Coucou ! je suis partie accompagner une semaine Alma et son amie Louise, dans leur première semaine de vacances, et nous sommes toutes les trois dans la grande maison bourguignonne, ma Bourgogne d'adoption le Clunysois, où je me rends depuis 20 ans, avec mon fiancé, puis mon mari, puis un bébé, puis une petite fille et un bébé, puis mes grandes louloutes, et toute la famille de Nico. Mais là nous sommes toutes les 3 avec Hush et la nature dorée. Je t'écris assise sur mon lit, dans ma chambre aux tentures rayées bleu et blanc, tout du bout du deuxième étage de la maison (le grenier), tandis qu'en bas, dans le four, cuit la tarte à la tomate dont nous allons nous restaurer au déjeuner, accompagnée d'une salade croquante à la menthe et aux échalotes.
Je pourrais te parler pendant des heures de mon carnet bis, celui dont je me sers lorsque j'écris un livre pour y noter à la fois mes idées et mes états d'âme. Je suis tombée amoureuse de cette pratique. La première raison en est que malgré les milliers de preuves que j'ai qui me disent le contraire, j'ai le sentiment de l'avoir inventée. I mean, ils sont légions les carnets d'artistes et d'écrivain, ceux où ils font leurs recherches, leurs croquis, prennent en note ce qu'a dit la boulangère ou leur fils au petit déjeuner, en vue de s'en resservir. Et pourtant - il me semble que cette pratique c'est moi qui l'ai inventée, parce que personne ne m'a dit Fais ça, fais comme ça." Et j'ai beau être très reconnaissante à tous les conseils que j'ai reçus à propos de l'écriture, j'ai beau aimer en donner moi-même, y'a pas à dire, un outil qu'on invente ou réinvente - ben moi en tout cas ça me rend fière. (Et d'ailleurs, les outils que l'on me transmet et que j'adapte à ma sauce, ben ce sont mes préférés et ceux que je garde pendant très longtemps, car j'y ai mis quelque chose de moi. Par exemple j'ai découvert l'application de questions de Danielle Laporte, Conversations Starters, et je l'utilise quand j'ai besoin de booster mes pages du matin ; et à d'autres moments j'ai utilisé l'une des propositions du livre d'Anne-Marie Jobin, Le journal créatif, pour dessiner mes questions et mes réponses, leur donner une expression graphique ou colorée.
Non, comme "à chaque fois" (que j'ai progressé dans ma pratique d'écriture), j'ai rencontré une difficulté et l'ai dépassée.
Marie Bousquet et moi sommes alors en train d'écrire 35 repères pour mieux travailler de chez soi. Je suis dans la salle de formation de son atelier, la belle salle peinte en mauve dans laquelle nous tenons nos rendez-vous de coordination et d'écriture. Je discute avec elle du programme d'écriture du jour, et du temps que l'on a (en général, deux heures), et je me mets à écrire. Le plus souvent, en deux heures, le travail est fait. J'adore échanger des idées et du soutien, et être cadrée par la présence de Marie, et c'est très efficace, pourtant un jour je m'aperçois que j'ai envie d'écrire au sujet du livre, des propos "hors sujet". Je ne suis pas par principe opposée au hors sujet, et même souvent je trouve que les hors sujets viennent pimenter un texte. Mais dans un livre écrit à deux, c'était bizarre de parler de mes émotions à moi, de ma difficulté à écrire ou à structurer ce livre (pour lequel Marie, Joanne notre éditrice chez Leduc et moi, avons mis longtemps à trouver une structure qui fonctionne). Et pourtant, avant de me mettre à l'écriture du texte même, j'ai besoin d'exprimer ce ras-le-bol et mes questions.
Autre problème ; pendant que j'écris sur un sujet, par exemple "travailler au café", des idées me viennent sur un autre sujet, par exemple, "comment je gère mon énergie alors que je n'ai ni collègue, ni patron pour me stimuler ?" Il n'est pas question d'arrêter d'écrire le chapitre en cours pour en commencer un autre, mais pas question non plus de perdre la merveilleuse idée qui vient de me voleter à travers mon ciboulot (sinon c'est mort soit je mettrai des plombes à la retrouver, soit je ne la retrouverai jamais). Que faire ?
C'est donc un beau jour chez Marie que j'ai décidé, Il me faut un livre bis, un endroit d'écriture où je puisse parler du livre en train de s'écrire. Ainsi dans le carnet je pourrais y attraper les idées qui peut-être auront leur place dans le bouquin, toutes développées et belles. Et je pourrais y noter mes peurs que le livre soit nul, mes frustrations que ça prenne tant de temps à s'écrire (puis que ça se termine bientôt l'écriture et nos rendez-vous avec Marie), ma colère de pondre un texte aussi médiocre, ma joie de demander à Mai Lan de l'illustrer...
J'ai pris un carnet assez fin, pensant que ça suffirait. Et puis j'avais tellement de trucs à propos du livre mais pas dans le livre, à exprimer, qu'un deuxième carnet s'est avéré nécessaire.
Et c'est devenu ma norme : je noircis deux carnets bis par livre que j'écris. Je les choisis de petit format, aisément trimbalables dans un sac partout où je vais (on ne peut pas savoir quand va nous visiter une idée). Je pose toujours mes questions, mes peurs, mes idées, mes dilemmes. Et le processus se raffine... depuis le dernier livre, Changer avec le kaizen, j'utilisais mon carnet bis aussi après chaque session d'écriture, pour réfléchir à ce que j'allais écrire le lendemain - et le lendemain en repartant, parfois avec envie et parfois avec l'envie de faire complètement autre chose, je pouvais m'appuyer sur les notes de la veille, les étoffer et compléter avec une idée qui m'était venue entre temps, et pof, le travail du jour était amorcé.
