En ce moment la nuit, pas toutes les nuits mais une ou deux par semaine, je me réveille avec des bouffées d'angoisse. Le soleil, la lumière, les pages du matin suivant les dissolvent, en général ; et la crise de cette nuit ne passe pas.
Je pense, je ressens mes filles qui ne seront plus à la maison l'année prochaine. Je ressens leurs chambres qui vont se vider, comme deux ventres vides. Je songe à leurs corps - qui n'ont jamais été, à proprement parler, MON corps - et qui se sont fondus néanmoins avec mon corps ; pendant 9 mois bien sûr, puis depuis toutes ces années où elles se détachent, je les ai portées dans mes bras, nourries, lavées, habillées, elles se sont accrochées à moi et moi à elles.
La pudeur des mères - nécessaire pudeur, il faut laisser nos filles s'envoler - mais qui dit le déchirement provoqué par cet arrachement, le corps de mes enfants qui va se retrouver durablement loin du mien ?
Je me souviens quand nous sommes revenues à la maison une semaine après la naissance de Chimène, elle dormait quand nous avons franchi le seuil de l'appartement, nous avons déposé son couffin dans sa chambre, avec elle dedans ! et elle ne s'est pas réveillée, et je suis allée dans le salon et pour la première fois de notre vie nous étions séparées de plus de deux mètres, dans deux pièces différentes - et je me suis sentie exilée. Et j'ai su ce que c'était, ce jour-là, l'exil du corps de mes enfants - et depuis je le redoute le moment où elle va partir, Chimène, ma première née.
Nos enfants ne sont pas nos enfants, je mesure le chemin qu'elle et moi avons parcouru depuis janvier, elle se projetant dans un après son école et sa vie actuelle (elle cherche un Master, elle cherche aussi à quitter la maison), et moi, l'aidant de mon mieux et au long cours à façonner son projet, visiter les écoles, (je dis moi mais c'est nous bien sûr, son papa est avec nous), écrire les pages et les pages et les pages de dossier, c'est elle qui les écris mais nous on relit on commente on réfléchit avec elle.
Mes larmes coulent au soleil. Mon petit. Mon petit. Ma grande fille tant aimée. Qui n'est pas mienne, qui est sienne. Que c'est dur à accepter.
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