Ce matin, le ciel était si beau vers 7h45, au dessus de la rue Hoche, bleu qui s'éclaircissait avec des lignes d'avion devenant des nuages. Alma (qui avait mis son écharpe), Hush (qui ne tirait pas trop) et moi (complètement emmitouflée dans manteau bonnet gants grosse écharpe), filions vers le métro en slalomant entre les poubelles sur ce trottoir toujours trop étroit. En longeant le parc du bout de la rue, j'ai été saisie, au milieu des passages de voitures et des coassements de corbeaux, par le roucoulement d'un pigeon ramier, pas son roucoulement, son chant, le même que l'on entend (j'imagine) partout dans le monde. Je l'entendais aussi à Fontenay le Fleury, ma ville d'enfance et d'adolescence, au milieu des sapins de notre résidence, lorsque j'allais chercher le pain...
Mais là où je prenais le mieux le temps de l'écouter, là où il résonnait le plus fort à mes oreilles, ce chant du gros pigeon ramier, c'était à Bordustard, notre village de Belle-île où Mon Cher avait son fief, où j'étais la princesse de ce royaume. A Bordustard, vers 8 heures le matin, l'été, sur la petite route qui mène à Palais, le vent doux s'engouffrait dans mon short et il n'y avait pas d'autre bruit que celui de mes pas sur le goudron rugueux et le chant, ce fameux chant du pigeon ramier.
Le royaume de Mon Cher et Grand-Maman, mon domaine, a été vendu il y a dix ans mais je repasse quand je suis à Belle-île presque tous les jours par Bordustard, un peu par obssession et un peu parce que c'est le chemin entre ma nouvelle maison (une cabane de pêcheurs que ma maman loue près de Donnant, au milieu du village, sans confort, sans jardin) et Palais. La première fois que je suis repassée, en juillet 2014, le cri du pigeon ramier qui transperçait l'air a bien failli aussi transpercer mon coeur.
Et puis je me suis attachée à notre nouveau village, et à notre cabane, j'ai chiné des objets que Maman remballe à la fin de chaque vacances, j'ai découvert de nouveaux liens avec mes oncles, mes tantes, mes cousins, ma maman chérie, et des amis sur place, et je crois que ce chant du pigeon, s'il m'arrête toujours dans mon flux de paroles ou de pensées, a fini pour l'instant de me transpercer.
(J'ai écrit ce texte en pensant à Marie-Astrid, si vous repassez par ici).
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