Alors cette histoire de spécificité.
Ajouter les bons détails. Et même et surtout les détails incongrus, les petits histoires de derrière les fagots. T'sais, celles qui apparemment n'ont pas de rapport avec le sujet général, mais on a envie de les raconter quand même, sans savoir pourquoi mais il y a une raison sans doute, ce sera une digression pas trop longue, ou bien, au contraire, une histoire qui a un rapport et j'ai envie de lui donner le plus de granularité possible à mon histoire, les détails, les bons détails, j'aime bien ce mot, granularité, "l'histoire que je te raconte, le détail que je te donne, il est pour te permettre d'imaginer mieux le grain de la peau, le grain du paysage, le grain de la voix."
Donner de la précision. Ça demande de vraiment aller chercher loin en soi, "ça me fait penser à quoi ?" "C'est quoi, l'image précise que je vois ?" A cet instant défilent dans ma tête les champs de blé de mon adolescence au moment où ils sont déjà hauts mais encore verts, vert tendre, vert champs de blé, lorsqu'il y a du vent, même un tout petit souffle, le champ ondule, comme si le vent passait sa main sur la peau du champ pour le caresser, comme si le champ était devenue une mer, une mer verte, toute douce.
En l'écrivant, je m'y transporte, et peut-être que tu t'y transportes avec moi. En te racontant les champs de blé de mon enfance et de mon adolescence, je prends aussi le risque de t'offrir un bout de mon âme, je me dis que peut-être à travers l'évocation de ces champs tu peux y lire mes longues promenades avec Natacha, sa chienne labrador Bahia la goulue et ma chienne fox terrier Bibi la doudouce. Peut-être entends-tu les secrets que nous échangions, nos peurs, nos questions, nos danses folles dans le vent. Et puis, l'intimité partagée avec mes amoureux dans ces mêmes champs, tantôt joyeuse, tantôt awkard.
Leur beauté avant qu'ils ne blondissent, à mes champs, vaut en elle-même ; elle vaut aussi pour tout ce qui dans ma mémoire s'y rattache. Et peut-être que tu as une mémoire de conversations profondes et gaies ou tristes dans une nature familière et aimée ; peut-être que tu aimes faire l'amour dans la forêt, près d'une rivière, sur une plage, dans les champs.
Les détails. Une image précise. A la fois ils m'égarent, et à la fois ils m'amènent à l'endroit où peut-être je devais me trouver aujourd'hui. Je fais confiance à mon écriture, c'est elle qui sait.
Les détails. A la fois ils m'exposent, livrent de moi une vérité personnelle et précise ; et à la fois, ils sont, j'imagine, un trait d'union entre mon âme et la tienne.
When in doubt, put it in. Il sera toujours temps, à la relecture, d'approfondir l'image, de lui donner plus de précision, d'ajouter un détail ; ou bien au contraire, temps de l'ôter, de couper, parce que finalement je n'assume pas, ou bien, parce qu'elle m'éloigne un peu trop loin de mon sujet.
Mais en général les incongruités détaillées, je les laisse. Je les laisse parce qu'elles m'enchantent et que cet enchantement se répand dans toute l'histoire. Et c'est aussi pour elles que je suis ensuite, remerciée par les lecteurs qui aiment ce que j'écris.
Bon après-midi, ma chérie-chéri.
Tres beau texte, qui me transporte avec toi dans les champs de blé de l'adolescence et m'evoque cet extrait de Les vrilles de la vigne de Colette : " J'appartiens à un pays que j'ai quitté...". Les souvenirs, le manque de lieux familiers (je suis expat), et d'êtres aimés qui ne sont plus, les détails.... c'est la vie! 🙂
Rédigé par : Emilie | vendredi 21 mai 2021 à 19:35
c'est beau cette phrase de Colette... merci chère Emilie
Rédigé par : Christie | lundi 24 mai 2021 à 16:56