L'autre chose nouvelle ou que j'imagine nouvelle, c'est que maintenant pour marquer à mon cerveau et à moi le commencement d'un livre, hé bien la première chose que je fais c'est de choisir et de commencer à écrire dans un nouveau carnet. Le carnet bis du livre. J'y colle le sommaire (que j'imprime en plusieurs exemplaires pour l'avoir partout, collé sur le mur, dans mon agenda, dans le carnet bis - c'est d'ailleurs compliqué de garder la bonne version à jour, parce que, comment te dire, le plan évolue de jour en jour. - Ah tiens, je pourrais parler des compagnons de route ! ou au contraire, -Oh finalement parler du mensonge, je ne le sens plus j'ai envie de supprimer ce chapitre. Donc il y a le sommaire "qui évolue", avec les chapitres écrits qui sont stabilobotés, les chapitres annulés qui sont rayés et les chapitres ajoutés, ben qui sont ajoutés à la main.
Par l'entremise de mon carnet bis, j'avance tranquillement avec mon livre. Et lui... comme un bon chien... ne me quitte pas lorsque le manuscrit part rejoindre l'éditeur pour être radicalement transformé. Lui reste avec moi quand le livre rejoint les mains et les coeurs de milliers de lecteurs.
Je les ai tous gardés mes carnets bis - ils sont au milieu d'une pile dans un coin de mon bureau, ou un coin du dressing, ou un coin de la cave. Un jour, je les retrouverai, je les rassemblerai et je les relirai. Et on verra bien.
Et je chéris à côté de moi le nouveau carnet bis, je l'ai choisi épais, à la couverture en carton turquoise avec des ronds blancs. Il est le témoin tangible de l'existence ténue et désirée, de mon prochain petit qui se construit un mot après l'autre, dans mes rêves et sous mes doigts.
Bonne journée, ma chérie-chérie ! Je sais que c'est moi qui l'ai inventé mais... toi, tu utilises un carnet bis ?
J'aime beaucoup les carnets et les cahiers, j'en ai pour plein de choses différentes, des carnets de bord/cahiers d'exploration (j'y réfléchis notamment à mes projets professionnels... mais pas que), des cahiers où je note les livres lus avec des citations et parfois un commentaire, un carnet pour les morning pages quand je les fais (une fois tous les 36 mais depuis des années maintenant), etc., etc. J'ai un faible pour la papeterie d'un éditeur/imprimeur français, les éditions des Correspondances (jette un oeil). Ils font appel des illustratices/teurs qui me plaisent beaucoup.
Rédigé par : Emilie | mardi 23 juin 2020 à 15:19
ah c'est chouette Emilie que tu aies trouvé tes carnets de coeur ! je tatonne toujours... et à la fois, j'aime bien varier les styles de carnets !
Rédigé par : Christie | mardi 23 juin 2020 à 19:00
C'est un peu moins poétique qu'un carnet bis, mais au fil des traductions j'ai rôdé un fonctionnement dans un fichier que j'ouvre toujours en même temps que le Texte, et qui s'appelle "suivi_Texte".
Au départ c'était un tableau avec des cases que je coloriais au fur et à mesure de l'avancée (en ligne, les chapitres, en colonne, les étapes, traduction, relecture, re-relecture), petit à petit ça m'a pesé, alors ça s'est bordélisé et transformé principalement en annexe de journal intime, où je note certes des questions de trad, des références, des expressions à trouver, mais aussi mes états d'âme (dans l'espoir de m'en débarrasser pour me concentrer sur le travail, j'avoue ça ne marche pas aussi bien que j'aimerais, mais ça marche un peu quand même).
Et c'est là aussi que j'écris des ébauches de textes destinés à mon compte IG. Là aussi c'est dans l'espoir de m'en débarrasser pour me concentrer sur le travail, bref tu l'auras compris le travail consiste pour plus de 50% à lutter contre moi-même plutôt qu'avec le texte à traduire ! (pardon pour ce pavé, guess what je suis encore en train de procrastiner)
Rédigé par : Milky/Bree | jeudi 25 juin 2020 à 11:19
mais ce n'est pas un pavé ! et c'est passionnant ! J'adore ta phrase qui dit que 50 % du travail consiste à lutter contre soi-même.. 50%, c'est pas beaucoup !
Rédigé par : Christie | jeudi 25 juin 2020 à 11:34
Oh c'est plus que 50% je pense... Et c'est vraiment trop, parce que contrairement au travail créatif qui d'une certaine manière me nourrit, ou en tous cas m'apporte de la "bonne fatigue", cette lutte ne fait que me vider. Je ne sais pas si c'est possible de fonctionner sans cette partie vraiment ingrate du travail. (dans l'absolu je pense que oui, pour mon cas personnel je suis plus dubitative !)
Rédigé par : Milky/Bree | vendredi 26 juin 2020 à 10:35
Bonjour, merci pour cette 'invention'. Est-ce que c'est le même carnet que celui dont tu parlais dans 'naissance d'un livre' l'autre jour ? En tout cas tes billets sont des bulles d'air dans ma journée. Merci !
Rédigé par : lenaed | vendredi 26 juin 2020 à 13:34
Oui Leaned, c'est le même carnet ! (tu as du mal à te retrouver dans mes carnets et moi dans tout ce que je raconte, dès que je l'écris je l'oublie.......)
Rédigé par : Christie | lundi 29 juin 2020 à 19:05