Lorsque j'arrive au dojo, le prof n'est pas encore arrivé. Je me prépare à m'installer à ma place habituelle, sur le devant à droite, et puis tiens si je changeais de coin aujourd'hui - je me dirige au fond de la salle, tout près du grand miroir, et m'allonge sur un morceau de tatamis. La prochaine fois je me mettrais carrément sur la gauche.
Jambes et bras légèrement écartés, yeux fermés, mon squelette enregistre les vibrations des pas de mes co-yogis qui s'installent à leur tour. D'eux, je ne connais pas le prénom, à peine le visage et un peu mieux les courbures de la silhouette moulées par la tenue souple. D'eux je connais le pas qui vibre dans mon dos.
Notre prof n'est toujours pas arrivé. Tout le monde est couché à présent, tout le monde se tait, sauf une femme qui déambule et commente. Paf paf paf font les vibrations de ses pas dans mon dos. Elle ouvre un vélux, ferme une porte, elle ne va jamais s'arrêter ? Agacée j'ouvre les yeux et découvre une blonde teinte, accorte, la cinquantaine tardive.
Sa voix nous demande Déposez votre journée. Votre corps se déplie sur le tatamis. Je comprends enfin que pour une raison ou pour une autre, c'est elle qui remplace notre prof aujourd'hui.
Allé, on va se faire du bien, nous propose-t-elle. Vous allez vous mettre deux à deux et vous aider à faire l'enchainement habituel. A deux ? mais je ne connais personne ! qui va vouloir se mettre avec moi ? La prof du jour montre les gestes qu'elle attend de nous, moi du fond j'aperçois à peine et je ne sais pas comment je vais m'y prendre. Je lorsque je tourne la tête vers la gauche, ma voisine, une blonde trentenaire qui ressemble à Bridget Jones, me sourit - je me rapproche. Ça ne t'ennuie pas de commencer ? je n'ai rien vu...
Elle aquiesce, je m'allonge et ferme les yeux et me laisse manipuler par cette femme inconnue comme si c'était la chose le plus naturelle du monde. D'une pression ferme et douce des mains, elle appuie sur mes chevilles, puis sur mes épaules. Je perçois sa délicatesse, le désir de me faire travailler et de me guider.
Relâchez-vous, roulez-vous en boule vers l'avant, dit la voix de la prof. Et vous derrière, n'hésitez pas à les masser ! A me masser !!! Les mains de ma partenaire frottent mon dos, le caressent, comme si j'étais sa plus vieille amie.
Allé, on change !
Ma partenaire s'est allongée, accroupie devant elle je fais face à son corps confiant, ses pieds et mollets nus, sa peau pâle, ses cuisses, son pubis et ses hanches enserrées dans un corsaire gris, son ventre, ses seins, ses épaules qui respirent dans un tshirt gris avec des inscriptions thai. C'est la première fois que je contemple d'aussi près le corps d'une inconnue. Je ne sais plus rien, ni où poser mon regard, ni où poser mes mains. Me revient ma maladresse au moment de donner son bain à mon premier bébé. Cette femme non plus, je ne sais pas comment la manipuler.
Allé hop on écarte les chevilles ! la voix de la prof me rappelle à l'ordre, Vas-y carrément, tu ne vas pas la casser ! me dit-elle en riant. On monte, on monte, on écarte les cuisses. Les cuisses ? Ma partenaire, les yeux fermés, respire tranquillement. Elle se laisse faire. On change de position. Une fois derrière ses épaules, je cherche la bonne pression. Puis le bon geste pour masser son dos que je sens noué de toute part - à moins que le dos ne soit toujours un lieu musculeux ?
Enfin je me relève et pose ma jambe contre son dos pour soutenir sa posture de torsion. Ni trop collée, ni trop loin, pour lui offrir pile le bon niveau de soutien.
Elle avait raison la prof - on s'est fait du bien.
Se faire confiance, sans se connaitre et s'en remettre complètement, corporellement, à l'autre.
Une belle expérience ;)
Rédigé par : Cloudy | mardi 09 juin 2015 à 20:27
en même temps ce n'est jamais évident; ce genre d'expérience me procure toujours au départ une poussée d'angoisse
c'est plus fort que moi car c'est une sorte de rencontre intime que celle avec l'autre non?
Rédigé par : sylvie kapal | mercredi 10 juin 2015 à 09:41