La saison des mariages tirait à sa fin ; elle avait duré six ou sept années, à raison d'une à six unions par an, tous les amis ou presque y étaient passés ; restaient les jeunes cousins, encore une ou deux fêtes en perspective...
Chaque année elle s'achetait une robe, une seule, pour assister à l'un de ses mariages ; elle prenait soin de la choisir dans une matière agréable, souvent un coton fin, ou une soie légère, afin de pouvoir la remettre ensuite au gré des évènements, un autre mariage, une soirée estivale, ou un déjeuner un peu chic.
Sa robe préférée était en soie garance, ce rouge foncé confinant au bordeaux, à la fois décolletée et évasée, une robe de femme qui serait restée une petite fille ; et cette robe à la main, elle se tenait devant le comptoir d'un couturier-retoucheur, qui lui demandait une somme très importante pour changer la fermeture éclair.
- Mais le prix que vous me demandez, c'est la moitié de celui que j'ai payé ma robe ! A ce prix-là j'achète une autre robe...
- Comme vous voulez, dit l'homme-au-front-fermé.
Elle se sentait bête, avec sa robe préférée, immettable à la main. Cela lui avait pris un an à se décider à faire la démarche (comme souvent les petites actions pas gratifiantes) et maintenant qu'elle avait franchi le pas, quel ennui de reculer. Mais quand même, le prix était trop élevé, le front trop buté, elle s'était avancée trop loin, et ne pouvait pas lui laisser sa précieuse robe.
Elle remit l'étoffe dans son sac, Au revoir Monsieur, et lentement tourna le dos à la boutique.
[Les livres pour Bertrand :
La salle de bains, de Jean-Philippe Toussaint
La ferme africaine, de Karen Blixen
Les yeux dans les arbres, de Barbara Kingsolver
Fragments d'un discours amoureux, de Roland Barthes
La mousson, de Louis Bromfield
Le dalhia noir, de James Elroy]
[Vu hier soir ce film formidable, Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Sans Nico, je n'y serais pas allée, pourtant SC est notre réalisatrice fétiche mais les critiques m'avaient découragées... Je ne suis pas d'accord avec les critiques, ce film sur la solitude, sur le désir au féminin, sur la camaraderie entre époux, incarnés par la sublime Kirsten, m'a enchantée.]
Christie, j'ai moi aussi adoré ce film, pour plein de raisons et ai dû soutenir mon point de vue face à un mari et une soeur déchaînés...
C'est vrai que je n'ai pas été insensible aux costumes et, moi qui adore coudre, aux détails des robes. Je me suis déjà fait une tunique comme celle qu'elle portait le jour de sa représentation lyrique.
Tiens ben comme ça je fais le lien entre ta parenthèse et ton billet sur la robe ;-)
Rédigé par : telle | mercredi 12 juillet 2006 à 10:21
J'ai lu la plupart des livres que tu recommandes, et j'aime aussi. (Barbara Kingsolver, je l'ai meme lu au Chili). Sinon, Marie Antoinette, j'y suis allée avec deux copines et elles ont détesté. Pour ma part, j'ai adoré.
Pas tellement la complicité entre époux, mais le désir d'insouciance adolescente un peu trop étudié, un brin trop intense. Ca m'a rappelé les campus anglais et leur bals de princesses, justement.
Par contre Virgin Suicides et Lost in Translation c'etait plus que bof.
Rédigé par : Dany | mercredi 12 juillet 2006 à 10:36
et bien pour une fois je ne suis pas d'accord avec toi mais c'est ça qui est sympa dans le cinéma, chacun y voit midi à sa porte. Je trouve que c'est un magnifique clip vidéo (les costumes, les images, les couleurs, les gens, bref tout est beau (trop beau?)) mais qui dure trop longtemps, j'ai lu une interview de SC, elle dit qu'elle a voulu filmer la chiantitude, alors je dis bravo, effet réussi, je me suis rarement autant ennuyée. D'ailleurs quand elle ou les acteurs parlent du tournage, c'est pour dire qu'ils ont fait la fête du matin au soir, ont bu et mangé plus que de raison, et se sont balladés à Versailles sans scénar ni direction.
dis au fait tu as vu les converses?
