Avant d'écrire ce texte, who features a person dead since October, 2003, je lui demande à cette personne, à ce garçon, I met him as a boy, à cet homme, il est mort alors qu'il venait d'avoir 30 ans, il est mort de mort non élucidée en "réparant une ampoule" dans sa chambre de jeune homme qu'il avait réintégrée chez ses parents, suite à une suite de malheurs professionnels et personnels. Pierre. Mon amour, mon ami, mon poète maudit, guide ma main, mon coeur, ma mémoire, dans ce que je m'apprête à écrire.
Ce texte, ça fait 3-4 jours que je tortille du cul pour l'écrire (bon le chic ça va rester vestimentaire !), mais à présent, si je te sens, si je sens ta présence compacte et dense près de moi, disons à quelques centimètres de moi, j'éprouve bah oui j'éprouve le même frisson que lorsque
Je suis assise juste derrière toi. Nous sommes, en cours d'allemand probablement (le probablement sautera probablement à la relecture, mais là j'ai besoin de me laisser hésiter, parce qu'en vrai je ne suis plus très sûre); ce cours d'allemand est celui où nous sommes le plus vivants, parce que la prof, la prof ! un numéro, une épaisseur elle aussi, physique (elle est grosse, ses chevilles la portent avec peine), mais surtout humaine, d'intelligence, de clairvoyance, d'humour, si je me suis ennuyée une minute dans l'un de ses cours c'est que je devais être crevée. Nous sommes en cours d'allemand, sous la merveilleuse et un poil sadique férule de Geneviève Martorella, toute la classe participe parce qu'elle a ce don-là, de même pas avoir besoin de venir nous chercher, mais elle nous donne envie d'être présents.
Pierre. Je suis assise derrière toi, ce qui est extraordinaire parce que d'habitude tu t'installes tout au fond de la classe. Peut-être que tu es arrivé en retard et que toutes les "bonnes" places étaient déjà prises ; peut-être que tu m'as vue déjà installée et tu as eu envie de t'approcher de moi. Je vois bien que je t'intrigue, avec ma dégaine de gros bébé mal dégrossi mais pas exempt de profondeur. Et toi, toi, oui bien sûr que tu m'intrigues, avec tes yeux d'un bleu pâle qui regardent avec intensité, avec ta voix très grave dans laquelle perce un sourire et alors c'est l'explosion de joie, avec ta peau si blanche, avec tes cheveux noirs et ton total look noir - sauf les chemises, blanches. Tu n'es pas très grand mais ta présence, tout le monde le voit, le sent quand tu es là, ou pas là. Enfin, peut-être c'est une idée que je me fais parce que oui, ces dernières semaines tu es devenu important pour moi, et donc, toutes les fibres de mon être (ouais c'est méga cliché cette expression mais je ne sais pas le dire autrement, c'est tout mon être qui est tendu vers le tien) se tendent à ta présence, je ne sais pas pourquoi.
Je suis assise derrière toi et je regarde ton cou, ton cou très blanc, massif, sur lequel se dessine la pointe de tes cheveux. Je voudrais être ce cou, je suis ce cou, j'embrasse ton cou (avec mes yeux, hein, ma bouche elle jamais ne se posera autre part que sur tes joues, pour la rituelle bise. Ce cou, on le touche avec ses yeux).
Au départ je t'ai détesté, je ne sais pas pourquoi, et aujourd'hui je t'aime, qu'est-ce qui a changé ? Et bien entre les deux tu m'as écrit une lettre, une enveloppe à l'écriture bleu penchée est arrivée à la maison et c'était toi qui m'écrivais, tu me disais que tu n'arrivais pas à me déchiffrer et qu'à la fois ça te chiffonnait et à la fois ça te charmait et, cela m'a plu d'être ainsi regardée par toi.
Chaque jour je me dépêche d'arriver au lycée en espèrant qu'il va se passer quelque chose (quelque chose de plus que mon incandescence quand tu es là). L'autre jour j'ai mis du crayon bleu marine sous mes yeux, ça rehausse le pourtour bleu marine de mon iris verte, et puis mon pull vert à même la peau, sans t-shirt ni chemise en dessous, juste le pull sur ma peau (bon, ça m'a grattée toute la journée), et quand elle m'a vue partir Maman m'a dit, avec une moue dégoutée, On dirait une pute.
Moi, ça ne me choque pas à 15 ans de changer quelque chose dans mon apparence pour tenter de plaire au garçon que j'aime. Je ne vois pas en quoi ça pute.
Sans doute tu as remarqué quelque chose, sans doute tu as prononcé quelques mots, tes yeux bleus je leur prête le pouvoir magique de tout remarquer... Mais ça n'est pas assez, pas assez, avec toi je ne suis pas certaine de ce que je veux mais je veux davantage, ça c'est certain.
Il y a ce jour où tu m'as proposé d'aller au café. Nous n'étions pas tous les deux tous seuls, pas juste toi et moi et en un certains sens ça m'a soulagée. Non il y avait les autres et j'étais contente d'être au milieu de tous, et avec toi, à la Réu. La banquette en skaïe rouge sombre. Le juke boxe. Boire mes premiers cafés, parce que c'est ce qu'il y a de moins cher. Quand je lui ai raconté que j'allais au café avec des amis de ma classe, ma grand-mère m'a dit, le sourcil froncé, Ça ne se fait pas.
Moi ça ne me choque pas, à 15 ans, de passer du temps au café pour tenter mieux connaître des personnes qui me plaisent.
Et donc dès ta première lettre j'ai commencé à t'écrire dans ma tête. A t'écrire en permanence, un robinet que seul le sommeil éteint et encore, la nuit je rêve de toi.
Certaines de ces lettres, je les ai écrites "en vrai", avec mes mains, un stylo plume et du papier, écriture bleue sur papier blanc, mais pas penchée, pas du tout penchée comme la tienne.
Certaines de ces lettres, je te les ai envoyées, chez toi sans doute au Mesnil Saint Denis, ou peut-être remises en main propre à l'école, ou peut-être que ça a dépendu des fois. Mais je me rappelle de ta réponse à la première lettre que je t'ai donnée - celle qui suivait ta première lettre, la lettre qui (pour moi) a tout changé.
Tu m'as dit, J'ai rien compris.
Pierre irradie de présence sous ton texte. Et tu as le don de me donner envie de savoir la suite et en même temps non, de rester là, ainsi, avec cette chute, cette lettre, ces 4 mots.
Rédigé par : Emmanuelle | mercredi 24 mars 2021 à 20:52
oh merci Emmanuelle ! comme tu peux lire, c'était un personnage ! je pense que toute la classe de 2nde1 se rappelle de lui. Gros baisers, C
Rédigé par : Christie | jeudi 25 mars 2021 à 18:07