Plus j'avance en âge et plus je réalise l'importance de la retenue (une qualité que je n'ai pas reçu en abondance, vous l'aurez remarqué).
Une amie mariée depuis quelques années, à propos de son homme "Lorsqu'il sort le soir, je ne lui demande pas où il va... Ni, ensuite, trop de détails sur sa soirée." (J'admire, moi j'appelle à 11 h Alors, tu rentres quand ?)
Une mère d'enfants-adultes de mon âge (les enfants), avec des copains-copines mais pas encore décidés "Oh oh, surtout je ne leur pose pas de questions ! Ils le prendraient mal, et encore plus venant de moi..." (Intéressant, moi qui me livre à des contorsions pas possibles pour que Chimène me raconte sa journée à l'école...)
Allé, je sais ce vers quoi il faut tendre, si je n'avais plus de progrès à faire ma vie deviendrait tristounette !
[Les parents se sont habitués à nous voir grandir, évoluer, avancer plus vite qu'eux ; quand on arrive à un palier, on les sent piaffer : "Alors, ce job ? tu l'as trouvé / tu vas le quitter ?" "Et dis moi ma chérie, tu vois quelqu'un en ce moment ?... / Dis moi avec Gontrand, vous songez à l'avenir bien sûr... / Tu as quelque chose à m'annoncer ?]
Seigneur, enseignez-moi la patience vis-à-vis de mon prochain ! Si j'ai besoin d'action, je n'ai qu'à m'en mettre moi-même. Toc.
[Bon, ensuite, faut pas non plus sombrer dans l'indifférence feinte, le "je suis pudique c'est pour ça que je ne prends jamais de nouvelles".. Ouille ouille ouille ! Mon père a une stratégie, il me laisse venir... Et si je l'appelle à l'aide, il vient très vite. Un matin au Chili, après un coup de fil où j'avais la voix un peu tremblotante, il m'a rappelée pour m'annoncer qu'il venait de prendre son billet d'avion.. Il a débarqué la semaine suivante.
C'est cette certitude que j'essaye de transmettre à mes enfants : quand vous aurez besoin de nous, on sera là.]
J'aime beaucoup vos écrits en ce moment, elles résonnent chez moi...
Rédigé par : Banane | mercredi 27 septembre 2006 à 09:40
un genre de mission humanitaire, y'a 10 ans (en fait, comme ici, parler entre nanas.. mais en espagnol !)
Rédigé par : Christie | mercredi 27 septembre 2006 à 09:45
Ce n'est pas la première fois que je me dis que tu as un père remarquable, au moins à certains points de vue que parfois tu nous confies. Un vieux pote m'a sans doute sauvé la vie en ayant la même attitude (j'ai eu de la chance dans mon malheur, c'était un dimanche et il était à un coup de métro). Les personnes qui savent nous aimer de cette façon-là sont celles qui nous tiennent et pour lesquelles ça vaut la peine de continuer malgré tout.
J'ai trop souffert d'avoir une mère inquisitrice (sous des dehors de ne pas l'être, c'était très insidieux) et un père dictatorial (à part de ramener une très bonne note de l'école, tout ce qu'on pouvait dire ou faire était source d'engueulades et de reproches), du coup pour mes enfants je suis sans doute trop distante, je ne pose pas de questions sauf à les voir aller mal.
C'est très difficile de savoir où se placer. Je crois qu'au naturel j'aurais plutôt une attitude d'écoute mais sans poser de question (comme l'amie dont vous parlez avec son mari). Quand l'un de ma famille va quelque part, je demande simplement vers quelle heure il ou elle compte rentrer et si il sera joignable, et si c'est tard pour ma fille qui est encore bien jeune je m'assure qu'elle ne rentrera pas seule (au besoin on ira la chercher). Le téléfonino peut pour ça être formidable si on l'utilise bien et avec parcimonie : il permet de préserver l'intimité des uns et des autres tout en étant appelable en cas d'urgence ou de besoin.
Il est effectivement des choses qu'il est préférable d'ignorer (1), et la recherche de la vérité à tout prix est parfois dangereuse. En vieillissant j'ai appris à respecter des autres les mensonges à condition que leurs conséquences ne présentent pas de dangers physiques ultérieurs éventuels. En gros : tu me dis que tu es resté fort tard à ton travail, je respecte ton souhait que telle soit la vérité (mais prends tes précautions).
Je crois qu'on a une responsabilité vis-à-vis du secret, si on le met à jour, il faut être prêt à faire quelque chose de constructif de l'information qu'on n'aurait pas dû détenir. Et une autre vis-à-vis du risque de confession embarrassante : ne pas porter à la connaissance de quelqu'un que ça peinera une information privée au seul prétexte que ça nous soulage d'en dire.
Il en est d'autres qu'on souffre trop de ne pas savoir (c'est le (trop) classique : Pourquoi m'as-tu quittée ?) mais ce sont généralement celles dont la réponse est introuvable.
Euh, c'était ma rubrique, je fais ma vieille qui croit qu'elle sait mais en fait c'est jamais le cas, on n'est jamais à l'abri de sales ou bonnes surprises. Et je suis la première à ne pas savoir trouver la bonne distance.
