Hier matin, j'ai reçu un nouvel icebreaker (oui pour moi un icebreaker est un cadeau, il donne accès à des mondes), "quel est ton tiers lieu d'enfance ou d'adolescence préféré ?" Un tiers-lieu c'est à dire ni l'école, ni la maison.
J'ai tout de suite a/ eu envie de poser la question à la terre entière et b/ pensé à une multitude de réponses pour moi-même. Chez nos voisins du 5ème étage où je me sentais toujours bien accueillie... Dans mon cours de terre, avec Martine qui nous racontait des histoires... Au café, la Réunion, où on allait boire des.. cafés et mettre des disques au juke boxe, en seconde surtout... Sans parler du grenier de ma grand-mère, dans sa maison de Malakoff, où je pouvais farfouiller des heures... puis je redescendais dans la chambre de ses enfants grandis, l'avaient-ils jamais habité cette chambre ? Oh pièces, oh maison pleine de mystère !
Oh la la que je les ai aimés ces lieux de liberté, d'accueil, ces lieux fugaces où une autre manière d'être était possible ! Ces lieux où je ne m'ennuyais jamais, ne me disputais jamais, n'étais jamais grondée ! Ces lieux où mon être au monde était JUSTE.
Mais le premier endroit auquel j'ai pensé, ça a été la bibliothèque de Madame Willocq.
En vrai c'était la bibliothèque de Fontenay le Fleury, la ville où j'habitais enfant et adolescente. Madame Willocq, la mère de ma copine Floriane, était responsable de la section jeunesse. Vers 12-13 ans, quand je m'ennuyais, le mercredi après-midi, j'allais à la bibli. Je n'étais pas très bien intégrée dans ma classe. A la maison, le climat était compliqué.
Madame Willocq, elle, avait toujours l'air heureuse de me voir arriver.
Elle avait toujours une idée de livre pour moi - et à chaque fois, le livre qu'elle me conseillait me plaisait.
Elle ne s'est jamais trompé.
Elle choisissait pour moi des histoires d'adolescentes un peu perdues... sans doute que toutes les adolescentes le sont, mais avec mes copines je ne partageais pas sur ces sujets-là. Je me sentais vraiment seule, et les livres "de Madame Willocq" m'ont aidée à me sentir comprise, à une époque où je ne pouvais me livrer ni à l'école où je n'avais plus d'amie intime, ni à la maison (mes parents avaient d'autres chats à fouetter, et mon frère encore enfant m'en voulait de devenir adolescente, nous vivions ce chiasme que vivent tous les frères et soeurs quand l'un a quitté la rive de l'enfance et l'autre y est encore tout à fait).
Madame Willocq a-t-elle senti tout cela ?
En tout cas elle m'a donné l'accueil simple et chaleureux, sans attente, dont j'avais besoin sans le savoir. Et elle m'a donné les livres qui m'ont aidée à traverser cette époque d'entre deux, mon petit frère me reprochait de grandir mais j'étais petite encore, très bébé et ma puberté a été tardive, bref rien n'allait, je n'allais plus nulle part - et dans son antre lumineux tapissé de livres, j'avais ma place. Et elle m'y a accueillie et guidée.
Madame Willocq, Dieu vous bénisse !
(Ah oui et alors... et toi ma chérie-chéri... c'était quoi ton tiers lieu chouchou de l'enfance ?)
Et ce texte. Il me vient au moment où justement ça me manque, pour écrire, pour travailler, un tiers-lieu.
Quoique. J'ai l'église pour réfléchir et prier. J'ai le dojo des cours de yoga. Mais pour écrire, où, où ?)
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