Ce matin, vers 7h40, en passant devant chez Madeleine, ma voisine du 38, je l'ai aperçue au travers des rideaux en voilage, dans sa cuisine, courbée, en robe de chambre. Madeleine a 82 ans, elle et son mari ont été des entrepreneurs dans le quartier, et vu de ma lucarne, sa journée a l'air de se passer devant la télé, ou assise à regarder le vide dans son salon.
Cette vision matinale m'a fait penser à Gilberte, Grand-Maman, ma grand-mère maternelle. Lorsqu'elle est morte il y a onze ans, le 6 janvier 2007, elle venait de fêter ses 88 ans. Je lui ai parlé pour la dernière fois le jour de son anniversaire, le 27 décembre, et elle semblait bien encore, et puis elle a été hospitalisée tout début janvier et cette fois a été la dernière (d'une nombreuse série car Grand-Mam avait une santé fragile). A sa mort, elle avait certes rendu son tablier de la chorale Saint Louis, où elle était soprano, et de la Bibliothèque pour tous, où elle accueillait les lecteurs ; en revanche, elle n'avait pas arrêté son travail de couturière pour le Vestiaire de la paroisse (elle réparait des vêtements qu'on leur donnait pour les donner à ceux qui en avaient besoin ou les vendre à la braderie annuelle), ni sa marche quotidienne, à petits pas, soutenue de sa canne, vers la Pièce d'eau des Suisses.
Le lendemain, le 7, nous devions tous nous retrouver (enfin, tous ceux qui étaient déjà nés, pas encore morts, et pas fâchés, ce qui faisait un sacré paquet de monde vu qu'au départ elle et mon grand-père ont eu 8 enfants) à un restaurant que Grand-Maman avait privatisé pour célébrer Noël et ses 88 ans.
Elle et Mon Cher, mon grand-père et ma grand-mère, le père et la mère de Maman, ceux de Belle-île, je ne les ai pas beaucoup fréquentés de leur vivant car nos caractères ne s'accordaient pas. Depuis leurs morts, je les perçois autrement, j'apprends à les connaître, je les médite, ils m'apparaissent, ils m'enseignent. Délivrée du poids des obligations, du frottement des caractères, je peux les regarder de l'intérieur et apprendre à les apprécier.
"Lorsque l'inspiration viendra, j'aimais qu'elle me trouve au travail". En apercevant ma vieille voisine ce matin, que j'aimerais aller voir plus souvent mais la vérité c'est que ces visites me dépriment, j'ai pensé à Grand-Maman, qui est morte en se sentant utile et avec des projets ; et j'ai souhaité ardemment que la mort, lorsqu'elle viendra me chercher, me trouve moi aussi au travail, et en projet.
Puissant message !
Ce matin, ma responsable de service est revenue au travail après avoir pris quelques jours, suite au décès de sa maman.
Sa douleur, au delà de la perte, est que sa maman, de par sa maladie n'avait plus de vie sociale, plus de centres d’intérêt, "plus de vie".
Elle est partie fanée et c'est sans doute ce qu'elle gardera d'elle.
Cela m'a profondément attristée...
J'aime lorsque tu parles de ces grands parents, avec lesquels tu n'étais pas accordée, qu'il y ait un lien qui se retisse par delà la mort. Je ne suis pas certaine d'en être capable...
Rédigé par : Cloudy | lundi 22 janvier 2018 à 19:29
Merci et bravo pour ces moments écrits. Je vous lis depuis plus de 12 ans. J'espère que vous continuerez encore longtemps :-)
Rédigé par : Mayou | mercredi 24 janvier 2018 à 08:56
Mayou, parfois je pense à arrêter (because ma newsletter, mes livres, instagram), et puis en fait, non ! Merci pour votre adorable mot et votre fidélité. <3
Rédigé par : Christie | vendredi 26 janvier 2018 à 09:45
J'aime beaucoup votre blog que je lis régulièrement. Je suis une fidèle ! Merci aussi pour la newsletter !
Rédigé par : Géraldine | samedi 17 février 2018 à 13:54