J'aime cette phrase de Martin Winckler rappelée, recueillie, offerte par Laurent.
Les trois pages du matin représentent, comme de nombreuses disciplines dans lesquelles nous nous investissons, notre rapport de soi à soi. C'est un moyen privilégié de conversation avec soi-même - celle dont il est sage de ne pas faire l'économie (j'en veux d'ailleurs aux smartphones qui nous donnent tous les prétextes pour nous soustraire à cette conversation).
L'idéal est de pouvoir les écrire au lever, à la main : ainsi on recueille le fruit de nos rêves, on chasse la tristesse de la nuit, on peut se demander quelle sera la couleur de notre journée, ce que l'on a envie de faire, voir si la réponse aux questions qu'on se posait avant de dormir est arrivée pendant la nuit... L'écriture à la main permet de rêvasser, et les trois pages permettent que quelque chose d'important, au milieu de toout ce brouhaha des pensées, puisse survenir.
Ca c'est l'idéal. Se lever tôt, avoir le temps, avoir envie, le faire.
Et puis il y a la réalité de nos vies. Un bébé, du travail, un dîner la veille, les insomnies, la radio, l'interruption d'un enfant, pas envie, pas le courage, pas le temps, trop de bonheur, trop de peine, un truc qui couve et qu'on n'a pas envie d'affronter.
Comment poursuivre dans ces conditions (si on part du principe que la conversation avec soi-même est nécessaire) ?
Pour contrer la fatigue et le manque de temps : on peut écrire moins, se dire "au lieu d'une demi heure j'écris 10, 15 minutes, tout ce que je peux pendant ce temps je l'écris." On peut aussi retarder le moment : emporter le cahier et écrire dans le métro, ou bien pendant la pause déjeuner.
Je tire aussi parti de mes insomnies : je me réveille, j'écris (dans le canapé). Ainsi ce qui me préoccupait s'évacue, et en plus 'elles sont faites'.
Voilà solutions que j'ai trouvées pour ne pas louper un jour : adapter le temps / le lieu / la quantité, négocier, mais le faire.
Après il y a les obstacles psychologiques. Peur de trop geindre, peur de la page blanche, peur de répéter chaque matin la même chose (c'est mon cas), aquoibonisme (ça m'arrive aussi).
A ces obstacles, la seule réponse que je donne c'est : observe tout ce que tu tentes et expérimentes depuis que tu as découvert la méthode Julia. Tes pages sont boring boring boring, mais ta vie a ouvert ses ailes. Puis parfois je fais la liste de 5 prières exhaucées et alors hop je suis reconvaincue. Enfin ça ne se passe pas si vite en général je me traine avec les pages pendant quelques jours je négocie à deux pages et l'envie finit par revenir.
Tu ne peux pas savoir Milky tout ce que j'ai râlé à propos de ma rando avant / pendant, dans les pages du matin "je suis mal préparée j'ai la crêve il pleut ce n'est pas raisonnable pour le chien et si je me perds j'ai mal au dos", une plainte pénible pendant des lignes et des lignes ; je me suis roulée dans mon propre doute sans emmerder ni inquiéter personne, et finalement la randonnée elle même m'a ravie, enchantée, je recommencerais demain tiens !
L'éditeur Pearson (qui a un très beau fond de livres de management, et a publié notamment le livre de Chine Lanzmann), recherche un éditeur junior. Je vous transmets l'annonce de la part de Julie Berquez, éditeur senior ! avec qui ça doit être très agréable de travailler.
Je me suis lancée ce matin. Je pensais écrire 3 phrases en vrac, que je n'aurais rien d'autre à écrire, en me disant que ça ne m'apporterait rien de plus que mes monologues intérieurs, mais je voulais essayer, pour voir....
Et puis j'ai écrit 3 pages, et encore, j'ai été interrompue par le téléphone et il a fallu passer à autre chose. Mais je me sens étonnamment zen depuis, alors que plein de petites broutilles m'auraient rendue morose d'ordinaire.
Merci Christie :-)
Rédigé par : swahili | vendredi 27 avril 2012 à 14:15
Je suis super contente !
