économique zone de libre-échange (et j'ai le sentiment que les nouveaux entrants n'en demande pas plus), à 25, 30 voire plus si on l'étend au sud de la Méditerranée (et ce serait notre intérêt); d'autre part une Europe politique, confédération d'Etats-nation, autour d'un noyau dur comme la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Portugal. Une Commission Européenne, sous contrôle d'un parlement élu sur des listes européennes avec un programme commun européen. Une seconde chambre européenne, issu des parlements nationaux, sorte de sénat européen. Un principe de subsidiarité fort qui évite, par exemple, à cette Commission de s'occuper de la taille du camembert.
A t-on besoin d'une pseudo-constitution de 400 pages qui s'occupe de plus de politique que d'institution pour cela?
Rédigé par : Krysztoff | 23 septembre 2004 à 14:46
Krysztoff,
je ne souhaite pas me lancer dans un débat sur les services publics. Ke cansacrerai sans doute un post au sujet, tant d'idées me semblent fausses sur le sujet. Mon opinion est que la collectivité peut peser sur un service essentiel sans nécessairement en être propriétaire, et que l'Etat, en tant qu'opérateur, est souvent un mauvais opérateur. Il existe une troisième voie entre la nationalisation monopolistique et le marché purement libre et sans contrainte. CEtte trisième voie est celle que nous propose l'Europe. Elle permet le développement de secateurs économiques compétitifs, d'emplois, ceci dans le strict respect de la nécessité de services publics.
Les services publics ne sont pas menacés, donc, mais la manière dont on les gèrait en France depuis 50 ans (nationalisation monopolistique). Dans des dizaines de pays, on gère la poste, l'énergie, ou les communications d'une manière différente, sans que celà ne crée de préjudice à la collectivité (et, svp, qu'on ne me cite pas les deux uniques exemples de l'électricité en Californie et du rail au R.U.).
Mais bon, je lancerai un débat spécifique sur le sujet, puisqu'il est propre à la France.
Sur la parte ruopéenne, je ne suis pas d'accord :
- ce traité nous éloigne d'une "expertocratie européenne". Le contrôle renforcé du parlement, le droit de pétition, etc...
- je suis plutôt fédéraliste, mais je suis réaliste : dire non, c'est accepter que règne encore cette expertocratie, et que l'on recule encore, car la majorité des Etats ne veut pas aller plus loin.
Ton idéal (marché + noyau dur, contrôle démocratique, une Europe en cercles concentriques), je le partage globalement. Mais c'est un objectif à viser, que l'on n'aura pas aujourd'hui, car ni les Etats ni les peuples ne le veulent.
Il faut donc y aller progressivement, par étapes, en améliorant petit à petit l'existant. La crise ne servirait à rien, à mon avis.
Rédigé par : versac | 23 septembre 2004 à 15:23
Krysztoff dit "Pas plus d'ailleurs que l'idéee libérale ou l'idéal communiste (et non son dévoiement stalinien, castriste ou maoiste) ne sont a priori "vilains", cad moralement condammables."
Dois je conclure que Pol Pot n'a pas dévoyé cette idéologie merveilleuse, que Kim Il Sung suivi par son fils en a fait une parfaite application, que Tito a créé la société idéale en Yougoslavie, que le Laos est une terre bénie, que la RDA de Honnecker était ton modèle, que la Moldavie est un phare pour l'humanité, etc etc etc ?
Ou alors que par un tour facétieux du destin, TOUTES les tentatives d'application de cet "idéal" a invariablement tourné à la dictature sanguinaire doublé de la ruine économique, mais que la prochaine fois sera naturellement la bonne, et que naturellement, le VRAI mal, c'est le libéralisme ?
Rédigé par : Eolas | 23 septembre 2004 à 15:51