Influencée par un livre ou son préalable, que je n'avais pas lus, et abandonnée des autres, j'ai passé l'été accompagnée par l'un des fameux Moleskine, bien trop beau pour moi.
Il ne méritait pas les conditions extrême d'utilisation qu'une double vie impose.
Glissés dans mon sac à main les jours de sagesse, cachés sous la veste entre la ceinture et la chemise les jours de frénésie intempestive et de contrainte professionnelle, coulés dans la poche arrière de mon jean des jours de liberté, les carnets que j'adopte se doivent d'être souples et sans spirales blessantes.
Je fus moins exigeante, mes premiers et sages cahiers me servaient à noter le livre que l'ami ou la libraire m'avait conseillé, une course indispensable à faire en sortant du bureau et que je craignais d'oublier, une adresse de messagerie que le carnet d'adresses, saturé, ne pouvait plus contenir.
Quand l'écriture est venue, il s'agissait juste d'y jeter quelques mots pour un message à l'attention d'une amie ou d'un amour et qui risquaient de fuir, non pas tant les sentiments que leur expression avant l'instant magique où je retrouverai enfin l'ordinateur familial et la possibilité de le communiquer. Alors au milieux des listes de livres à lire, de musiques à écouter, de films à voir et de commissions ou corvées à faire, se sont installées quelques phrases de contrebande.
Je suis entrée dans le bal par inadvertance, vint un moment où les mots ont gagné, le calepin a dû se plier aux exigences de ma vie tiraillée.
Mon choix s'est alors porté sur ces Clairefontaine à la tranche en tissu et fort solidement cousus, la couverture solide mais souple d'un marron clair et discret, le papier doux accueillant à toute écriture. En l'espace d'un ou deux week-ends, ils prennent exactement la forme idéale de la poche arrière, se placent dans ma main droite avant même que j'ai compris que je devais à l'instant même écrire, m'évitant tout oubli fâcheux. Ils vieillissent bien, aucun n'a craqué avant la fin de son usage. J'étais heureuse, j'avais trouvé le partenaire idéal de ma nouvelle addiction.
Hélas par un mauvais jour du printemps dernier, ils ont disparu des rayons papeterie, où leur grands-frères de plus large taille figurent pourtant toujours en bonne place.
Le Moleskine, familier de ma soeur, mais ignorant d'arrogance que je ne faisais pas partie de la cour des grands, s'est alors imposé. Soucieuse de m'y adapter, d'obéir à ma fatalité, j'ai scrupuleusement dessiné le nombre de poissons requis for a decent tribute to Ernest auquel le marketing indélicat nous force de penser, travaillé sérieusement, senti son poids dans mes poches, bataillé avec l'élastique, craqué la pochette intérieure par utilisation trop intensive de post-its pour compléments intimidés, tenté en parallèle d'autres expériences, dont certaines japonisantes, agi en femme inassouvie par un mari trop sérieux et qui cherche consolation auprès de plus souples amants.
Cependant, quoi qu'on fasse, on en revient toujours à ses premières amours.
Les miennes sont en rupture de stock.
Molle skin, surtout pas toi. Quel doux plaisir à te lire ! Merveilleuse déclaration d'amour à l'écriture.
Sansmoi, tu as des lectrices-amies douées.
Rédigé par : Richard | lundi 13 décembre 2004 à 10:48
c'est vrai ça..
Rédigé par : sans moi | lundi 13 décembre 2004 à 11:10
euh, oh là là, merci (j'ai pas de webcam sinon vous me verriez rougir)
et puis merci pour le titre que j'avais probablement omis et les fautes d'orthographes qui devaient sans doute traîner
(je manquais terriblement de temps mais pas de sommeil)
Cela dit les carnets Clairefontaine, si vous en voyez, je vous en prie dites-le moi, le fait que je n'en trouve plus nulle part n'est hélas pas de la fiction !
Rédigé par : gilda | lundi 13 décembre 2004 à 21:04
oh gilda quel joli texte ! merci de me l'avoir fait partager... et c'est promis je m'en vais aller explorer les rayons des papeteries alentours à la recherche des vos premières amours !
Rédigé par : penny | mercredi 15 décembre 2004 à 12:00