Je ne sais pas qui m'a parlé de Daniel Pennac.
Parfois Maman "nous ramenait des livres à la maison" et c'est peut-être bien elle qui m'a mis le premier volume de la série Malaussène dans les mains. Non en fait j'ai commencé par le deuxième tome, La Fée Carabine, ce n'est qu'après que j'ai lu le 1er, puis le 3ème, et après je me suis arrêtée, je ne sais pas pourquoi, je croyais qu'il avait terminé Pennac, et en fait non.
Bref. Aujourd'hui je suis une lectrice compulsive, je fume plusieurs livres à la fois, je me sers du mégot du livre précédent pour allumer le livre d'après. Mais jeune fille, l'information au sujet des livres susceptibles de me plaire ne circulait pas aussi librement qu'aujourd'hui, nous avions aussi de nombreuses lectures imposées par l'école ce qui me rendait folle de colère - conjuguer le verbe lire à l'impératif m'est insupportable. Et puis je détestais les choix de mes profs, soit très rasoirs, soit pas du tout au bon moment. Bref. J'avais des longues périodes sans lire, où je me sentais éloignée de mes plus fidèles amis, ceux qui sont là quand personne d'autre ne répond à l'appel ; et parfois même les livres et moi on ne se trouvait pas.
Et donc Maman je crois, me met La Fée Carabine entre les mains. "C'était l'hiver sur Belleville et il y avait cinq personnages. Six, en comptant la plaque de verglas. Sept, même avec le chien qui avait accompagné le Petit à la boulangerie. Un chien épileptique, sa langue pendait sur le côté." En quatre phrases, il m'avait embarquée l'animal, dans sa saga familiale et un peu policière, avec amour, humour, suspense, liens compliqués, Génie.
Les vacances de Pâques arrivaient et je suis partie à Belle-île. Je ne sais plus pourquoi, je me retrouve seule au grenier (qui logeait 4 lits), sans doute qu'on était assez peu nombreux pour pouvoir se répartir dans les autres chambres de la maison. Dans la maison de mes grands-parents, on pouvait dormir jusqu'à 17 ! Bref, j'étais seule au grenier, grande pièce lambrissée sous les combles, seule avec ma fée carabine. Et je pouvais lire jusqu'à pas d'heure, personne ne ralait pour la lumière. A Pâques ça caille à Belle-île, Grand-Maman m'avait donné une couverture de plus et j'en ai piqué sur les autres lits, elles grattaient et je devais tirer le drap sans cesse sur mes épaules, et j'aimais bien leur odeur d'humidité, leur poids sur mon corps, ma préférée était celle que j'avais disposée au dessus, un assemblage de carrés multicolores tricotés au crochet.
Mes yeux piquaient, mais je voulais savoir la suite. Je voulais aller faire pipi, mais les uniques toilettes de la maison étaient au rez-de-chaussée, il fallait sortir de dessous ma montagne de couverture, descendre l'escalier, traverser le salon sonore pour arriver enfin aux toilettes glacées et puant le grésil. Et puis, j'avais peur, de je ne sais plus quoi mais peur de quelque chose dans le livre, l'histoire me retenait, la seule chose que j'étais capable de faire c'était de tourner les pages, me frotter les yeux, et continuer à lire, en pestant contre l'envie de pisser et le froid et contre cet auteur qui me rivait à ses pages alors qu'il était.
Merde.
5 heures du matin !
Ma vessie allait exploser, j'ai bravé le froid et la trouille, et la flemme, me suis extirpée de la montagne de couvertures pour filer aux toilettes. Brrr, le carrelage froid sous mes pieds. En revenant dans la chambre, retrouvant le creux encore chaud des draps, je me suis décidée à éteindre la lampe de chevet. Avant de m'endormir m'est venue cette pensée. Le mec qui me rivète à son livre, dans un lit humide, jusqu'à 5 heures du mat. Tout ça par la force d'une histoire bien racontée. Mais c'est ça, c'est ça que je veux faire de ma vie !
Je ne suis pas devenue Daniel Pennac. Et forte de cette nuit inconfortables sous la montagne de couvertures, passée à tourner des pages en me demandant ce qui allait encore arriver comme tuile à Benjamin Malaussiène, j'ai consacré une partie non négligeable de ma vie à travailler pour apprendre à raconter mes histoires - tenter de leur rendre justice, me hisser à leur hauteur. J'y suis toujours.
Tellement Christiesque, ce Pennac. Chaque fois que je le lis, je pense à toi. Ta rencontre avec des livres ne pouvait que se transformer en histoire d’amour!
Rédigé par : Steph | mardi 25 mai 2021 à 13:39
Génial Pennac! Personellement, j'ai commencé l'été après le bac de français et découvert à ce moment là le plaisir de la lecture. Très exactement juste après que ca ait fini d'etre une discipline scolaire, une injection autoritaire, une corvée...
J'aimerai bien que mes enfants le lisent, mais vivant aux Etats-Unis, c'est difficile de leur faire lire le français (je vais regarder s'il a été traduit...)
Rédigé par : Nicolas | mardi 25 mai 2021 à 15:31
Et tu sais que Pennac je l'ai rencontré à une soirée, et je lui ai raconté cette histoire de lecture glacée jusqu'à 5 h du mat, et on a ri, et ça m'a fait du bien !
Rédigé par : Christie | mardi 25 mai 2021 à 17:41
Je n'ai pas lu cette série.
Mais j'aimé son livre sur le corps, si fort, si beau.
Et comme à chaque fois que je tombe en amour pour un livre, j'ai peur de livre ses autres livres pour ne pas être décue.
Mais là, bon, je réfléchis...;)
Rédigé par : Cloudy | mercredi 26 mai 2021 à 21:02
Oh la là ben moi c’est le contraire je n’ai pas osé lire Journal d’un corps ! Au bonheur des ogres tu sais le 1er de la série je l’ai offert à un tas d’amis pour les remettre à la lecture et ils ont adoré .
Rédigé par : Christie | mercredi 26 mai 2021 à 22:24