C'est marrant l'écriture parce que - dans mon cas - ça insiste. L'activité insiste (40 ans que j'écris, ma bonne dame !) ; les sujets insistent (15 jours que je tourne autour du sujet du premier lecteur, pour qui j'écris, et je n'y arrive pas, et chaque jour ou presque je le retrouve devant moi, et ce matin, pim, il m'est reproposé et j'ai trouvé la première idée qui m'aide à démarrer).
Je t'écris depuis la terrasse défoncée (elle part littéralement en morceaux) ET au soleil irrésistible de février, j'ai parlé à mon amie qui est à Lille aujourd'hui et parait qu'il pleut ben en Bourgogne c'est le soleil dingo mais aujourd'hui je reste studieuse à mon bureau (ou disons, sur la terrasse) car je suis venue pour ça, aussi, écrire dans le silence heu pardon le bruit des tracteurs et le chant des oiseaux (à cet instant, un coucou coucoute) et le bourdonnement des bourdons et Hush qui aboie sur tout ça. Je ne te parle plus de la cloche de l'église car depuis deux mois, elle ne sonne plus toutes les heures ni les demi-heures. Bouh. (Un p'tit tour sur la page Facebook de la mairie du village et j'apprends que le mécanisme de l'horloge est cassé - et va être réparé. Ce ne sont pas des Parisiens qui se sont plaints du boucan de la cloche.)
Le truc auquel je pense, là, juste maintenant, parce que j'ai faim, c'est à mon déjeuner. Probablement des tartines avec du fromage de chèvre et des poivrons grillés et marinés. Je vais déjeuner dehors (température ressentie, 20 degrés).
Hier soir, je n'avais pas complètement envie d'écrire. Je me serais bien laissée engourdir par le feu et peut-être maté une série sur Arte. Et puis, j'ai pensé, Tu es venue là pour écrire, écris au moins sur ton blog. Une journée où j'écris, j'éprouve ce sentiment de quelque chose d'accompli.
Une fois que j'étais lancée, j'ai eu envie de donner des détails.
Et plus ça allait, et plus je donnais des détails. Il y a cette joie d'être précise. Ajouter de la texture, me demander "comment ça se passe vraiment ?" et "comment je le dirais vraiment ?"
Je pourrais me dire, tout le monde s'en fout de ma p'tite vie à la campagne. Comme tout le monde s'en fout de ma p'tite vie à Malakoff. Et la plupart des gens, bah oui, s'en foutent. Et je n'écris pas pour la plupart des gens, j'écris pour celle qui, le matin, vient chercher sa dose. Sa tasse de café de Christie. (Pause jumelles, un vol d'oies passe en pialliant au dessus du village, faut que je voie ça !).
Et donc hier soir j'ai commencé à parler de la petite part de gâteau que j'enfournais en même temps que l'écriture, allé les petites parts, quand j'ai pensé, Mais je ne le dis pas comme ça en vrai, je dis Une part à la Rosa, parce que Rosa, elle était comme moi super gourmande et comme moi elle n'avait pas envie de se goinfrer sans s'en apercevoir, quitte à garder les calories 20 ans sur les hanches, elle avait envie d'en profiter, de les savourer ses calories (surtout que ma grand-mère, Grand-Mam, la maternelle, m'avait envoyé 3 ou 4 de ses recettes fétiches et elles ont bien facilité mon intégration !).
Et quelqu'un a remarqué. Toi Anne, tu as remarqué. Et peut-être d'autres avez pris quelque chose qui va vous servir. (Honnêtement cette recette est un miracle, oui elle contient beaucoup de sucre et alors ? On n'est pas obligé d'en manger tous les jours ni de se couper 15 parts à la Rosa).
Et ce matin en me levant j'ai trouvé ton petit mot Anne et je me suis dit, Ah ben, c'est pour TOI que j'écris. Toi qui perçois l'utilité des détours que je fais. De la peine que je prends à remplacer "petite part" par "part à la Rosa". Et c'est pour cette lectrice-là que j'écris, pour toi qui capte les détails, que je prends tant de plaisir à écrire. N'oublie rien ! me réclame une petite voix intérieure. N'oublie rien qui pourrait faire ses délices, ou l'intéresser, ou créer de la texture que elle pourra percevoir et apprécier.
Porter dans mon coeur une telle lectrice est un cadeau inestimable. Il y a un fil qui part de mon âme vers la tienne et ce fil je le tisse d'images et je suis tellement heureuse quand je sens que ce n'est pas en vain.
Bon appétit ma chérie chéri !
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