(1) je n'ai pas encore le lien mais il y a un article dans Le Monde sur les conséquences néfastes de papiers de filiation trop précis réclamés aux personnes en vue d'établissement de passeports biométriques et qui pour certain(e)s entraînent de douloureuses révélations.
Rédigé par : gilda | mercredi 27 septembre 2006 à 10:16
Mouais, moi aussi j’essaie de me tenir avec mes enfants à l’attitude qui paraît la plus raisonnable, la présence en cas de besoin, mais pas envahissante. Mais c’est dur, surtout quand on est curieuse et que tes filles ne semblent pas avoir besoin de te confier leurs histoires !
[J’aimerais avoir l’intuition qu’a eu ton père : je trouve ça génial !]
Rédigé par : swahili | mercredi 27 septembre 2006 à 10:18
PS : très bonne, excellente photo (le cadrage, premier plan / arrière plan) et qui illustre si parfaitement votre billet.
Rédigé par : gilda | mercredi 27 septembre 2006 à 10:18
Quand j'étais adolescente, j'ai un peu souffert de la pudeur de ma mère, qui par respect pour mon intimité, ne me posait aucune question... J'ai compris plus tard que ce n'était pas de l'indifférence, mais sur le moment je lui en ai voulu de si peu s'intéresser à moi -croyais-je. Dur dur de trouver le juste milieu...
Rédigé par : Ana | mercredi 27 septembre 2006 à 10:24
Comme Ana je crains toujours qu'on prenne ma retenue pour de l'indifférence, mais Lolo ne me laisse pas m'éloigner, aussitôt elle hurle maaamaaaaaan !
Rédigé par : sophie | mercredi 27 septembre 2006 à 11:11
Tellement difficile de choisir la confiance, de ne pas vouloir tout comprendre et maîtriser, surtout quand on a été formée à une relation de couple totalement fusionnelle (mon premier couple a été celui formé avec ma soeur jumelle où la transparence était totale).
Or justement cet espace qu'on accepte avec l'autre est le gage de l'amour contre la fusion. Il est essentiel pour que l'autre s'épanouisse. Mais parfois il devient trop grand ; il y a trop de distance - un fossé qui se creuse. Son "espace personnel" comme il dit, devient une forteresse où je ne peux trouver ma place (mon homme à de nombreuses passions dévorantes). D'où l'importance aussi d'être capable de donner des coups de pied dans la forteresse.
Au fait, connais-tu le projet contigo à Santiago?
Rédigé par : Laurence, la matrice multiple | mercredi 27 septembre 2006 à 11:34
Et pourquoi ne rien savoir de leurs journées et soirées! Moi j'adore quand mon homme sort sans moi. En général dès qu'il rentre (que ce soit à 23 h ou à 6h du mat)je lui saute dessus et lui pose plein de questions sur sa soirée. Quant aux enfants j'aime bien savoir ce qu'ils font. Ils sont encore petits et c'est imporant de connaître leur univers.
Rédigé par : Cécile | mercredi 27 septembre 2006 à 12:55
je vis en plein le truc d'Ana, pendant des Ana (comme la lolo de sophie) je ne laissais pas ma mère s'eloigner, aujourd'hui adulte j'ai du mal a aller vers elle je la sens trop distante et meme si je sais qu'elle est pudique , j'aimerai des fois qu'elle se lache un peu. Moi avec mes petites j'ai compris que si on demande rien ne vient, et qu'il faut être un peu sorcier pour arriver par des detours a les faire parler.
En tout cas moi je suis une excessive curieuse (limite concierge) et je dois me faire violence pour pas harceler mon prochain ;)
Rédigé par : caro(rocarossi) | mercredi 27 septembre 2006 à 13:23
je vis en plein le truc d'Ana, pendant des années... (pardon pour la faute de frappe)...
Rédigé par : caro(rocarossi) | mercredi 27 septembre 2006 à 13:24
C'est super bien dit!! Mais je crois que j'ai encore une longue route à faire avant d'en arriver à cette patience et cette confiance absolue en l'autre qui me ferait dire "viens si tu as besoin, je suis là" et pas "je suis là, alors raconte!!"
Rédigé par : Nanoo | mercredi 27 septembre 2006 à 14:32
Moi aussi j'adore discuter avec Nico de sa soirée, quand il est rentré.. y'a peut-être plusieurs styles possibles.. le truc c'est de sentir quand ça gonfle l'autre et de ne pas insister, et là j'avoue, j'ai du maaal..
Rédigé par : Christie | mercredi 27 septembre 2006 à 15:34
Moi mon problème c'est
-"Allo, ça va?"
- "Oui, ça va.."
- "T'as une drôle de voix, tu es sûre que ça va?"
- "Ben oui"
- "Ah je pensais"...
Et à la fin, et bien ça ne va plus!:-)
Rédigé par : Nathalie | mercredi 27 septembre 2006 à 16:01
Entre temps j'ai trouvé l'article du Monde sur les vérités révélées (ou qu'on craint de) lors de l'établissement des passeports biométriques :
http://abonnes.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-817254@51-817366,0.html
Rédigé par : gilda | mercredi 27 septembre 2006 à 16:47
Je prends bonne note du bon exemple pour la partie "papa". Se comporter comme ça - aussi près que possible, mais aussi discret que possible - était ma tactique avec les enfants petits.
