J'ai appelé mon amie Marie-Aude pour savoir si elle pouvait récupérer les enfants à la sortie de l'école, CP et CM1, et j'ai filé dare-dare à l'hôpital. Mam a toujours réclamé de mourir chez elle et elle est morte finalement à l'hôpital, mais en voyant cette chambre toute claire, toute nue, blanche et bleue donnant sur un parc, Saint Joseph venait d'être repensé et réhabilité et j'ai apprecié l'atmosphère sereine du lieu, bien moins chargé que le salon vert amande rempli de décennies d'histoire familiale et de piles de catalogues de l'Homme moderne et Yves Rocher.
Mam et sa maison. C'était le rêve de sa vie, avoir une maison, et elle a dû attendre 24 ans de mariage, et que les enfants aient quitté le nid familial, pour enfin pouvoir acheter la maison de Malakoff et faire de son aménagement son chef d'oeuvre.
Mam avait l'air toute tranquille sur son lit d'hôpital, je ne l'avais jamais vue inerte, même endormie elle était toujours en mouvement ; c'est sûr, je ne l'avais jamais vue morte. Elle semblait sereine, bien plus que ce que je l'avais jamais vue, ça m'a réconfortée et à la fois, hum, une Mam qui ne râle pas, qui ne serre pas ma main, qui ne gratte pas ma tête... J'ai commencé à percevoir ce qu'allait être ma vie sans elle. Papa nous a proposé d'aller "à la maison", je ne sais plus pour quoi faire, j'ai dit oui. En arrivant à l'ascenseur, il y avait un monsieur entre deux âges qui attendait aussi pour descendre et rentrer chez lui, il avait l'air fatigué, agacé, j'imaginais qu'il venait de quitter sa vieille maman pénible, et malade, et vivante, et j'ai eu envie de lui crier Profitez-en !
Nous sommes arrivés chez Mam, dans la maison qui était restée telle qu'elle l'avait laissée en partant samedi. Personne n'avait touché à rien - les flûtes de champagne lavées, les poubelles sorties, c'est tout - et pourtant, pourtant la maison ne respirait plus de la même manière, l'âme de Mam s'en était envolée.
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