
"The best part of having a dog, is the dog."
Mon aimé,
l'autre soir, vers onze heures et demie, j'étais confortablement emmitoufflée dans la couverture sur le canapé, devant le poële fumant, notre épisode de The Crown, saison 2 venait de terminer et je t'ai dit, Bon, je vais promener l'Affreux. Soupir de part et d'autre, remous du côté du chien qui sait que lorsque la série se termine, ou la séquence de dessin, ou la lecture dans le canapé, bref quand il entend du mouvement entre 11 h et minuit, ça va être son tour.
Tu m'as dit, Quand même ce chien, c'est Sisyphe.
J'ai chaussé mes bottes Aigle tachées de boue, me suis recouverte de mon manteau-que-j'adore-et-ne-porte-qu'à-Malakoff, mis mon bonnet de marin sur la tête et ai enroulé la grosse écharpe bleu marine autour de mon cou. J'ai toussoté un ou deux des miasmes que je traine depuis près de trois semaines, ai posé la main sur la porte, et t'ai répondu A cet instant c'est dur de sortir, mais les balades du soir, c'est l'un des meilleurs moments de ma journée.
La première chose, c'est que j'aime Hush. Il a besoin de gambader à sa guise, sans laisse, et tard le soir ou tôt le matin, en ville, rend la chose moins risquée (le trafic de voitures, d'humains, de couples maître-chien s'est ralenti). Il peut fureter de ci de là, courir le long des passages, me devancer, m'attendre, me rattraper. J'adore ces moments où, devant moi, il s'arrête au croisement entre deux rues pour vérifier que je suis bien là, pour me demander avec sa posture On va à droite ou à gauche ? Tu viens ou quoi ? J'aime cette intimité du soir partagée avec Hush, à la fois chacun dans son voyage, lui dans son furetage et moi dans mes pensées, et en même temps, ensemble, à faire attention l'un à l'autre.
La nuit, j'aime la chance d'apercevoir des animaux sauvages, une fois j'ai vu un renard en haut de la rue Hoche, plus souvent j'ai croisé des martres furtives, et une ou deux fois par mois, m'enchante le pas précautionneux d'un doux hérisson.
La nuit, je suis les venelles éclairées par les réverbères et je me réjouis du reflet des feuillages, tatouages éphémères sur le bitume. J'espionne l'intérieur des maisons et des immeubles à travers les fenêtres encore allumées. Je dis bonsoir à ce couple qui fume côte à côte par la fenêtre ouverte de leur chambre au rez-de-chaussée. Je me renseigne sur les phases de la lune, Où en es-tu, ma cocotte ?
La nuit, je relis les évènements de la journée écoulée. Je secoue ma tristesse, je reviens sur mes déceptions, et ces temps-ci, je marche ma culpabilité d'avoir failli à mon prochain (le livreur pris dans les embouteillages que j'aurais pu aller soulager en marchant 10 minutes... la prof de maths d'Alma avec qui je me suis comportée comme une sale mère d'élève..).
La nuit, je monte les escaliers qui mènent aux ponts surplombant la voie ferrée, frontière entre Vanves et Malakoff. Je regarde la voie, ses panneaux lumineux, et autour de moi les villes, les maisons, la fumée des cheminées ou du chauffage de ville.
J'aime sentir l'atmosphère chaque nuit si différente, parfois très tranquille, parfois heurtée avec des camionnettes qui rôdent, des Golf Volkswagen filant à vive allure, des scooters qui empruntent les venelles piétonnes, des chiens qui déplaisent à Hush ou à qui Hush déplait. Et parfois c'est joyeux, un dame chinoise avec ses 5 bichons tous plus câlins les uns que les autres, ou mon copain d'en face, Jacques de 75 ans qui sillonne les rues avec Hermès, son petit renard noir. Parfois il pleut et les rues brillent, parfois le ciel est clair et je salue les étoiles.
Et puis il y a les étrangetés de la nuit, le vent dans les arbres, les ombres pas très rassurantes, chaque homme qui marche derrière moi ou voiture qui roule lentement est un danger potentiel. Les inscriptions sur les murs prennent une autre allure et les objets abandonnés semblent avoir leur destin propre.
Alors oui mon aimé, mon compagnon, sortir de la maison à 11h du soir quand il fait froid, ressortir quand je rentre tard, me préoccuper du chien quand on dine chez des amis, c'est quelque chose, c'est un poids, et c'est le poids irréductible que ce que l'on aime imprime à notre vie, et sans laquelle elle ne pèserait pas beaucoup plus lourd qu'une plume.
Je suis reconnaissante de ce chien, heureuse de nos balades, et j'aime, j'aime sortir la nuit - à tel point que je m'en veux un peu de te priver de cette chance que tu n'as pas tellement goûtée !
(J'ai écrit ce texte, non pas à l'atelier mais à la suite d'une proposition d'écriture d'Emmanuel Bing).
Mes chéries-chéris, je vous souhaite de géniales fêtes de Noël. Je suis heureuse, car le 8 janvier commence la nouvelle Conversation Créative, Quel est le désir de mon coeur ? Rien que ce titre me met en transe. L'exploration rêveuse, active, musicale, dessinée, cuisinée, marchée, dansée, nagée, épidermique, du désir de chacune, là, aujourd'hui.
Hmmmmmmmmmm.
Vous pouvez vous inscrire jusqu'au 7 janvier à 22 h. Pour cela, il suffit de m'écrire un mail à maviesansmoi@gmail.com et de régler les 27 euros de l'inscription (69 euros pour 3 Conversations, et 167 pour les 9 Conversations à venir).
Mais en attendant, comme dit mon prof de clown : VACANCES !
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