Tu vois Milky ce n'est pas une fatalité de consacrer plus de 50 % à l'angoisse.
Il y a une question très simple, que Julia Cameron nous a posé à la fin du Bootcamp à Londres où je suis allée avec mon amie Emmanuelle en octobre 2012.
How do you want to create ?
C'est une question que je me pose souvent, dont certains éléments de réponse changent avec le temps et les projets. Mais si tu prends le temps de te la poser souvent, alors tu vas te créer un cadre, comme ton fichier de traduction ou pour moi mes carnets bis, qui peu à peu va te faciliter la tâche. J'ai appris au fil des années et des collaborations réussies / foireuses, que j'ai besoin pour créer d'interlocuteurs sains. Par exemple, d'un éditeur qui fasse ce qu'il a promis, qui me réponde dans la journée quand j'ai besoin de réponses rapides, qui me paye au max de ce qu'il peut me payer. Ou d'un premier lecteur qui veuille que le livre soit encore mieux et qui me donne toutes ses pensées dans ce sens.
Les réponses qui bougent ce sont les lieux, parfois j'écris dans mon bureau, parfois dans la cuisine, aujourd'hui je suis dans le salon, l'autre jour j'écrivais depuis mon lit, ou sur un transat dans le jardin ; parfois je DOIS sortir de la maison. Et je ne sais pas dire ce qui fait que je suis mieux pour écrire ici ou là mais dans la mesure du possible, j'écoute. J'écoute la petite voix à laquelle je fais confiance - petite voix dont je développe l'acuité et la propreté chaque jour, dans les pages du matin.
Je reviens du village d'à côté, où je suis allée acheter du pain et du jambon - et j'en ai profité, j'étais sans les filles pour une fois, pour marcher dans le village, au bord de la rivière, essayer de deviner le jardin et la maison derrière certaines grilles ouvragées.. Ces 10 minutes "pour moi", nourrissent mon besoin de solitude, mon besoin d'exploration, mon besoin d'imaginer... Nourrie de cette mini-expérience, je viens écrire ragaillardie (non je n'ai pas passé la journée devant mon ordinateur ou dans la cuisine), et cette gaillardise entraine mon écriture. Et la déleste des doutes, des questions qui font mal (à quoi bon écrire ici depuis 16 ans ?? t'en n'as pas marre de radoter tes vieilles histoires et tes pensées dont la moitié sont mal formulées ? tu démarres un nouveau livre ? sur l'écriture ? quelle idée ! qui tu te crois pour raconter tes trucs d'écriture ! en plus t'as vu ce que tu racontes ? ça va aider qui tes trucs...? t'aimes vraiment te faire plaisir à écrire toi...)
Hou la si je laisse trop longtemps prise à ces pensées... je suis paralysées. Je vais me promener et je dis à mon censeur TU AS RAISON C'EST PAS TOUJOURS TERRIBLE CE QUE J'ECRIS ET J'ECRIS SUR CE BLOG ET MON PROCHAIN LIVRE PARCE QUE ECRIRE ÇA M'ENCHANTE C'EST L'ACTIVITÉ QUI M'AIDE LE MIEUX À VIVRE ET PEUT-ÊTRE MÊME QUE D'AUTRES AIMENT CE QUE J'ECRIS DONC TOI SI ÇA NE TE PLAIT PAS VA RALER PLUS LOIN QUE JE NE T'ENTENDE PAS.
Et souvent ça marche. Pour l'écriture ça marche. En ce moment.
Et il y a autre chose. Les gens qui demandent à leur créativité d'assurer leur gagne-pain. Hé ben ça devient du travail et plus toujours une activité créative. Et (ça c'est d'Elizabeth Gilbert dans Big Magic) demander à notre créativité de nous supporter, financièrement, c'est pas très juste. Déjà elle nous enchante et elle embellit notre vie. Elizabeth Gilbert dit que c'est à nous de la supporter et pas l'inverse. C'est dur à avaler... et je crois qu'elle n'a pas tort. D'où l'intérêt de garder des hobbies qui ne sont que des hobbies, que l'on fait pour s'amuser et pas en cherchant à se professionnaliser. Et d'un autre côté, ben reconnaître que par exemple pour moi l'écriture est aussi un travail et parfois, un travail, c'est chiant. (Et je suis tellement reconnaissante de ne pas dépendre QUE de mon écriture pour gagner ma vie... merci la formation !!)