Rédigé par : Christie | vendredi 27 avril 2012 à 15:34
Tu as mille fois raison à propos des smartphones ! Et encore, ce n'est rien à côté des tablettes numériques, je trouve… Depis peu, je me rends compte que j'ai du mal à me plonger dans une activité de manière suivie, continue, sans que mon esprit ne se mette à faire des sauts de puce d'un sujet à l'autre. L'effet Internet, je crois, décuplé depuis que j'ai un trucPhone. Je suis très tentée par ces trois pages mais pour le moment, je crois que c'est un peu ambitieux (bébé tout neuf à la maison).
Edition : et toi, tu n'as pas envie de le faire, devenir éditrice ?
Rédigé par : Satsuki | vendredi 27 avril 2012 à 22:49
J'aime bien savoir comment tu t'y prends. J'essaye de m'y remettre, sur un cahier cette fois (l'ordi n'est pas une solution assez souple). Je relis "Writing Motherhood", de Lisa Garrigues, qui motive vraiment à s'y mettre... et s'y tenir. Pas facile avec le bébé, les nuits, mais je retiens tes pistes de solutions !
Ce soir, pourtant, j'ai privilégié mon blog : peux pas etre partout !!!
Rédigé par : Anne-Liesse @ Bulle & Blog | samedi 28 avril 2012 à 01:37
Tu crois que le poste d'éditeur pourrait se faire en télétravail ???
Rédigé par : Anne-Liesse @ Bulle & Blog | samedi 28 avril 2012 à 01:38
essaie !
Satsuki, merci pour ta question qui me fait réfléchir. Editeur je le suis déjà beaucoup, de mes clients partly (je contribue à rendre leurs textes éditables) ; et des ateliers HEC. J'aime contribuer à faire connaître (parfois, éclore) des talents, et mon enjeu est aussi de m'accoucher et de m'éditer, moi.
En plus, je suis une "free rider", avec le prix que ça a à payer.
Et parfois quand même j'y pense. Dans ce cas je sais pour qui je postulerais, une petite maison indépendante et dynamique, chaleureuse et exigeante, dont vous voyez un titre sur la colonne de droite..
Rédigé par : Christie | samedi 28 avril 2012 à 09:03
Merci merci merci pour cette découverte. Je m'y suis mise à la lecture du billet précédent, et j'espère continuer longtemps. M'autoriser à écrire, m'y forcer même quand ce n'est pas beau, pas intéressant, pas construit, qu'est-ce que ça libère ! Et parfois, au milieu de ces pages foutraques, une perle, quelques mots bien ajustés ou une petite épiphanie.
Alors en effet, c'est long trois pages manuscrites, même quand on écrit sans reprendre son souffle, et il faut trouver le temps. J'espère que je saurai négocier pour ne pas lâcher l'exercice, ce temps-là, de conversation avec soi comme tu le dis, me paraît si essentiel : où est-ce que je mets ma priorité, à ce que ma baraque soit nickel ou ma créativité libérée ?
(Je crois que c'est mon premier commentaire ici, pardonne le tutoiement, je te lis depuis un moment et comme dit Prévert "Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois")
Rédigé par : zelda (la bouseuse) | samedi 28 avril 2012 à 09:08
hi hi j'adore ton pseudo ! bonne route avec les pages. Moi je suis en train de les faire là depuis 1 h, je m'interromps et je reviens, je mets un disque je joue avec le chien je parle avec Chimènette, bon on est samedi on n'a pas de programme...
Rédigé par : Christie | samedi 28 avril 2012 à 09:23
Coucou Christie et merci de ton billet.
L'idéal c'est pour moi de les écrire le matin et d'une traite sans être arrêtée entre. Sinon frustration puis ras-le-bol puis stop ! Se lever plus tôt en ce moment, je n'arrive pas. Par contre, j'avais effectivement retardé le moment de les faire : dans le bus avant d'aller travailler. Au début je trouvais ça trop intime de m'exposer aux regards des autres et puis j'ai oublié ces regards. Et puis, la vie active a pris le dessus, il fallait aller encore plus vite le matin (on n'arrive plus à se lever..) donc exit le bus, me revoilà dans le métro et là pour le coup, les pages du matin ont disparu.
Le truc c'est que, comme tu l'exprimes (et je partage à 100% cela avec toi), ce rdv avec soi-même est hyper important, ce rapport de soi à soi me permet de ne pas hurler pour des broutilles, de prendre du recul parce que ça représente le temps pour soi (qui tout d'un coup prennent des proportions ridicules, le caca du bébé par exemple !!).
