Cette peur de passer à côté des personnes qu'on aime le plus au monde.
Je devrais appeler mon père.
Une amie venue dîner l'autre jour a caché dans la maison des petits trésors, faisant mine de visiter. Quand elle nous l'a annoncé, j'ai intérieurement roulé les yeux au ciel, y'a tellement de trucs partout dans toute la maison, nous sommes le contraire de minimalistes, même si nous avions rangé de notre mieux les salons pour le dîner - fallait pas trop ouvrir les tiroirs.
... C'est pourtant sur le dessus d'un tiroir que j'ai trouvé la baguette magique qu'elle avait planqué, premier trésor et je dois encore trouver les autres. Elle était au dessus d'une pile de boîtes de cônes d'encens ésotériques, ouais, les trucs qu'on garde chez soi, et nous les avons même déménagé de plusieurs maisons, et emportés avec nous ces cônes d'encens supposés éloigner le mauvais oeil.
En cherchant le trésor caché par ma copine, j'ai retrouvé plein d'autres trésors - et notamment, un flacon d'huiles essentielles synergie respiratoire (un peu moins vieux que les cônes qui datent de notre voyage au Brésil en 1998) et aussi, un paquet de photos développées de nos filles quand elles étaient âgées de 7 et 10 ans.
Nos chéridouces.
Mes toutes petites.
Comme c'est passé vite.
Et toi, le temps - suspends ton vol !
A cet âge, il y a 10 ans à peu près, nous faisions les filles et moi de longs trajets en voiture - pour aller à Dinard ou pour en revenir, pour aller en Bourgogne, bref, on sillonnait la France et les filles parfois trouvaient le temps long. Même si on écoutait Delphine et Marinette et le Petit Prince. Elles avaient aussi une batterie de post its et deux-trois feutres chacune et elles faisaient des expositions de dessins qu'elles collaient sur les fenêtres, on se mettait d'accord sur un thème général, genre la ferme, ou les vacances, et ensuite je donnais des mots genre "vache" ou "plage" et chacune dessinait son interprétation du mot. C'était très recherché. (Merci les Trucastuces d'Astrapi). N'empêche qu'au bout d'une heure de trajet les fenêtres étaient remplies de dessins adorables et les filles ne voyaient plus rien de ce qui se passait dehors.
Quand elles en avaient marre de dessiner, l'une d'elle, c'était le plus souvent Alma, me demandait - Maman, raconte nous une histoire ! - Oh les filles, j'ai pas d'idées... Elle sait comment me prendre. - Oh mais Maman, pas une histoire inventée, raconte-nous une histoire de quand tu étais petite ! Déjà, je me radoucis. - Bon, d'accord, d'accord, mais va falloir être un peu plus précise. Une histoire de quand j'avais quel âge ?
Généralement, Alma me demandait une histoire de SON âge du moment, et c'était parti pour 5 minutes ou 10 ou je perdais le compte du temps, tellement j'aime raconter des histoires liées à son âge du moment. Dans l'enfance de nos enfants c'est notre propre enfance que l'on revit, oh ce n'est pas de moi c'est de mon superviseur, je n'ai pas encore décidé si j'étais d'accord mais j'aime bien l'idée.
Deux ou trois ans qu'Alma ne m'a plus demandé une histoire de quand j'avais son âge. Dans quatre mois elle aura 17 ans, aujourd'hui elle en a seize, hou la la je n'aimais pas tellement la vie l'année de mes seize ans.
Quand j'avais 16 ans. Mes parents m'avaient forcé à choisir l'option que toi tu aimes tant - la filière éco, mais avec les maths moins fortes que ce que tu as choisi toi, alors que moi aussi j'étais bonne en maths. Je dépérissais dans un lycée étroit d'esprit, dans une classe étroitissime d'esprit, et je détestais l'éco. Je n'avais pas un seul ami dans ma classe enfin si j'avais des amies mais des amies un peu de loin, qui s'en fichaient de moi. Ma grand-mère maternelle habitait à une minute du lycée et pendant les trois ans que j'ai étudié là, elle m'a invité UNE SEULE FOIS A DEJEUNER. Et jamais je n'y ai dormi alors que le trajet me prenait une heure dans chaque sens. On n'y a jamais pensé !! Le seul cours qui m'intéressait était celui d'allemand (la prof était géniale, et caustique, elle voyait tout, elle ME voyait, pendant cette année où j'étais devenue invisible aux yeux de tous). Une de mes copines, et mon cousin chéri, ont fait une tentative de suicide. Je louchais à mon tour sur les somnifères de ma grand-mère - l'autre, celle que je voyais tout le temps, celle qui m'aimait trop !
C'était tellement vide et triste à l'école, que je partais le matin de chez moi le plus tard possible, je loupais le bus de 7h41, me rattrapais sur celui de 7h56, c'était trop juste pour arriver à l'heure et j'arrivais donc avec quelques minutes de retard, au bout de trois retard j'étais collée, et j'ai été collée plusieurs fois en première et terminale, sans que grand monde s'en inquiète.
Ce n'est pas tellement l'histoire que j'ai envie de raconter à ma grande fille de 16 ans, qui aime l'école, et ses profs, et ses copines, et la voie dans laquelle elle s'est inscrite volontairement (elle ADORE l'éco !!). Alors, je ne me plains pas, pas trop, qu'elle ne me pose plus la question Raconte-moi une histoire de quand t'avais mon âge.
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