Bon voilà... voilà mes pensées du jour, mal articulées mais j'ai envie d'aller goûter les petites choses ramenées de chez le charcutier ! Jambon blanc, fromage de chèvre et pâté en croûte !
Je distingue l'écriture de la traduction, qui est une forme d'écriture sous très très grosse contrainte disons ! A vrai dire je ne souhaitais pas professionnaliser mon écriture, exactement pour les raisons que Gilbert décrit (j'étais de son avis avant même de l'avoir lue). La traduction m'est plus ou moins tombée dessus à un moment de décombres dans ma vie professionnelle. Et j'accepte (avec plus ou moins de grâce selon les jours !) qu'étant un travail, elle ait ses aspects chiants. Mais pour mon écriture personnelle, je vais suivre ton conseil et essayer de me poser plus sérieusement la question How do you want to create. Théoriquement, j'ai plus de marge de manoeuvre que pour la traduction !
Rédigé par : Milky/Bree | samedi 27 juin 2020 à 11:02
Christie, en te lisant je comprends que mon censeur parle très fort, très très fort et très longtemps de telle sorte qu'après les phases d'idéation / de début de construction, pouf, tout retombe, je me sens paralysée ! Trouver mes stratégies pour lui répondre... Bisous
Rédigé par : Emmanuelle | dimanche 28 juin 2020 à 06:21
Coucou Christie,
J'adore comme tu réponds à ton censeur ! Et toc !! Emmanuelle, j'espère que tu vas trouver des stratégies pour tacler ton censeur.
J'adore lire sous ta plume "Ecrire, ça m'enchante, c'est l'activité qui m'aide le mieux à vivre". Je comprends, je m'y retrouve. Si nous sommes si fidèles à ton blog, c'est bien que ton écriture nous aide. C'est une des meilleures pauses dans mes journées de travail.
J'écris plus - et je marche plus aussi !! - depuis que je te lis. J'assume mieux mon besoin de solitude et de déconnection mentale /reconnexion à la nature - ou est-ce le fait d'avoir passé les 40 ans ? Les 2 probablement !
Mon travail d'écrit m'ennuie un peu ces temps-ci mais à moi de comprendre pourquoi, de changer ce que je peux...
Des bisous du canapé
Rédigé par : Anne-Liesse | lundi 29 juin 2020 à 11:19
Chère Milky, je te souhaite une écriture qui danse !
Chère Emmanuelle, mon censeur et moi on se rencontre parfois dans les pages du matin... juste 5 minutes, je lui dis, le temps d'une tasse d'expresso. Si je ne lui donne pas de limites, il va vouloir boire tout le thermos de thé ! dans lequel je bois toute la journée ! donc : juste le café. Et le café (parce que s'il ne dit pas clairement ce qu'il a à dire, il me le dit insidieusement.....)
Chère Anne-Liesse, moi aussi ça m'est arrivé que l'écriture m'ennuie. C'est arrivé dans deux situations : 1 je ne faisais que d'écrire, sans jouer ni pratiquer d'autres arts et 2. quand le projet ben, m'emmerdait ! qu'il n'y avait pas d'aventure au bout... Tu te reconnais dans une de ces deux situations ? Bisous du bureau bleu
Rédigé par : Christie | lundi 29 juin 2020 à 18:55
bonjour Christie, la dernière partie de ton article me parle à fond; je me suis souvent demandée s'il était bien juste de souhaiter "vivre matériellement" de ce qui sort de la créativité. Quand tu écris que c'est lui faire supporter un poids un peu lourd ( en tous cas c'est ce que j'entends) ça me semble évident d'un seul coup; oui le poids est un peu lourd!si ça devient un "travail" ds ma tête, c'est chiant et lourd....d'ailleurs c'est pour ça qu'il m'est impossible de pratiquer par commande.
l'autre point, le juge intérieur, bigre! celui là je discutaille avec lui( tiens! serait ce un homme? oui je le reconnais !) avant il m'écrabouillait, maintenant je me tiens devant lui et on discute sec, je le plaque sur les pages de la journée dans ces moments là le crayon crisse furieusement et ensuite je referme le cahier avec légèreté.
Bravo pour ta reprise de formation!
Rédigé par : sylvie | mardi 30 juin 2020 à 12:36