En ce moment la nuit, pas toutes les nuits mais une ou deux par semaine, je me réveille avec des bouffées d'angoisse. Le soleil, la lumière, les pages du matin suivant les dissolvent, en général ; et la crise de cette nuit ne passe pas.
Je pense, je ressens mes filles qui ne seront plus à la maison l'année prochaine. Je ressens leurs chambres qui vont se vider, comme deux ventres vides. Je songe à leurs corps - qui n'ont jamais été, à proprement parler, MON corps - et qui se sont fondus néanmoins avec mon corps ; pendant 9 mois bien sûr, puis depuis toutes ces années où elles se détachent, je les ai portées dans mes bras, nourries, lavées, habillées, elles se sont accrochées à moi et moi à elles.
La pudeur des mères - nécessaire pudeur, il faut laisser nos filles s'envoler - mais qui dit le déchirement provoqué par cet arrachement, le corps de mes enfants qui va se retrouver durablement loin du mien ?
Je me souviens quand nous sommes revenues à la maison une semaine après la naissance de Chimène, elle dormait quand nous avons franchi le seuil de l'appartement, nous avons déposé son couffin dans sa chambre, avec elle dedans ! et elle ne s'est pas réveillée, et je suis allée dans le salon et pour la première fois de notre vie nous étions séparées de plus de deux mètres, dans deux pièces différentes - et je me suis sentie exilée. Et j'ai su ce que c'était, ce jour-là, l'exil du corps de mes enfants - et depuis je le redoute le moment où elle va partir, Chimène, ma première née.
Nos enfants ne sont pas nos enfants, je mesure le chemin qu'elle et moi avons parcouru depuis janvier, elle se projetant dans un après son école et sa vie actuelle (elle cherche un Master, elle cherche aussi à quitter la maison), et moi, l'aidant de mon mieux et au long cours à façonner son projet, visiter les écoles, (je dis moi mais c'est nous bien sûr, son papa est avec nous), écrire les pages et les pages et les pages de dossier, c'est elle qui les écris mais nous on relit on commente on réfléchit avec elle.
Mes larmes coulent au soleil. Mon petit. Mon petit. Ma grande fille tant aimée. Qui n'est pas mienne, qui est sienne. Que c'est dur à accepter.
mon coeur de maman qui a passé cette étape se met au diapason de ton coeur, pour t'accompagner dans cette traversée.
Je t'embrasse
Rédigé par : Emmanuelle | jeudi 25 mai 2023 à 16:23
oh la la. ça va me faire du bien qu'on se voye !
Rédigé par : Christie | jeudi 25 mai 2023 à 16:28
Je croyais que ce départ (qui a été différé, ouf) serait facile, et lorsque l'échéance s'est rapprochée, j'ai commencé à le redouter de plus en plus. Je suis contente d'avoir un ou deux ans de sursis. Je ne sais pas s'il est possible de s'y préparer autrement qu'en le vivant et en traversant cette souffrance-là. Des bises d'une mère à une autre !
Rédigé par : Emilie | jeudi 25 mai 2023 à 17:33
Texte magnifique et touchant!
Rédigé par : Nathalie | vendredi 26 mai 2023 à 12:18
Ici, les départs se font par étapes, au gré de stages de Master, d'Erasmus, d'études ailleurs...et finalement, on s'habitue plus vite que je ne l'aurais cru à la maison calme et silencieuse, le frigo moins plein aussi, tant de trucs qu'on achète que quand ils sont là ! Et quelle fête quand ils sont à nouveau là tous les 2, le bonheur de les toucher, sentir leur odeur, admirer leur belle complicité, dîner à 4 et se faire une soirée jeux, comme avant...et puis, quand ils sont loin, les temps en visio qui rapprochent, ça c'est quand même une belle invention ! Il me semble que mes enfants sont en moi, ancrés dans chacune de mes cellules et si je les sais heureux, la distance ne compte plus. Courage Christie, c'est la fin d'une magnifique étape de vie, qui laisse le champ ouvert à tous les possibles 😘
Rédigé par : Nathalie LaFée | samedi 27 mai 2023 à 09:00
merci chère Nathalie de témoigner des quelques années d'avance que tu as sur moi.. dans le process.. gros baisers.
Rédigé par : Christie | mardi 30 mai 2023 à 10:42
Ton texte me touche beaucoup. Françoise Dolto disait que les femmes ne se quittent jamais... Le lien se transforme mais reste. Courage!
Rédigé par : Mayou | mardi 30 mai 2023 à 16:28
je sens cela un peu... et j'ai lu tellement de bouquins intitulés "mères, laissez partir vos filles !" - chacun et chacune a le droit de FAIRE sa vie sans porter sa mère sur son dos... lui servir de dame de compagnie... je dois et vais apprendre à me TENIR sans elles, ou avec moins d'elles.
Rédigé par : Christie | mardi 30 mai 2023 à 18:12
Ici, le départ d'Antoine cette année a été paradoxalement facilité par le fait que j'ai déjà connu taaant de séparations depuis 3 ans (mon divorce, les enfants une semaine sur deux, la rupture des liens avec mon frère, avec beaucoup d'anciennes relations, le nécessaire recadrage de ma relation avec mon père, même mon voisinage immédiat change...) que tout cela m'a aidé à commencer à apprivoiser la solitude et à mieux accepter les changements.
Maintenant je t'exprime toute ma compassion pour ce changement si profond, pour la douleur, la tristesse qui l'accompagnent, pour tout ce qui demande à être accueilli en toi, pour le nouveau à construire... Câlin.
Rédigé par : Anne-So | jeudi 08 juin 2023 à 09:33
Merci Anne-Sophie, it means a lot to me de te voir vivre les choses avec de l'avance sur moi et de l'avance en sagesse et en ressources trouvées aussi. On a besoin, j'ai besoin de mes soeurs d'expérience ! gros baisers
Rédigé par : Christie | jeudi 08 juin 2023 à 14:52