J'étais venue retrouver un homme ; écouter la voix posthume de Roland Barthes portée par l'acteur Olivier Py au théâtre de l'Odéon - et c'est à une messe que j'ai assisté.
Face à la lecture de la quasi intégralité du Journal de deuil, paru ces jours-ci au Seuil et édité par Nathalie Léger (LA Nathalie auteure de L'Exposition dont je vous rabats les oreilles) (le Journal de deuil, ce sont 330 notes prises par RB à la suite de la mort de sa mère, qui fut la femme et le grand amour de sa vie) - nous étions là, ceux qui l'aimaient - seul Eric Marty s'est fait porter pâle. Au deuxième rang, j'étais assise à côté de Pascal Quignard ; derrière moi, son frère Michel, son ami Philippe Sollers, l'écrivaine Nancy Houston ; à ma droite, Nathalie Léger - tous habillés en noir.
Et la voix d'Olivier Py portant le chagrin de Barthes, lourd comme une pierre ; ce texte, cette lecture, notre présence recueillie : le monument que Barthes a érigé à sa mère, à sa Mam dont les derniers mots (Mon Roland, mon Roland !) le hantèrent jusqu'à la fin de sa vie.
C'est dingue que j'aie pu assister à cette messe (avoir l'info, décider d'y aller, temps libre à ce moment-là, une place pour moi). Je portais ma plus belle jupe, ma plus belle blouse blanche de coton fin et mes chaussures de princesse à bouts dorés. En entendant les mots de Barthes sur l'écriture, je me sentais le même rapport que lui (il n'y a que cela, que l'écriture à laquelle se raccrocher quand plus rien d'autre ne tient) ; et je savais que les autres écrivains ici présents, les vrais devrais-je dire, frémissaient à ces mots.
Ensemble, dans ce dernier-dernier adieu, nous avons communié à la source de Barthes. A la fin de la lecture, j'ai entendu Michel le frère de Barthes inviter Philippe Sollers à déjeuner, dimanche. Il m'a semblé que l'invitation s'adressait un peu à moi.
Je suis entrée dans la famille.
[Photo prise à Casablanca en 1978, probablement lors de l'un de ces séjours sans goût qu'il fit pour distraire de son chagrin - en vain.]
te lire ce matin, c'est comme un retour à la source ; celle de l'écriture... merci christie, gros bisous
Rédigé par : anna | vendredi 06 février 2009 à 09:51
... tout le monde en noir sauf une belle femme "princesse" en blouse blanche
portant des chaussures à bouts vernis ! !
magnifique contraste !
c'est une sensation agréable et chouette de "se parer" pour ce genre d'évènement !
belle journée
Rédigé par : lutin | vendredi 06 février 2009 à 10:11
Ecoute...
Je n'ai jamais lu Barthes et à lire ton post aujourd'hui, émue je suis, et aimerais le découvrir, conseille moi s'il-te-plait, que pourrais-je lire de lui d'abord ?
Par ailleurs, je me sens maussade, ces jours ci, espère que toi çà va bien.
bises
Rédigé par : small head | vendredi 06 février 2009 à 15:46
Je suis venue ce matin, et intimidée par ce récit de ce moment si fort, je suis repartie sur la pointe des pieds. Du coup, impressionnée par tes condisciples, c'est à peine si j'ose aligner 3 mots !
Rédigé par : swahili | vendredi 06 février 2009 à 16:32
Je suis comme Small Head, tu me donnes envie de découvrir Barthes...
Merci pour ce bel hommage que tu nous fais partager!
Rédigé par : Titoune | vendredi 06 février 2009 à 18:45
Fragments d'un discours amoureux of course
puis son Roland Barthes par Roland Barthes
et ce journal de deuil, si beau, si fort..
Rédigé par : Christie | vendredi 06 février 2009 à 19:14
coucou là c'est la maman de Zelie, grande friande de jolis blogs qui vient de te decouvrir: très poetique, enthousiasmant ! je vais te lire
Rédigé par : emmanuelle | vendredi 06 février 2009 à 21:44
Je tiens juste à vous remercier d'avoir légendé la photo de Roland Barthes qui illustre votre billet.
Sur le net, on se contente de préciser en guise de légende : Roland Barthes au Maroc et d'ajouter éventuellement l'année.
Je me suis donc posé la question du lieu précis qui constitue l'arrière plan de cette photographie.
Vous avez donc éclairé ma lanterne! Merci!
Que la Lumière baigne vos pas...
Rédigé par : Thami | vendredi 11 septembre 2009 à 03:07