Là où tu m'as fait ouvrir un pan c'est quand tu dis "Voilà solutions que j'ai trouvées pour ne pas louper un jour : adapter le temps / le lieu / la quantité, négocier, mais le faire. "ou ça "on peut écrire moins, se dire "au lieu d'une demi heure j'écris 10, 15 minutes, tout ce que je peux pendant ce temps je l'écris".
Parce que c'est évident le bien que ces pages d'écriture ont un côté magique, et plus encore si on fait et refait les exercices que Julia propose ! Ce sont des mines inépuisables de ressources, de reconnexion avec soi, l'univers, et les synchronicités dont tu parles. Je les ai expérimentées et une fois qu'on y repense c'est comme une drogue de bonheur, et là tu replonges avec extase dans les pages du matin :)
Merci Christie de ta bienveillance et de tes conseils nombreux et divers.
Passe une très bonne journée
PS : j'avais déjà vu le livre de Chine (je ne sais plus où) et il me dit bien aussi.
Rédigé par : Sophie / Laurenn | samedi 28 avril 2012 à 09:26
il est vachement bien le livre de Chine ! quand on a suivi ses formations c'est un merveilleux rappel de certains outils.
Julia a une page facebook et un site, payant, mais on accède à des glimpses : l'esprit... ça fait du bien.. https://www.facebook.com/juliacameronlive
allé je retourne à mes foutues pages !
Rédigé par : Christie | samedi 28 avril 2012 à 09:35
Allez, j'ai repris de la motivation pour quelques semaines au moins ! Merci d'être insufflante...
Rédigé par : Milky | samedi 28 avril 2012 à 11:17
C'est gentil de me remercier ! qu'est-ce qui, dans ce que j'ai dit, a contribué à te remotiver ?
Rédigé par : Christie | samedi 28 avril 2012 à 17:13
Oui, merci de reparler des pages du matin (avec aussi tes jolies photos de pages)... J'ai du mal à m'y tenir, j'ai tendance à en faire un perds-temps en y passant plus d'une heure... ça m'agace parce que du coup le peu de temps d'écriture que j'arrive à m'accorder est avalé... alors je les fais plutôt le soir, quand je ne suis pas trop fatiguée...
Par contre je suis sûre que ce sont elles qui m'ont aidée à ne pas craquer l'hiver passé quand je dormais 4h par nuit à cause de mon stage avec une prof hyper manipulatrice qui m'a dévorée... rien que pour ça je n'ai pas envie de les lâcher mes paginettes!
Rédigé par : Titoune | samedi 28 avril 2012 à 19:58
elles aident aussi à se reprendre, c'est vrai, à s'encourager quand c'est dur, à trouver le bon ordre dans lequel faire les choses pour tenir le coup.
Rédigé par : Christie | dimanche 29 avril 2012 à 14:01
Peut-être "Tes pages sont boring boring boring, mais ta vie a ouvert ses ailes".
Le fait qu'il ne soit peut-être pas nécessaire de faire quelque chose de bien, beau, intelligent pour qu'il en ressorte du bon, du beau, de l'intelligent. La quasi-totalité de mes écrits sont tournés vers les autres (mails, blog, textos...) et c'est assez libérateur d'avoir le droit d'écrire n'importe comment, sans réfléchir à la forme - si je réfléchis à la forme, ça devient un rituel d'une heure, c'est trop long, impossible à tenir sur la distance, donc, je suis bien obligée de tout larguer sans recherche d'élégance.
Et contrairement à d'autres pratiques d'épuration (courir, ou méditer), ça j'ai une chance de m'y tenir...
Rédigé par : Milky | dimanche 29 avril 2012 à 14:42
: )
merci Milky !
en fait, faire les choses à plusieurs, en parler, dire "comment ça marche pour nous".. c'est aussi une aide à poursuivre..
Rédigé par : Christie | dimanche 29 avril 2012 à 17:54
Malgré le manque de sommeil, de temps, j'ai encore réussi à "tenir" mes pages aujourd'hui grace à tes conseils. Le mot-clef que tu as donné et qui m'a aidée : ADAPTER. Aujourd'hui, c'était la durée/quantité. Demain, ce sera peut-etre le lieu. En tout cas, ce verbe-là me débloque... et me libère ! Merci !
Rédigé par : Anne-Liesse | mercredi 16 mai 2012 à 23:47