
J'ai pris des photos magnifiques de Belle île cet été.
Pas de grand mérite, l'île était à son sublissime (oui Madame Simon, ET j'ai su la regarder et en rendre compte, faut pas se laisser faire). Et chaque jour, j'ai été terrassée par une immense tristesse liée à la perte de cette maison (ce DOMAINE ! ce ROYAUME) que nous avions à Bordustard, voulu et imaginé et aimé et construit par mes grands-parents maternels et que nous avons bazardé à leur mort.
Chaque jour, avec mon vélo de location ou notre voiture mercenaire, j'ai monté la côte que je gravissais à grand peine, enfant, et je passais sur la route familière, les jardins familiers, le chemin courbe de terre et de pierres menant au royaume.. dont je suis exilée.
Ne me demandez pas pourquoi j'ai éprouvé le besoin de me faire ce mal, il fallait que je passe par là.

Et sur le chemin du retour vers Malakoff, quand il a fallu prendre la rocade à Rennes et passer devant la bretelle Saint Malo sans l'emprunter, là aussi j'ai saigné.
La perte est un problème de riche. Quand on n'a pas aimé, on n'a rien à perdre...
Et que c'est dur, dur d'habiter pleinement le présent quand on est saigné à blanc par le décrochage de ces pertes ! Je vous parle des maisons, mais il y a les amours, les bébés (mes enfants ne sont plus des bébés), il y a les situations (plus jamais je n'animerai ces petits-déjeuners là avec Anna), LA VIE PASSE et c'est tant mieux et parfois OUAHOU faut s'accrocher au pinceau.
Heureusement... Julia est là... cet été pile quand j'en avais besoin elle m'a conseillé (dans ce livre-là) la chose suivante : habitée par l'une de mes pertes, fabriquer une poupée.
OUAHOU. Je l'ai fait deux fois ma poupée, une pour les maisons et une pour une situation passée que je pensais ne reviendrais jamais. Promenade dans un camping de Prora à Rugen, en Allemagne, avec mes petits ciseaux. J'ai coupé des branches de sapin, des herbes longues, des feuilles de chêne, des brins de bourrache. J'ai pris des grandes feuilles de journaux pour faire le corps. J'ai attaché avec mon fil d'or et de la dentelle que je tiens de ma grand-mère.
J'ai pleuré un peu mes maisons. J'ai surtout vu la chance, cette liberté (pourtant on était dans le camping le plus pourri de nos vacances, celui où tout était payant même les toilettes ! et près de Prora, la grande cité nazie !), cette vie dans la nature, cette synthèse, la maison de Malakoff que nous avons pu acheter en partie grâce à la vente de Dinard...

Cette poupée je l'ai trimballée partout avec nous jusqu'à la fin des vacances.
La seconde poupée, je l'ai faite dans la forêt près de chez moi. Quand elle m'a plue, quand elle a été terminée, je l'ai glissée dans un trou de souche d'arbre. Avant de poser ma poupée, j'ai regardé dans le trou... Une lettre y était posée, et sur cette lettre j'ai lu les mots Je t'aime encore.

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