Je regretterai peut-être toute ma vie (ah ah, cette phrase, je me la dis TOUT LE TEMPS en ce moment) d'avoir manqué de courage relationnel avec Marie-Laure, la nounou de Chimène.
Marie-Laure est (était alors, on parle des années 2002-2005) une brune plantureuse, à l'accent de titi parisien, quelques années plus âgée que moi. Elle était assistante maternelle, c'est à dire qu'elle gardait Chimène chez elle, avec d'autres enfants.
Ce point n'était pas négligeable. Certes la garde n'avait pas lieu à la maison ; je ne voulais pas, j'ai eu trop d'angoisses de nounous quand j'étais enfant, de l'attendre, viendra, viendra pas. Et puis comme je travaille à la maison j'aimais l'idée d'être tranquille.
Et l'assistante maternelle c'est elle qui dicte ses conditions. Notamment les date de vacances....
Avec Marie-Laure, on a eu une relation en up et en downs. Elle était très contrôlante et jugeante (un jour elle m'a quand même sorti Vous voulez un deuxième enfant ? alors que vous vous occupez si mal de la première ?), et elle adorait Chimène. Et puis, malgré ou avec nos mauvais caractères, nous aimions beaucoup toutes les deux nos discussions le soir quand je venais récupérer mon bébé, puis ma petite fille. On avait passé chacune une bonne partie de la journée seule (ou pour sa part, avec de tr!s jeunes enfants) : on était contentes de parler avec un adulte. Chimène évidemment fulminait, elle avait envie de m'avoir pour elle toute seule..
Pendant deux ans et demi elle a été sa nounou... Et puis je suis tombée enceinte d'Alma ; Chimène avait envie de changer de formule car elle s'ennuyait chez Marie-Laure, alors on avait convenu qu'après la naissance d'Alma, je m'occuperais de Chimène le plus souvent, sauf deux après midi par semaine où on l'avait inscrite dans une halte garderie, destinée aux enfants de 2-3 ans, juste avant l'école.
Marie-Laure nous en voulait un peu de cette décision - et Chimène avait très envie de découvrir cette halte garderie où il y aurait plein d'enfants de son âge, et de rester avec moi et le bébé. Même si j'aimais beaucoup Marie-Laure, l'idée était de faire ce qu'il y a de mieux pour mon enfant...
Les semaines avant la naissance, j'ai beaucoup travaillé car je voulais boucler des dossiers avec mes clients, des chapitres (à l'époque j'aidais mes clients à écrire leurs livres), des pans de bouquins. Chimène allait encore tous les jours chez Marie-Laure... Un matin, elle se réveille avec un 38 de fièvre. Je lui donne une pipette de doliprane, et zou son papa l'accompagne chez la nounou... J'avais vraiment une grosse journée devant moi et je savais que le doliprane lui réussissait bien. Je savais aussi que Marie-Laure était très très sensible concernant la santé des enfants dont elle s'occupait - très sensible voire intrusive, elle m'avait raconté son conflit avec la maman d'une autre petite fille concernant une opération chirurgicale que Marie-Laure estimait nécessaire et pas la maman ! Donc moi je me dis, Si je la préviens que Chimène a de la fièvre, elle va me faire un sketch et je n'ai vraiment pas l'énergie d'argumenter avec elle au téléphone.
Paresse relationnelle.
Sauf que. La fièvre est remontée au cours de la journée, quand le doliprane a eu cessé de faire son effet. Marie-Laure, que j'avais négligé de prévenir, m'a appelée. Evidemment, son coup de fil est tombé alors que j'étais en plein milieu d'un rendez-vous avec ma cliente. Elle me dit "Votre fille a de la fièvre, venez la récupérer". Je lui réponds "Oui je sais qu'elle est malade, donnez lui une pipette de doliprane, ça va aller mieux" "Non, venez la récupérer" "Oui je viens la récupérer à 18 heures ce soir comme prévu, là je suis en train de travailler elle est au chaud chez vous on ira voir le pédiatre ce soir" "Ah, puisque c'est comme ça je vous dénonce à la PMI".
Et là j'ai vu rouge. Je n'avais pas envie de me mettre en colère devant ma cliente mais je n'ai pas pu me retenir ce cri étouffé "Vous ne me menacez pas. Je suis en rendez-vous là maintenant, donc vous vous occupez de ma fille et je viens la chercher à 18 heures, comme prévu." Et j'ai raccroché.
Il nous restait trois jours de garde après ce coup de fil. Quand je suis allée chercher Chimène le soir, la fièvre était en effet retombée et nous avons parlé comme si de rien n'était. Mais il y avait entre nous un voile. On s'est quittées à la fin de la semaine, cordialement. Mais elle savait qu'elle avait été trop loin dans sa rigidité et dans ses menaces. Et moi je savais que j'aurais dû prendre les 5 minutes, ou les 10, pour l'appeler le matin, la prévenir pour la fièvre de Chimène et le doliprane et que ça allait baisser et que j'avais prévu un rendez-vous chez le pédiatre le soir. Mais voilà, je ne l'ai pas fait et notre belle relation de deux ans et demi s'est achevée dans la colère et dans la tristesse.
Depuis, je me suis promis de ne plus laisser la paresse relationnelle prendre le dessus.
Et bon bien sûr, je n'ai pas toujours tenu cette promesse.
Ouf... Merci à toi de te raconter dans cet épisode. Surtout la conclusion qui nous dit: Je sais que c'est ça qu'il faut faire... et des fois... je ne le fais pas quand même. C'est tellement ça que je viens chercher ici, de l'eau à mon moulin pour comprendre mon humanité et arrêter de m'en vouloir à mort quand je faillis (souvent en fait) ou quand tout simplement, je ne sais pas faire mieux. L’idée ce serait donc, tendre vers le mieux pour soi et pour les autres. Et merci pour le billet sur cette question très demandée
Rédigé par : louchou | jeudi 20 octobre 2022 à 18:59
Ce billet + le commentaire de louchou = j'ai rien à ajouter :-)
Rédigé par : Milky/Bree | vendredi 21 octobre 2022 à 09:13