Bonjour ma chérie-chéri,
l'autre jour, j'étais super contente d'avoir réussi à parler, enfin, écrire, avec "mon langage". D'exprimer les choses le plus finement possible, avec mes mots. Fière de moi. Ça a duré 5 minutes.
Et puis. Ma censeur est revenu me voir - la vilaine voix intérieure que je porte en moi depuis des lustres et qui quand elle se manifeste, me débine. Donc elle s'est manifestée et m'a sifflé à l'oreille (interne) Ah ah, tu es contente de toi ? Mais écrire avec SA voix, tout le monde y arrive ! Ce qui serait une prouesse, et vraiment intéressant, ce serait de parler avec la voix d'autres personnes. Mais oui, tu m'as compris, créer des personnages !
Evidemment, même si elle dit des conneries (non, tout le monde n'arrive pas à exprimer sa voix propre et précise à l'écrit ! j'en sais quelque chose, 40 ans que je m'entraine !), elle touche aussi juste.
Car mon rêve, mon rêve d'écrivain, ce serait d'écrire des sagas, genre la saga Malaussène de Daniel Pennac, ou Une saga moscovite, super bouquin (pavé qui se dévore) de Vassili Axionov. Ou encore La casa de los espiritos, d'Isabel Allende. L'histoire d'une famille, qui traverse les époques, l'histoire... Plein de personnages qui évoluent pendant 25 ans, 50 ans, 100 ans...
Mais la moi réelle, elle a essayé de donner corps à des voix "autres que la sienne". Elle a écumé les bancs des ateliers d'écriture. Elle prend des notes à la boulangerie, au café, à la radio, chez ses amis : COMMENT PARLENT LES AUTRES GENS ? Mais au moment d'écrire, c'est ma voix à moi qui sort. Quand j'essaie de créer des personnages, de les faire exister, parler : personne n'y croit.
En revanche j'ai écrit des livres compagnons - un autre de mes rêves, depuis que j'ai été si bien accompagnée par les livres de Julia, les livres des époux Gottmann. Ces livres, moi, ils m'ont fait renaître : Julia m'a montré l'accès à ma créativité, par ces deux portes que sont les artist dates et les pages du matin. Les époux Gottmann m'ont montré les clés d'une relation conjugale heureuse. Et oui, ces deux livres sont des livres A FAIRE, et à faire TOUTE SA VIE.
Bref, mes livres ne sont pas aussi révolutionnaires que les leurs - et ils font le job. Le job d'accompagner. Ils ont un ton "pas préchi prêcha j'ai tout résolu" ; ils poussent à l'action ; ils font marrer les lecteurs.
C'est déjà quelque chose.
Et de temps en temps ça me reprend - le syndrôme Gainsbourg - qui rêvait d'être peintre, puis compositeur de musique classique - il a regretté toute sa vie, a méprisé peut-être parfois sa forme de génie propre, qui était de composer ces ovnis musicaux, ces pépites scandaleuses et salvatrices. Bon ben moi j'ai envie d'assumer ma propre forme de génie. Toutes choses égales par ailleurs. Je me prends moi-même au sérieux, écrivit (je crois) Ety Hillesum. Pas si facile. Pas si facile. Surtout quand on a adoré lire Une saga moscovite, et qu'on aurait adoré avoir ça en soi, une saga.
Et puis non.
Pas jusqu'à présent en tout cas.
Coucou Christie et joyeux anniversaire de blog! Moi il me réjouit depuis 2011, à l'époque j'étais aux Etats-Unis, je cherchais à retrouver le film Ma vie sans moi que j'avais beaucoup aimé, et je suis arrivée ici... depuis je ne suis pas repartie :) (enfin de Boston si, quoi que j'y retourne, mais pas d'ici).
Ce que tu dis sur Gainsbourg, je l'avais entendu aussi à propos de Nina Simone, qui aurait voulu être pianiste classique (bon, dans son cas, c'était aussi du fait des discriminations raciales, donc c'est aussi autre chose), et d'Ennio Morricone, qui aurait voulu aussi être compositeur classique. Depuis je me dis que si même ces musiciens incroyables se disaient ça, c'est qu'on n'est pas toujours bon juge de ce qu'on fait
Bon grand nettoyage du week-end!
Rédigé par : Camille | samedi 25 février 2023 à 11:09
Je partage ce rêve, cette incapacité, et ce vilain juge perché sur mon épaule qui a vite fait de débiner mon travail ! Pourtant, ce que je fais, je le fais bien, enfin c'est ce qu'on me dit, j'ai du mal à être satisfaite de ce que je produis (je parle ici de la partie rédactionnelle de mon travail). Cette aspiration à à posséder d'autres talents que les miens, une autre personnalité même, est puissante et me coupe parfois les ailes. Il me faudra au moins toute une vie pour apprendre à m'accepter et à suivre mon propre chemin, si j'y parviens (rien n'est moins sûr) !
Rédigé par : Emilie | samedi 25 février 2023 à 17:50