Mais c'est bien plus dur quand ils grandissent. Quand les enfants ont l'air - peut-être ? ai-je bien entendu ? - d'appeler à l'aide - mais sur les pieds de qui je vais marcher ? - c'est pas évident - et est-ce digne de feindre d'aider si on est impuissant à résoudre le problème - etc.
Rien que des questions de mec, peut-être. De mec d'ici, parce qu'au Burkina Faso (mon exemple habituel), le père n'attend pas, pour intervenir, de commencer à soupçonner qu'il pourrait y avoir le début d'un problème. Il dirige, et la liberté de l'enfant (âgé de 7 ou de 77 ans) est le problème de l'enfant, plutôt que le sien.
Rédigé par : FrédéricLN | mercredi 27 septembre 2006 à 17:09
mon père, son aide a surtout été psychologique.. mais très importante ! il me recadre, ou m'ouvre des perspectives
ceci dit, ma psy me trouve un peu dythirambique à son sujet, elle a l'air moins enthousiaste quand je parle de Papa..
Rédigé par : Christie | mercredi 27 septembre 2006 à 17:16
A propos de tes "contorsions pas possibles", la maitresse (de mon fils) nous a expliqué que c'était tout à fait normal qu'ils ne racontent rien de leurs journées à cet âge.
Il n'empêche que c'est assez frustrant et que j'ai du mal à me retenir d'insister lourdement pour essayer de savoir ce qu'il a bien pu faire à l'école. Et lui ben, évidemment, rapidement ça le saoule toutes ces questions, alors il répond par des grimaces ou des mots inventés. (Et c'est là que j'essaie de ne pas prendre l'air vexé du tout.)
Rédigé par : aymeric | mercredi 27 septembre 2006 à 17:47
saloperies de gosses ! (tiens, je vais demander à ma mère si j'étais comme ça à leur âge.. mais je ne crois pas, c'est à cause de son air fatigué quand je lui racontais de A à Z toutes mes journées, que je me suis mise à écrire... elle ne savait pas sa chance, une fille qui raconte ! non je rigole, j'étais assez soulante)(heu, pourquoi je parle au passé ?)
Rédigé par : Christie | mercredi 27 septembre 2006 à 17:49
j'ai beaucoup pratiqué l'échange ou non échange avec frère et père " taiseux ", tout est effectivement question de fragile équilibre entre la petite qusetion qui tent la perche et la réponse qui dit qu'on ne veut rien dire ; attendre, babiller pour remplir et être prête le jour où ils veulent parler, car là c'est magique !
ils sont partis tous les deux maintenant mais l'essentiel a été dit en peu de mots.
A mon avis, fô des années de pratique, te décourage pas Christie !
Rédigé par : pat | mercredi 27 septembre 2006 à 22:02
Lundi
Qu'est-ce que tu as fait à l'école aujourd'hui ? Réponse : "j'ai fait plein de sauzes"
Mardi
Qu'est-ce que tu as fait à l'école aujourd'hui ? Réponse : "j'ai fait plein de sauzes"
... et c'est comme ça depuis la rentrée ! Je n'ai jamais réussi à avoir plus de détails.
Rédigé par : latimide, qui vous lit tous les jours | jeudi 28 septembre 2006 à 10:54
pourquoi t'essayes pas de lui raconter toutes les sauzes que t'as faites, toi, pendant qu'elle était à l'école ?
moi j'essaye.. et je me rends compte que c'est HYPER dur de verbaliser une journée à un enfant.. j'ai du mal ! alors je comprends ses difficultés, et en plus elle me raconte davantage..
Rédigé par : Christie | jeudi 28 septembre 2006 à 10:58
tiens c'est marrant, en lisant le commentaire le latimide, moi j'imaginais un petit garçon, et toi Christie apparemment, une petite fille... alors, qui a raison ? :-)
hyper dur de raconter effectivement, quand j'essaie de raconter à Anatole, à part "j'ai travaillé dans mon bureau devant mon ordinateur", je ne sais pas quoi lui dire (au moins il peut visualiser, il a déjà vu mon bureau...) mais rien que ça suffit à débloquer un peu, il me raconte une petite anecdote de sa journée, qu'après il faut décrypter (mardi c'était : "j'ai fait du collage en équilibre") !
Rédigé par : camille | jeudi 28 septembre 2006 à 11:16
alors moi les questions qui me viennent c'est "sur quoi tu bosses ?"
t'as déjeuné avec qui ?
et tu y es allée comment, au bureau ?
Rédigé par : Christie | jeudi 28 septembre 2006 à 11:19
Je n'ai toujours pas appris à ne pas poser les questions qui fâchent, d'autant plus que j'ai l'art de mettre le doigt dessus. Non, j'ai juste appris à rajouter à la fin "Et si je pose, tu as le droit de passer"la question.
Rédigé par : Agnès | jeudi 28 septembre 2006 à 13:54