Rédigé par : rocarossi | mercredi 12 juillet 2006 à 10:43
et par contre j'ai adoré les 2 autres (Virgin Suicides et Lost in Translation)
Rédigé par : rocarossi | mercredi 12 juillet 2006 à 10:44
oui j'ai vu les converse, ça m'a fait marrer ! et aussi quand Polignac sniffe un rail de coke sur sa main..
ce que j'aime chez SC, c'est à la fois la récurrence de ses thèmes, qui me touchent plus de que raison (cf la robe de femme-enfant..), sa photo et ses actrices magnifiques, et un univers toujours différent, foisonnant, riche.. un festival de surprises
oui elle filme bien la routine ! et sa chiantitude ! et le paradoxe entre tout ce luxe, cette orgie, ce divertissement, et l'ennui malgré tout d'une femme qui ne sait trouver sa place.. oh la la, j'ai été touchée !
Rédigé par : Christie | mercredi 12 juillet 2006 à 10:54
ton explication raisonne et me touche (comme ton texte), je n'ai pas été si loin finalement. Sans doute pas ds le même état d'esprit que toi au moment de le voir (et puis un mari à côté qui trépignait d'ennui, dur de le garder jusqu'à la fin du film)
Rédigé par : rocarossi | mercredi 12 juillet 2006 à 10:59
(alors que moi.. hmm... il dormait !)
Rédigé par : Christie | mercredi 12 juillet 2006 à 11:01
Je n'ai pas (encore?) vu ce film mais j'aimerais bien. Au moins pour les costumes ou la beauté des images, auxquels je suis toujours très sensible (mon côté midinette).
Sinon, pour les retouches, j'ai une gentille collègue couturière qui me répare tout, rallonge, raccourcit, retrécit, élargit tous mes vêtements...pour 3 fois rien. Et c'est bien pratique!
(P. S.: De temps en temps, je fais un effort pour ne pas intervenir de manière trop nombriliste, ne pas profiter de ton blog pour m'étaler, faire un commentaire qui pourrait apporter quelque chose au débat...Mais, pour l'instant, je ne suis pas trop dans cet état d'esprit. Pardon...)
Rédigé par : lili(qui fut cinéphile...ds une autre vie) | mercredi 12 juillet 2006 à 12:27
Arrête de te censurer Poulette, c'est super intéressant ce que tu racontes !
les seuls commentaires qui me gènent sont ceux qui jugent et critiquent de manière normative ou pas gentille. Les autres, bienvenue ; surtout les tiens ma Lili !
Rédigé par : Christie | mercredi 12 juillet 2006 à 12:37
Quel bonheur de lire du bien de ce film, que je suis allé voir trois fois (la première fois seul, la seconde fois pour y emmener Denis, la troisième par gourmandise et excès). Oui, c'est un film sur ce que vous dites, et j'ajoute : un film sur l'énergie, sur les forces de vie, sur la fête qu'on peut opposer à tout ce qui casse et démonte. Et quelle grâce, lorsque Kirsten Dunst, finalement vaincue, dit : "je fais mes adieux"
J'observe, second bonheur, que nous avons les mêmes lectures, des fragments au dahlia. Question : les mêmes livres font ils les mêmes spectateurs ?
Rédigé par : autourdesmatins (ex ponolive) | mercredi 12 juillet 2006 à 15:48
ah ça ??
mais ces lectures sont adressées à une même personne, mon ami Bert, en fonction de sa personnalité, son été, l'âge du capitaine.. des livres, comme vous le voyez, j'en lis des charettes d'autres
et, comme vous, je me sens capable d'aller revoir M.A.. en même temps, j'ai peur d'en ressortir trop triste
oui, quelle grâce a Kristen Dunst ! je souscris à tout ce que vous dites sur ce film d'ailleurs
Rédigé par : Christie | mercredi 12 juillet 2006 à 15:52
tes mots sont toujours superbement illustrés alors quand ce ne sont pas des photos perso donne-nous stp tes petits trucs pour dénicher ces autres clichés
merci bcp
Rédigé par : zina | jeudi 13 juillet 2006 à 09:18