Parfois je me demande ce qui nous a rapprochés, je me demande aussi ce qui nous tient ensemble.
L'une des réponses, parmi tant, est l'amour des mots. La famille de Nicolas et la mienne sont celles que je connais le plus intimement, alors je ne sais pas vraiment ce qui se passe à l'intérieur des autres familles, mais du côté de mes deux parents, et du côté des deux siens, on aimait ça, jouer avec les mots.
Quand nous nous sommes rencontrés, nous avions 17 ans et une langue déjà bien à soi, héritée de nos familles. Lui plutôt du côté lyonnais et moi un mélange de coloniale + Bretagne + Japon. Là où mes ancêtres et moi avions vécu, quoi. Et nous, chacun, qui avions déjà une langue bien fournie, quel n'a pas été notre émerveillement de s'apercevoir que l'autre parlait une langue familiale très différente ! Enfin, avec des particularismes qui n'étaient qu'à nous.
En prépa et à HEC tous les deux, nous avons commencé à parler les langues de ces deux microcosmes. Puis après moult péripéties nous avons décidé de nous marier, et mis en commun nos patrimoines linguistiques. Ainsi "à dache" ou "c'est à manger à quatre pattes" fait à présent partie de MON vocabulaire aussi ; et "reste pas planté au milieu de la paroisse" et "on n'y voit que couic", ont commencé à faire partie du sien.
Et puis, et puis, la vie ensemble, les voyages, les films et les séries, l'arrivée et les mots de nos filles, nos blagues, les bouts de magazines ou de comptes Twitter que l'on se lit... tout ce croquant s'est aggloméré dans notre langage. Nous sommes les seuls, les deux seuls à le comprendre - par exemple quand je suis très fatiguée, je prends un mot pour un autre et Nicolas comprend qu'un magnum veut dire un médium, ou un traiteur veut dire, ah ben je ne sais plus. Peut-être un traiteur !
Je suis très attachée à ce langage de nous deux d'abord et des filles ensuite, filles qui petit à petit tissent de nouveaux codes verbaux avec leurs amis et quittent leur port d'attache langagier. Ou du moins l'enrichissent, gonflent leurs voiles de mots et d'expressions compréhensibles d'eux seuls, chaque fille et ses amis.
Oui c'est l'une des choses qui m'effraie quand je pense à une possible vie sans Nicolas, où passerait notre langue à tous les deux, celle qui ne peut exister qu'entre nous ?
Bonne journée, ma chérie-chéri !
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