Quand Mam est morte, je me suis rendue compte qu’elle avait toujours été là pour moi. Lorsqu’enfant j’étais malade et que Maman devait aller travailler, c’est souvent Mam qui venait me tenir compagnie. À l’autre bout du fil elle était là aussi pour m’écouter ou me donner des conseils. Sa mort, ça a été la première fois où elle m’a fait faux bond.
Et je lui en ai voulu ! Et j’en ai voulu à la maison de se transformer, de perdre sa nature mamesque - une heure après sa mort c’était déjà le cas, et cela n’a fait que s’accentuer durant les deux ans qu’ont duré son vidage, des travaux pour la rendre plus vendable et finalement sa vente, au même prix que nous avons acheté la nôtre à 200 mètres de là.
Je dis que Mam m’a fait faux bond - et c’est grâce à l’argent de la vente de la maison de Mam que ma tante a pu racheter ma part de la maison de Dinard et cet argent nous a aidés à acheter notre maison. Elle m’a aidée du mieux qu’elle a pu, même de l’autre côté. Dans les premiers temps lorsque je rentrais dans ma nouvelle maison en passant par les rues qui conduisaient chez Mam aussi, rue Paul Bert, rue Avaulée, je versais une larmichette. Aujourd’hui encore lorsqu’avec les filles et Hush nous passons devant la maison de Mam, l’élégant 52 en fer forgé a été remplacé par une plaque en porcelaine style provençal, les rosiers que je venais tailler ont été arrachés et la lumière qui filtre des banals rideaux blancs est blanche, sinistre. Une caméra nous observe depuis la lucarne de la pièce où Mam cirait les chaussures.
Les objets ont leur vie propre. Les maisons ont leur vie propre, et nous survivent. Je participe quand j’ai le courage, du mieux que je peux, à la vie de la paroisse que Mam aimait tellement, dans laquelle je me sentais chez moi les rares fois où je suis allée la chercher pour la conduire à la messe.
Longtemps j’ai gardé sur notre répondeur le dernier message qu’elle a laissé, avec sa voix chevrotante, Allô, c’est Mam...
Commentaires