La grand-mère de Nicolas a déménagé dans une maison de retraite depuis quelques mois ; elle va vraisemblablement y terminer sa vie ; elle y est bien traitée, chouchoutée, visitée par ses enfants et petits-enfants, et nièces ; et son appartement, hé bien, petit à petit ou tout d'un coup, on va le vider pour qu'il serve à quelqu'un. Je me réjouis à la perspective d'avoir à la maison un ou deux objets de cette femme aimée, admirée ; et je suis triste à la perspective de la dispersion de son univers tel qu'il est.
Si je n'y connais rien en décoration intérieure, je m'y connais en cosmogonies : une collection d'objets qui se marient bien les uns avec les autres, qui reflète une partie de l'âme d'une personne ou d'une famille. Et pour que vive cette cosmogonie, il faut que vive la personne dans ce lieu - sinon il devient le château de la Belle au Bois dormant. Mon père avait aménagé la maison de ma grand-mère, sa mère à lui, pour qu'elle puisse reste vivre chez elle avec un minimum de sécurité, il a enlevé des tapis dans lesquels elle se prenait les pieds, installé des rampes en cordes pour qu'elle puisse s'y agriper, sans altérer d'un poil la cosmogonie du lieu. Et deux heures après la mort de Mam, l'âme de la maison n'était plus la même, la cosmogonie avait commencé à changer.
En déco je n'ai qu'un principe : des objets que l'on aime - Nico et moi. Vivants. C'est-à-dire dépoussiérés, déplacés, repliés, parfois changés. Et en accord avec la vie. En ce moment, on a envie de remettre un piano au salon, va falloir enlever le banc que j'ai ramené de l'île d'Yeu, j'ai besoin de me faire à l'idée et je suis heureuse si les filles se remettent à jouer du piano. On a acheté des bons matelas pour les poussinettes, et gardé les anciens pour quand des copines viennent dormir à la maison. Un de ces matelas faute de place est "rangé" sous mon lit. C'est affreux, on le voit, et quand une amie vient dormir, c'est la fête et je me réjouis de la présence de ce matelas si pratique à transporter. Je n'aime pas faire le ménage, et j'aime tellement mon bureau, nos tables de la cuisine et de la salle à manger, que je suis heureuse de les dépoussiérer, de les nettoyer, d'en prendre soin.
Mon problème, notre problème c'est l'accumulation. De livres, de tote bags, de manteaux, de cailloux, de plantes, de jouets à roulettes. De tasses et des bols et des mugs. Régulièrement on en donne pour parvenir à voir les objets que nous avons et que nous aimons. Notre secret c'est de les regrouper, ainsi ça fait moins bordel, et on les voit. J'écume les vide grenier, les Emmaüs, les ressourceries, et je ne repars jamais bredouille (sinon je suis de très mauvaise humeur). Une fois de temps en temps nous allons aux Puces ou chez un antiquaire. Mais nos grands-mères et grandes-tantes nous ont bien pourvu en la matière. Nous sommes beaucoup allés chez Ikéa, chez Habitat, un peu chez Conran ; mais aujourd'hui le gros de ce qui entre est chiné.
J'aime le mélange des époques, le mélange de bois et de métal, connaître l'histoire des objets ou au moins leur origine.
Je n'aime pas les rideaux. Chez mes parents et mes grands-parents l'atmosphère était obscurcie de voilages et je préfère la lumière pleine ou les volets à moitié tirés. J'aime les jolies housses de couettes, les tapis rouges. Je range mes livres par couleur, quand j'ai le courage. Mon dressing est en bordel. Je collectionne les carafes en verre et les cruches jaunes. Et les bols de ferme mais on n'a plus la place. Ah oui et les miroirs, miroirs de barbier et miroirs marocains. Il y a un savon dans une soucoupe à côté de tous les points d'eau. Et une boîte de Kleenex dans chaque pièce.
Bref, j'ai 50 000 manies. Ah oui et dans mon bureau... La chance que j'ai d'avoir une chambre à moi... j'ai une petite rondelle de grès, un truc fait exprès pour diffuser les odeurs... sur lequel je mets un mélange d'huiles essentiels tout près, Nard et encens... Je place la rondelle sur le radiateur... et cette odeur je ne m'en lasse pas. Dans le reste de la maison Nico et moi achetons ou nous faisons offrir des bougies de ci de là, qu'on allume l'hiver et qui sentent l'hinoki, le vieux tabac. J'adore celles de Muji, si peu chères et délicieuses.
Voilà chère Minka, quelques pensées sur les cosmogonies.
N'hésitez pas à me dire, sur quel sujet vous aimeriez me lire !
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