Oh la la, que je regrette ce temps où j'étais la reine des lettres !
Quand on me demande à quoi j'ai passé mon adolescence (personne ne me le demande en fait !), je réponds (si on me le demandait, je répondrais) : de 11 à 39 ans, j'ai écrit des centaines, des milliers de lettres bien troussées. Oui, c'est une vision un peu large de l'adolescence. Cette période de correspondance intense a pris un sérieux coup dans l'aile quand. Quand j'ai arrêté de bovaryser et ai décidé d'entrer pleinement dans ma vie avec moi ; elle s'est arrêtée aussi quand j'ai commencé l'écriture de Aujourd'hui, je choisis la joie.
Aujourd'hui, quand j'écris une lettre, ou un mail, destinés à une seule personne, j'écris rapide, sec, efficace. Je m'efforce de mettre de la chair, de la tendresse - mais c'est par gentillesse, par politesse. Je pense à ceux que j'aime, ils m'habitent, je suis heureuse de les voir, de leur parler au téléphone - et à présent j'ai du mal à leur écrire.
Avant la classe de première où j'ai été très malheureuse, il y a eu la classe de seconde où j'ai appris plein de trucs et ai vraiment bien rigolé. Ma classe, la 2nde7, était trop trop trop chouette. C'est là que j'ai connu Pierre... et aussi, Audrey. Nous avons été, pendant un mois, très très bonnes copines. On passait la journée assises côte à côte à un pupitre de deux, dans le 2ème tiers près du fond de la classe, et nous bavardions non stop, soit par oral, soit avec des petits mots. Peut-être que les profs ça les agaçait, et puis ce n'était pas très juste pour Audrey car moi, j'étais assez bonne élève mais elle avait plus de mal à suivre, la preuve, elle a fini par redoubler sa seconde. Bref nous n'avons pas dû rester côte à côte très longtemps, mais pendant le mois qu'a duré notre tocade, on s'envoyait des petits mots, on passait toutes nos pauses ensemble et ça ne nous suffisait pas - le soir venu, nous nous écrivions de longues missives sur des copies doubles.
Aujourd'hui mère d'adolescentes dont l'une surtout passe une partie de ses soirées à tchatcher sur What's App ou Instragram avec les copines avec lesquelles elle a passé la journée, je me demande Mais qu'ont elles ENCORE à se dire ?
Et la moi adulte se demande la même chose à propos de la moi adolescente et Audrey, mais que trouvions-nous à nous écrire après avoir passé toute la journée dans la même salle de classe, caillé dans la même cour de récréation, erré dans les mêmes couloirs, et chipoté devant la même assiette viande en sauce brun - rouge mystérieuse - frites cartonneuses ?
Je n'ai pas de réponse factuelle à cette question, et je me souviens de l'entrain que j'avais à bleuir ces copies-double à l'attention d'Audrey plutôt que d'apprendre des théorèmes ou réviser l'influence de Voltaire sur la France au XVIIIème siècle.
Et le lendemain matin, quel plaisir de s'échanger des enveloppes bourrées à craquer ! Audrey était aussi marrante à l'écrit qu'avec moi. A un moment d'une de ses lettres, elle me dit Bon je dois m'arrêter pour aller pisser, je te ramène un échantillon ? La moi de 15 ans a trouvé cette proposition tellement drôle, qu'elle s'en souvient encore 32 ans plus tard.
Et puis voilà. Juin est arrivé, les conseils de classe, j'avais trop rien suivi en classe de physique et je ne pouvais pas aller en 1ère S comme le voulaient mes parents, ils ont demandé la voie éco pour moi ; quant à Audrey, on lui a proposé de redoubler sa seconde. C'était présenté comme une chance, deux de nos amis, Pierre et Jocelyn, qui avaient déjà redoublé une classe, ont carrément été invités à intégrer un autre établissement. Nous avons été séparés, chacun pas du tout satisfait du tour que prenaient les évènements, nous nous sommes sentis, le gros des troupes de la 2nde7, comme des cigales qui en avaient bien profité et à qui on demandait brutalement de devenir des fourmis.
Ça a valu le coup, quand même, cette année de cigales, même si nous sommes plusieurs à l'avoir payé cher.
J'étais aussi une épistolière, surtout entre 10 et 20 ans, puis par périodes. Ce bonheur immense d'écrire et de recevoir des lettres ! Il peut encore m'arriver (bien plus rarement) d'écrire de très longs courriels. Ce n'est pas pareil, même si j'y mets tout mon coeur. Le choix du papier à lettres, du timbre, l'attente, la relève frénétique de la boîte aux lettres...
Je suis heureuse d'avoir grandi sans les réseaux sociaux ; et d'avoir lu frénétiquement au lieu de passer du temps sur internet comme trop souvent aujourd'hui. Même si on peut trouver des trésors sur le net, et si cela a considérablement simplifié les recherches.
Tes récits de lycée sont assez tristes. La première et la terminale ont été les deux meilleures années de ma scolarité, dans mon souvenir.
Tu me donnes envie de me procurer "Aujourd'hui je choisis la joie", dont tes lectrices disent tant de bien !
Rédigé par : Emilie | mercredi 16 février 2022 à 16:13
En rangeant les affaires de nos parents {en vidant leur appartement...^^}, j'ai retrouvé des tas de lettres envoyées par mon frère, mes soeurs et moi, dans lesquelles on évoquait nos vies...Ce furent quelques uns des rares moments de joie de cette opération si particulière...J'ai aimé retrouver toutes ces lettres! {oui, je suis vieille donc génération "lettres"!}.
Et toi, tu les as gardées ces lettres reçues??
Rédigé par : Sophie/Snödroppe | jeudi 17 février 2022 à 10:33
oui je les ai gardées ! dans une grande cantine militaire de mon grand-père. Et puis mes parents ont refait la déco de la maison.. ils m'ont demandé de vider la cantine.. j'ai emmené les lettres avec moi.. et je les ai perdues !! Story of my life.
Rédigé par : Christie | jeudi 17 février 2022 à 10:40
Oups!...That's life!
Rédigé par : Sophie/Snödroppe | jeudi 17 février 2022 à 12:30