1. Amanda
Depuis 2015, on peut dire que je passe à travers une série noire. Ça a commencé par l'AVC qui m'a terrassée à Ghiatone, le soir de Pâques. Nous terminions le dîner chez Alain et Annie, et Gilbert et moi, et Annie et Alain, on y avait été un peu fort sur l'apéro, et sur le dijo, c'est pour ça qu'ils ne se sont pas aperçus tout de suite que quelque chose ne tournait pas rond chez moi. Quand ils m'ont vue grimacer, ils ont pensé que je faisais le clown, comme d'habitude.
C'est Annie qui la première s'est arrêtée de rire. Elle m'a pris le bras - la semaine d'avant, elle avait vu sur TF1 un reportage sur les symptômes de l'AVC. Elle les avait noté quelque part et s'est mise à fourrager comme une folle dans son bazar, car elle se souvenait aussi que le médecin qui parlait dans le reportage disait qu'il fallait agir rapidement. Ah oui, voilà, elle les avait noté au dos d'une enveloppe de facture EDF, "Visage immobilisé, au moins un membre paralysé, parole bafouillante", je cochais les trois cases. Annie s'est mise à crier, "Amanda est en train de faire un AVC", l'hôpital d'Ajaccio était à une trois quarts d'heure de route et on n'avait pas le temps d'attendre les secours. Elle m'a embarquée dans sa polo rouge, Alain devant et Gilbert qui me maintenait à l'arrière, et elle a conduit comme une dératée dans tous les petits virages pour m'amener jusqu'au CHU.
Heureusement que vous êtes d'une nature robuste, m'a dit le médecin quand ils m'ont laissée repartir au bout d'une semaine d'hospitalisation. Il m'a prédit pas ou très peu de séquelles, et c'est vrai qu'à raison d'une séance d'orthophonie par semaine pendant 6 mois, je me suis remise à parler avec mon débit habituel.
Ce qui me chiffonne, c'est qu'Isabelle refuse de parler à son père. L'autre jour au téléphone, il croyait que je dormais en haut, dans ma chambre, mais je venais de me réveiller et j'ai tout entendu. Ce crétin de Gilbert, il lui a dit, à notre fille, Ta mère, j'aurais préféré qu'elle y passe...
2. Jean
La mauvaise nouvelle, quand on habite au 5ème étage d'un immeuble, c'est quand on doit descendre faire pisser le chien 4 à 5 fois par jour, 5 étages ça fait chier (même avec l'ascenseur). La bonne nouvelle, c'est que depuis ma fenêtre du 5ème, je vois pas mal de choses.
- Bonjour Madame ! Ça y est, vous êtes rentrée ! Vous en avez une bonne mine ! Si ce n'est pas trop indiscret, vous êtes partie où ?
La mauvaise nouvelle, c'est que lorsque je descends avec Napoléon, et que je rencontre la mignonne petite voisine qui habite le pavillon juste en face de l'immeuble, de notre salon on plonge pile dans sa chambre et j'aime bien me poster quelques minutes à la fenêtre, le soir, vers 23h, 23h30, pour regarder si elle n'est pas en train de se mettre en pyjama... bref la mauvaise nouvelle, quand je suis descendu dans la rue et que je la croise, la voisine, je sens le regard d'Yvette braqué sur moi. Je fais comme si je ne m'en apercevais pas et je me poursuis ma conversation avec la petite (enfin "petite", elle a l'âge de Christophe, à un ou deux ans près, ça lui fait quoi ? la quarantaine), jusqu'à ce qu'elle trouve un prétexte pour filer. Quand je remonte, c'est pas possible, à chaque fois, Yvette me tombe dessus et me bombarde avec sa voix de crécelle. Alors, t'es content. T'as vu ta petite amie. Elle allait bien ? Toute bronzée. Elle est partie où, on peut savoir, AVEC SON MARI ET SES ENFANTS ?
15 ans. 15 ans que j'ai raccroché les wagons. Je l'aimais bien, pourtant, mon boulot de moniteur d'auto-école. Mais quand à 60 ans, Jean-Louis et moi avons eu cette discussion, de rempiler pour deux ans ou de prendre ma retraite à la fin de l'année, parce que j'avais cotisé le nombre de trimestres qu'il fallait... J'ai dit que je préférais partir à la fin de l'année.
Qu'est-ce que j'imaginais ? Peut-être des croisières à Saint Petersbourg - on a demandé les formulaires, mais on ne s'est jamais inscrit. Des étés au Saulou, dans la maison de François - on aimait bien y aller, Yvette et moi, mais il l'a vendu un an après que j'aie pris ma retraite. Du bénévolat au club de foot de la ville, pour entrainer les mômes - mais je n'avais pas les bons copains. Et donc me voilà, coincé avec Yvette, et Napo, dans notre trois pièces du 5ème étage. On reste là toute l'année, sans faire grand chose à part les courses au supermarché du rond point et les promenades du chien. Je viens de passer 75 ans et tout ce que je pense, c'est Vivement qu'on en finisse.
L avc j espère qu'il y a beaucoup de gens qui s en sortent de cette façon. Bizarre la coïncidence noter sur un papier les symptôme . Odeur couleur toucher qui donne de la dimension, de la texture. Description du chien, des personnages, élargir
Rédigé par : france | mardi 13 mars 2018 à 14:53
Loved it!
Rédigé par : Anne-Liesse | mercredi 14 mars 2018 à 13:33
merci Biche Bichette !
Rédigé par : christie | mercredi 14 mars 2018 à 15:33
J'aime beaucoup, l'histoire, le format, le ton !
Rédigé par : Marie | mercredi 14 mars 2018 à 17:39
Très bien ! Très très bien.
Rédigé par : FrédéricLN | jeudi 26 avril 2018 à 14:36